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Une brillantissime nouvelle de 40 pages, qui retrace la descente aux enfers d'une femme.
Elle vient d'avoir un enfant, "ce cher bébé", et souffre de ce qui semble une dépression post-partum.
Pour son malheur le mari est médecin et lui applique les recommandations de la psychiatrie de l'époque (nous sommes au 19ème) : la garder recluse et privée de toute source de distraction, comme lire ou écrire.
Il ne lui reste qu'une activité : observer l'affreux "papier peint jaune" (le titre original) dans lequel, peu à peu, lui apparaissent des motifs étranges, effrayants, reflétant sa folie croissante.
En 40 pages, dans une narration à couper le souffle, Charlotte Perkins Gillman nous raconte sa propre dépression avec une virtuosité infernale et glaçante.
Traduit par Diane de Margerie.
LC thématique mai 2023 : "Littérature étrangère non francophone"
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Ecrit en 1890, ce court récit, en grande partie autobiographique, condense de nombreuses thématiques représentatives de la société et des moeurs de l'époque victorienne.

Rédigé sous la forme d'un journal intime, « La séquestrée » met en scène une jeune femme qui, souffrant d'une dépression post-partum se voit imposer une cure de repos par son médecin de mari. L'héroïne se retrouve ainsi confinée dans une chambre exiguë, privée de toute stimulation intellectuelle, n'ayant d'autre « distraction » que d'observer à longueur de journée le papier peint hideux qui orne la pièce.

Commence alors pour la narratrice une longue descente aux Enfers qui va peu à peu l'entraîner aux portes de la folie. Car à mesure que les jours passent, le papier peint semble s'animer et bientôt, l'héroïne croit distinguer les traits d'une jeune femme tentant de s'échapper du motif la retenant prisonnière…

Si à la première lecture, « La séquestrée » semble se situer à la lisière entre roman gothique et récit fantastique, explorant le basculement d'une femme dans la folie, la brillante et pertinente postface de Diane de Margerie permet d'offrir au lecteur un éclairage nouveau au texte.

Replaçant l'oeuvre dans son contexte et reprenant des éléments biographiques de l'auteure, Diane de Margerie nous démontre comment « La séquestrée », au-delà d'une étude psychologique de ce qu'on nomme aujourd'hui la dépression post-partum, est en réalité une véritable condamnation de la société patriarcale et de l'hégémonie médicale de l'époque victorienne.

Car à travers le portrait saisissant de cette femme cloitrée dans cette chambre sordide et soumise à l'autorité de son mari, c'est finalement celui de toute une condition féminine, emprisonnée dans une société verrouillée que dépeint l'auteure.

Jusqu'à la moitié du XIXième siècle, on considère en effet que la place de la femme réside dans la sphère privée du domicile familial où elle se doit d'assumer son rôle d'épouse et de mère de famille. de leurs côtés, les hommes régissent le domaine public à travers le travail, la politique et l'économie. Ce n'est qu'au milieu du XIXième siècle que les moeurs commencent à évoluer à mesure qu'émergent les premières pensées féministes. Les femmes aspirent à étendre leur rôle au-delà de la sphère familiale et à s'émanciper.

C'est dans l'émergence de ce nouveau courant féministe que s'inscrit Charlotte Perkins dont la présente nouvelle fait en grande partie écho à sa vie, tout comme à celles de ses contemporaines, Edith Wharton ou Alice James. La société patriarcale de l'époque imposait aux femmes de choisir entre le mariage et la carrière, autrement dit entre le mariage et le célibat, la dépendance et l'indépendance. le mariage devait permettre aux femmes de correspondre aux modèles définis pour elle par la société de l'époque, à savoir la mère de famille modèle et l'épouse dévouée. Dans l'opinion populaire, toutes celles qui témoignaient d'un désir d'émancipation étaient considérées comme une menace pour l'ordre social établi.

Ces femmes, à l'esprit rebelle, qui refusaient d'incarner le rôle que la société attendait d'elles, ne pouvant se satisfaire de la place qu'occupaient leurs pairs enfermées dans le mariage et contraintes à l'autorité de leurs époux, étaient plus libres que les autres, indépendantes financièrement, mais souvent au prix d'une grande solitude.

C'est ainsi qu'à la fin du XIXième siècle, celles qui aspirent à s'affirmer en tant qu'écrivain se heurtent à cette société fermée et hostile aux femmes. L'écriture étant alors le privilège des hommes. On peut dès lors imaginer que « La séquestrée », à travers la mise en scène d'une femme forcée de rédiger son journal en cachette, décrit en ce sens la lutte acharnée que l'auteure a dû mener pour écrire et publier ainsi que les obstacles qu'elle a dû surmonter pour y parvenir.

Mais les desseins nourris par Charlotte Perkins lors de la rédaction de « La séquestrée » visaient avant tout le Docteur S. W. Mitchell à qui elle voulait démontrer, par son exemple, qu'il était dans l'erreur avec son approche thérapeutique de la dépression nerveuse et que ses traitements faisaient davantage de tort à ses patients qu'ils ne les soulageaient.

Charlotte a en effet elle-même souffert d'une forte dépression post-partum suite à la naissance de sa fille, Katharine. En accord avec son mari, elle décide de consulter le plus grand spécialiste des maladies nerveuses de l'époque, le docteur Mitchell, qui lui prescrit une cure de repos. La cure consistait en une véritable mise en quarantaine au cours de laquelle la jeune femme devait rester allongée une grande partie de la journée et, surtout, éviter toute occupation stimulante pour l'esprit. Après quelques mois de ce traitement drastique, à l'image de son héroïne, Charlotte Perkins se trouve aux portes de la folie.

Difficile de ne pas faire dès lors le parallèle avec l'héroïne de « La séquestrée », cette jeune femme qui, sur les recommandations de son mari médecin se retrouve cloitrée dans une chambre en vue de soigner sa dépression nerveuse. Dans son récit, Charlotte Perkins montre comment la narratrice, infantilisée par son mari, privée de tout loisir et de toute activité intellectuelle éprouve un sentiment d'enfermement oppressant aboutissant à une totale perte d'identité et à son basculement progressif dans la folie.

A mesure qu'avance le récit, le papier-peint devient un véritable miroir de la condition de l'héroïne, lui renvoyant l'image d'une femme prise au piège qui n'aspire qu'à s'échapper de ce qui la retient prisonnière. En se conformant aux attentes de la société, à travers le mariage et la maternité, la narratrice s'est ainsi retrouvée privée de liberté et d'identité, incarnant dès lors la condition de toutes ces femmes de l'époque qui se sont senties enfermées dans le mariage et dépossédées de leur identité.

Sous la forme d'un récit semi-autobiographique, Charlotte Perkins dénonce donc le confinement mental et physique de la femme dans la société de l'époque victorienne. Un texte aussi court que pertinent, foisonnant de symboles, qui ne peut laisser aucune femme indifférente.

A découvrir absolument !
Lien : http://afleurdemots.comli.co..
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Quelle claque !
Lu d'une traite, ce texte court et percutant m'a retournée.
Hystérie ou manipulation d'un pervers narcissique ?
Quel vilain mot, l'hystérie ! Avoir un utérus nous condamnant d'office, on ne peut pas lutter contre ce diagnostic posé par des gens qui en sont dépourvus. Pensez-vous, la nature est bien faite, elle a créé un être fort, raisonnable et intelligent pour s'occuper d'un être si fragile, si délicat, si immature !
C'est pour ton bien, ma chérie, que je t'enferme. Cesse tes enfantillages. Tu vois, tu pleures, tes nerfs ne sont assez solides...

Quel étouffement, quel vertige, cette nouvelle ! L'impression de se noyer dans ce maelström de papier jaune en lambeaux.



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Difficile à croire que cette nouvelle a été écrite au dix-neuvième siècle ! Tandis qu'Irving nous fait peur avec un cavalier sans tête venu directement du folklore européen, Poe nous terrifie avec ses mondes sombres et imaginaires et même Henry James nous fait délicieusement frissonner sur la possibilité de l'existence de fantômes, Charlotte Perkins Gilman fait une équation résolument moderne - pas de fioritures, une femme mentalement fragilisée par un syndrome post-partum, une chambre avec un papier peint jaune à motif...et le résultat est tout simplement HORRIPILANT ! Assez court, très dense, un régal !
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La protagoniste tient un journal intime. Malade des nerfs, elle se repose pendant plusieurs semaines dans une maison isolée que son époux, John, a louée. L'homme est médecin, attentionné, mais aussi très strict : il empêche toute sortie et tout divertissement à son épouse. « John se moque de moi, bien sûr, mais que peut-on attendre d'autre du mariage ? » (p. 21) Dans la chambre où elle dort et qu'elle ne quitte presque pas, un hideux papier peint jaune en lambeaux l'obsède. « Ce papier me regarde comme s'il avait conscience de son influence. » (p. 36) La folie s'empare rapidement de l'esprit fragile de la protagoniste : elle voit des choses dans le papier et se donne pour mission de combattre ce monstre unidimensionnel.

En peu de pages et avec une économie de mots remarquable, l'autrice dépeint la naissance de la folie avec une précision qui glace le sang. le plus terrible est d'apprendre en fin d'ouvrage que Charlotte Perkins Gilman a vécu une expérience similaire de neurasthénie, d'enfermement et d'affamement intellectuel. « Ce texte n'a pas été écrit pour rendre les gens fous, mais pour les empêcher de le devenir. Et ça a marché ! » (p. 187) Ce que l'autrice dénonce, ce sont des pratiques aliénantes, à base d'inactivité forcée, décidées et imposées par des hommes qui ne savent pas et ne cherchent pas à savoir comment mieux traiter les femmes.

La mise en page est une merveille et joue également sur les nerfs du lecteur, avec des pages blanches déstabilisantes, des décalages de lettres, des phrases hachées, et surtout ce papier peint jaune qui envahit progressivement tout l'espace, tout comme il gangrène irrémédiablement l'esprit de la narratrice. Détail qui a son importante, il faut couper les pages non massicotées pour progresser dans l'histoire. le lecteur trace ainsi activement son chemin dans le livre et le huis clos mental de l'héroïne, mais ce geste ralentit aussi la découverte de l'intrigue et entretient le suspense. le parallèle est grand entre l'action du lecteur et celle de la femme : le premier coupe le papier, la seconde l'arrache. Les deux sont aux prises avec la même matière, dans un but identique : découvrir ce qui se cache derrière le papier.

Je ne peux que saluer l'extraordinaire travail des éditions Tendance négative, maison bénévole qui a offert un superbe écrin au texte de Charlotte Perkins Gilman. de cette autrice, je vous conseille évidemment la lecture de Herland.
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Étrange et magnifique petit livre,
dont on aborde la lecture armé..
d'un coupe-papier. pour extirper
le texte prisonnier entre ses pages.
Retrouver ce geste presque oublié
de liberer l'écrit de sa bogue est un plaisir suranné
Être armée il le faut, pour faire face à la folie
de cette femme, folie suggérée puis criée.
Ce papier peint jaune recueille
toutes ses angoisses, ses incertitudes .
Elle a accouché il y a peu d'un bébé à peine évoqué
Cet enfant est il réel ? Est il vivant?
0n ne sait pas vraiment...
Il n'y en a qu'un qui sait
c'est John son mari médecin
L'homme de sciences la traite
avec autorité , condescendance ..
Et ouf! Elle se méfie, se rebiffe,
s'intéresse à la femme prisonnière
derriere ce papier peint hideux
qui a une odeur.. ..jaune!
Est ce elle, cette recluse ?
Tout est possible et rien ne l'est.
La psychose puerperale tient le premier rôle
Le papier peint jaune est le révélateur
des affres de cette jeune femme .
Étrange, énigmatique ce récit
joue beaucoup sur la présentation de ce texte.
Pages blanches, collées, noires habitées de démons..
Ça vous met la tête à l'envers, vous occupe les mains
vous emplit de malaise,
de solidarité aussi avec cette femme.
Une expérience rare à partager
Merci AM


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Ce n'est pas un conte de Noël. Ce récit n'est donc pas à raconter aux enfants sages.
C'est une brève nouvelle de cinquante petites pages qui fût écrite en 1891, entre quelques de ses poèmes par Charlotte Perkins Gilman. Une femme alors déjà bien malade, vivant alors déjà dans une grande détresse.
*

C'est une vraie histoire, une histoire authentique, celle tirée d'un vécu, celle de l'auteure qui se raconte. Qui raconte sous les traits de son héroïne, sa propre déprime, ses propres névroses à la limite parfois de la folie.
Une histoire d'une femme, d'une épouse, d'une mère qui est plongée dans la mélancolie, dans la déprime.
*

Cette vraie dépression pernicieuse, vicieuse, trompeuse, perverse, malsaine qui nous saisit un jour, silencieuse, sans que nous nous en rendions compte. Et qui répand son poison partout dans notre être.
Ce vrai état second, là où tout semble vaciller, là où même l'entourage semble ligué contre soi, où le malaise étouffe. Là où nous sommes projetés au-delà de la tristesse et condamnés à verser des milliers de larmes. Là où nous avons l'impression de marcher sur un fil, en équilibre dans le vide. Là où nous sommes prêts parfois à faire le grand saut dans l'abysse, pour nous délivrer de nos tourments. Pour nous libérer de nos pensées angoissantes qui nous compriment le coeur. Pour nous désengluer de nos idées noires, omniprésentes, obsédantes.
*

« La séquestrée », c'est une femme obnubilée par ce papier jaune de sa chambre, qui la névrose et qu'elle vomit. Où elle croit voir dessus, bouger des figures laides et des champignons. Qui croit voir aussi des ombres ramper.
« La séquestrée », c'est aussi l'histoire de John le mari, le médecin. Face à la maladie de sa femme, il m'a semblé monstrueux, par son incompétence, ou son déni ou son attitude frôlant la perversion.
*

Dans quelques jours ce sera Noël pour tous les chrétiens et les croyants de ce monde.
Je connais beaucoup de personnes qui se sentent seules et déprimées, chaque année en cette même période de fête et d'espoir.
Et mes pensées vont vers elles et sont pour elles.

« L'espoir est cette lueur qui scintille au fond de nos pensées obscures, elle retient notre haleine en veille. »
(Nacira Boukli-Hacene)

Bon Noël à vous toutes et tous !
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Le Papier peint jaune de Charlotte Perkins Gilman est le journal que tient la narratrice lorsqu'elle le peut, installée le temps de quelques mois d'été dans une maison que son mari médecin a louée pour eux. Ce dernier lui a diagnostiqué une dépression nerveuse, et il s'affaire à ce qu'elle soit complètement au repos, alors qu'elle pense que l'activité – l'écriture, un travail - pourrait lui faire le plus grand bien. C'est lui qui a choisi la chambre dans laquelle il l'installe, manifestement une chambre d'enfants reconvertie en salle de jeux, avec des barreaux aux fenêtres et un papier peint en lambeaux, d'une couleur jaune douteuse et aux motifs hallucinants, pour lequel elle en vient à développer une véritable obsession, jusqu'à cette chute que je ne suis pas près d'oublier ! Publiée en 1892, cette nouvelle d'une cinquantaine de pages flirtant avec le fantastique, en dit long sur son époque dans les thèmes qu'elle explore, en particulier l'enfermement des femmes, tant domestique que conjugal, ainsi que la vision médicale de troubles qui sont davantage reconnus aujourd'hui, telle la dépression post-partum. Une auteure féministe dont je vais aller découvrir les autres ouvrages très certainement.
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Dès les premières pages, les mots nous tendent. Et pour cause. Ils témoignent, implacables, de la folie et de l'enfermement. L'aliénation. Celle d'une jeune mère qui tombe en dépression. Celle d'une femme que l'on prive de sa liberté d'expression. Soumise à l'influence des médecins – et de son mari en particulier –, elle est astreinte à une vie bien rangée, sans dangers. Et c'est pour la soigner qu'il la presse de se reposer et de bien manger. Surtout, de ne pas écrire. Alors elle passe des heures dans sa chambre. Des jours entiers à observer les murs, le papier peint. Son jaune sale devient un affront permanent, et son tracé une réelle obsession.

Cette nouvelle touche le point sensible d'une domination masculine aux multiples visages : dépendance financière et sociale, et paternalisme notamment. Dans la fin d'un XIXe siècle américain où la femme ne possède pas de liberté propre, Charlotte Perkins se bat contre de nombreux démons. Impossible de ne pas penser aux hystériques de Freud et Charcot. L'on peut aussi faire le lien avec Alice James (bien moins connue que son frère Henri, étonnamment) ou Édith Wharton. Femmes de lettres, c'est constamment qu'on a nié leur légitimité, voire même leur droit à l'écriture. Alors lisons leurs mots et tournons leurs pages…
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Écrit en 1890 sous le titre « The yellow wallpaper »
Époque où il était risqué d'être une femme déprimée.
Isolement, enfermement........
Heureusement, grâce à des femmes comme Charlotte Perkins qui ont commencé à se rebeller et à ne plus accepter le diktat masculin, cette situation a complètement disparu.
Cette courte nouvelle est percutante et de plus fort bien écrite.
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