Uber, tome 2

Carnage d'une ampleur nouvelle
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Ce tome fait suite à Über, tome 1 (épisodes 0 à 5) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 6 à 11, initialement parus en 2013/2014, écrits par Kieron Gillen, dessinés par Caanan White, encrés par Keith Williams pour les épisodes 1 à 3, et par Joseph Silver pour les épisodes 4 à 6, avec une mise en couleurs réalisée par les studios Digikore. Les couvertures ont été réalisées par Michael Dipascale, et les couvertures alternatives par White.

La seconde guerre mondiale se poursuit, du fait de l'arrivée d'une nouvelle arme sur les champs de bataille : des supersoldats. le 06 avril 1945, à soixante kilomètres au nord d'Okinawa, la guerre du Pacifique bat son plein. L'équipage de l'USS Bush, un destroyer de classe Fletcher, voit arriver une grosse escadrille dans le ciel. Il s'agit de cent-quatre-vingts avions kamikazes, protégés par cent Zéro. le navire Colhoun vient en renfort, mais la vague Kikusui a rempli sa mission. Cet affrontement est le symptôme du fait que le temps des grandes forteresses flottantes est passé, rendues obsolètes par l'aviation. Peu de temps après les avions de l'armée américaine coule le Yamato, premier cuirassé de sa classe dans la marine japonaise impériale. 20 mai 1945, sur l'île d'Okinawa, deux soldats américains se tiennent à l'entrée d'une grotte et essayent de rassurer les habitants qui y ont trouvé refuge. Un soldat tient une tablette de chocolat, mais aucun enfant ne s'avance pour la prendre : l'autre soldat lui explique qu'ils pensent qu'il y a des lames de rasoir dedans. le premier en mange un morceau pour montrer qu'il n'y a pas de piège. Un enfant prend la tablette. Une femme s'avance vers eux, tenant à la main une grenade dégoupillée. le premier soldat bat en retraite et le second fait feu sur la japonaise. Les deux soldats repartent, traversant une zone en terre sur laquelle se trouvent de nombreux cadavres de japonais morts au combat.

Les deux soldats regagnent leur poste dans une tranchée au sommet d'une colline conique. le plus ancien explique au plus jeune les enjeux réels de cette position, des avancées et des replis des japonais. le 24 mai 1945, plusieurs avions Zéro s'approchent à un mile de la flotte américaine. Les panneaux de la soute à bombe s'ouvrent : un homme plonge dans les eaux tumultueuses sous la pluie. le supersoldat japonais nage vers le cuirassé et libère ses pouvoirs. le navire coule. Deux autres navires sombrent, eux aussi attaqués par un supersoldat kamikaze qui ne survit pas non plus. Sur le navire amiral de la flotte, le général réfléchit à ce qui a pu provoquer la perte de ces trois navires. Avec son aide, il finit par en déduire qu'il doit s'agit d'une arme d'un nouveau genre, certainement un supersoldat. le 24 mai, un avion militaire américain est abattu en plein vol par un supersoldat japonais à bord d'un avion de transport. La nuit, à l'aéroport Yontan sur l'île d'Okinawa, au nord de la ligne Shuri, la seconde ligne de défense, douze avions Mitsubishi arrivent pour l'opération Miyoko. Six parviennent à atterrir, contenant chacun douze supersoldats japonais.

Le premier tome avait bien exposé la dynamique de la série : pendant la seconde guerre mondiale, l'armée allemande a décidé de privilégier la recherche sur les supersoldats, au détriment de celles sur les missiles V2. Les premiers à être prêts le furent le 29 avril 1945. le scénariste fait démarrer la divergence de l'Histoire dans son récit à ce moment-là, tout en précisant un élément antérieur, une découverte qui amène à la possibilité des supersoldats. La divergence a donc eu lieu quelques années avant 1945. le principe de la série est d'imaginer quel aurait été le déroulement de la seconde guerre mondiale avec l'utilisation de cette arme inédite. Sa mise en service intervenant peu de temps avant la chute réelle de Berlin le 02 mai 1945, l'Allemagne ne renverse pas l'issue de la guerre comme par enchantement. Pour le moment, cette nation a gagné un répit qu'elle doit mettre à profit. le Führer est toujours en vie, car il ne s'est pas suicidé, galvanisé par les perspectives qu'offrent les supersoldats. Ce deuxième tome s'ouvre sur un autre front : celui du Pacifique. Cela fait sens car du point de vue du scénario, il est logique que chaque pays essaye de rattraper son retard en armement, c'est-à-dire de développer ses propres supersoldats en cannibalisant la science mise au point par les nazis, et récupérer partiellement grâce à leurs espions.

Dès cet épisode 6, le dessinateur est à nouveau mis à rude épreuve. Il doit donc assurer la reconstitution historique : les uniformes militaires, les armes à feu, les vaisseaux de guerre, les avions militaires, pour l'armée américaine et l'armée japonaise, puis plus tard pour l'armée allemande, et pour l'armée soviétique, et aussi l'armée britannique. Il reproduit avec fidélité l'allure générale de tous ces éléments historiques, mais il ne faut pas que le regard du lecteur s'attarde trop longtemps pour chercher les détails. du fait de la nature du récit, les batailles sont nombreuses et variées, et là encore l'artiste a fort à faire. Ça commence avec les avions kamikazes, et ça continue avec le bombardement de navires japonais par les avions américains. le lecteur se dit qu'il ne peut pas trop prendre ces pages comme un reportage fiable sur les formations aériennes d'une armée ou d'une autre, mais le dessinateur ne ménage pas sa peine pour des compositions complexes sur plusieurs plans afin de montrer la violence des attaques des avions sur les navires. Comme dans le premier tome, le studio Digikore réalise une mise en couleurs très chargée, avec des dégradés systématiques pour rehausser le relief de toute surface détourée, pour rendre compte de la luminosité, des ombres portées, de la texture. Cela a pour effet de fortement augmenter la densité d'informations visuelles, et d'améliorer l'impression de réalisme, tout en complétant certaines cases qui sinon auraient pu paraître un peu vides. En outre le studio met en évidence les épanchements de sang des pauvres mortels face aux supersoldats, ainsi que l'effet Halo correspondant à l'énergie libérée par les supersoldats.

Comme dans le premier épisode, Canaan White doit également représenter les scènes de bataille et les morts au combat, ainsi que des blessures graves. Cela donne lieu à des passages macabres, comme les cadavres sur l'île d'Okinawa, ou encore le carnage de la bataille de Koursk. Il apparaît vite que l'artiste sait positionner les soldats de manière que chaque case reste lisible, avec un certain élan dans le massacre. Il apparait également qu'il éprouve des difficultés à imaginer le champ de bataille, certainement faute de références appropriées. du coup, certains agencements semblent trop réguliers, trop propres, sans intelligence stratégique derrière. Ce décalage est criant dans les rues de Londres, un milieu urbain qui semble dépourvu de constructions, de bâtiments, d'équipements de voie publique pendant le combat qui s'y déroule. D'un autre côté, les scènes de dialogue bénéficie de prises de vue plus plausibles. Les personnages historiques (Hitler, Churchill, Staline) sont ressemblants. Les supersoldats font peur à voir dans leur perfection physique, et leur professionnalisme au combat, ce dernier point étant primordial pour le récit.

En effet, Kieron Gillen tient bien le cap de la logique de son récit : les supersoldats sont une arme. le lecteur peut donc voir chacun des trois chefs d'état suscités gérer au mieux cette nouvelle arme, avec leur état-major. Ils doivent tous prendre de terribles décisions. L'auteur montre le Führer comme étant un tyran déséquilibré. Staline prend une décision terrifiante en termes de coûts humains pour que l'URSS puisse disposer de ses supersoldats. Churchill se montre pragmatique, prenant également des décisions de chef d'état qui font frémir. Chaque nation ayant réussi à initier son programme de supersoldat déploie au mieux cette nouvelle arme. Ce n'est pas une baguette magique, et ils ne sont pas invincibles. Il y a une logistique à assurer et une stratégie à établir. Des confits entre supersoldats de deux nations différentes finissent par se produire, avec un avantage certain pour ceux dont la recherche est la plus avancée, et un niveau de destruction effrayant, un coût en vies humaines de plus en plus élevé. La guerre suit son cours, et les nations continuent leur course à l'armement. Enfin, ce ne sont pas des armes classiques, dans le sens où ce sont des êtres humains et que le pouvoir corrompt. Il est terrifiant de voir ces supersoldats massacrer ceux en face, Gillen n'oubliant pas de montrer que l'effet principal de la guerre est de tuer. Il est également très inquiétant de se rendre compte qu'ils sont chacun animés de leurs propres motivations, souvent alignées avec les objectifs de la nation. Mais tous n'étaient pas des soldats professionnels avant d'être transformés, et ils ont tous une histoire personnelle, des mécanismes psychologiques personnels pour s'adapter aux massacres qu'ils perpétuent. le lecteur rétablit le parallèle avec les armes habituelles et le pouvoir qu'elles donnent à ceux qui les manipulent.

Ce deuxième tome confirme les forces et les faiblesses du premier. La narration visuelle est spectaculaire et percutante, mais elle pêche parfois pour la consistance des champs de bataille. le scénario se focalise sur les conséquences de la mise en oeuvre d'un armement d'un nouveau type, en rattachant cette Histoire divergente à des batailles majeures, et en commençant à faire apparaître les conséquences sur les supersoldats de leurs terrifiantes capacités.

Encore meilleur que le précédent. Nous vaquons entre la guerre du pacifique avec les japonais qui ont eux aussi et grâce aux nazis des surhommes pour mieux se battre contre les américains, celle des russes et des allemands...
Action, violence et rebondissements desservis par des dessins de bonne facture sont les ingrédients d'un très bon tome. J'en redemande !