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EAN : 9782228880176
782 pages
Payot et Rivages (03/10/1988)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Rien n'est plus légitime, du point de vue de l'histoire générale de la philosophie, que de se demander ce que sont devenus les problèmes philosophiques posés par les Grecs au cours des quatorze premiers siècles de l'ère chrétienne.
Pourtant, si l'on veut étudier et comprendre la philosophie de cette époque, il faut la chercher où elle se trouve, c'est-à-dire dans les écrits d'hommes qui se donnaient ouvertement pour théologiens, ou qui aspiraient à le devenir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
C'est en philosophe, connaissant ses auteurs, leurs pensées et leurs oeuvres sur le bout des doigts, qu'Étienne Gilson (1884-1978) a écrit ce livre sur La philosophie au Moyen-Âge, des origines patristiques à la fin du XIVème siècle.
Parler de philosophie au Moyen-Âge, ce n'est pas que décrire chronologiquement ce qu'a laissé chacun des grands hommes qui s'est illustré dans cette discipline, depuis les Pères de l'Église jusqu'aux époques troublées de la Guerre de Cent Ans, c'est aussi rappeler à quelles sources ils ont pu puiser. de sorte que bien souvent, on ne lit plus les philosophes grecs et latins, et que l'on ne les connaît plus quelquefois qu'au travers de ce qu'ont pu en dire les Pères de l'Église, qui avaient pris leurs distances avec les pensées "païennes". le retour aux sources est possible, bien évidemment, mais parfois il se fait par de larges détours : ainsi l'essentiel de ce qu'a produit Aristote va être "redécouvert" par des contacts entretenus avec les mondes arabe et byzantin (Byzance n'avait pas tout oublié, contrairement à ce que l'on peut lire ici et là), et Boèce était loin d'être le seul lieu de passage direct. On devine aussi ce que l'on a pu conserver, dans la littérature chrétienne, grâce à de sévères critiques, de Plotin et du néo-platonisme. La philosophie pure est manifestement devenue la petite soeur de la théologie dans un univers médiéval où domine l'enseignement chrétien, et cette dernière va être, pendant plusieurs siècles, la discipline reine, la clé de voûte de toute pensée, à laquelle tout le reste sera subordonné. La philosophie médiévale, patristique, scolastique, métaphysique, ne cherche plus elle-même qu'à tourner à la gloire de Dieu, et si elle aborde la question de l'être et de l'essence, c'est pour la rapporter à la Toute-Puissance du Créateur.
Gilson a montré que c'est dans le temps que l'oeuvre philosophique et théologique de Thomas d'Aquin est devenue un point de référence, mais qu'elle est loin de caractériser à elle seule la pensée médiévale, qui se décline bien différemment chez un Augustin, un Abélard, un Bernard de Clairvaux, un Bonaventure, un Jean Duns Scot, un maître Eckhart, pour ne citer que quelques noms connus, pris parmi tant d'autres.
Il faudra des siècles à la pensée philosophique pour s'affranchir de sa dépendance à la théologie, et retrouver le moyen d'exister par (sinon pour) elle-même, et même alors ses champs de réflexion resteront marqués par un reste de cette sujétion, sans doute impossible à remettre en question au Moyen-Âge.

François Sarindar
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Relecture récente de Gilson, le type qui rejetait la réalité de l'évolution darwinienne soutenue par Teilhard de Chardin parce que c'était contraire à l'enseignement de la scolastique. Sa "Philosophie au moyen âge" est un témoignage définitivement périmé, mais à conserver tout de même, comme relique d'une époque bien révolue: celle d'un universitaire catholique de l'avant-siècle dernier. En effet, Gilson a passé son bachot en 1900, et tout ça sent le papier ranci et la poussière des ouvrages qu'on n'a plus tirés des rayonnages depuis 50 ans. Pour la mentalité et les options politico-philosophiques, on classerait Gilson aujourd'hui parmi les "cathos-tradis" du type Institut Universitaire de la Fraternité Saint-Pie X. Influencé par des convictions religieuses privées (le thomisme), partisan - à des fins "pédagogiques" - des simplifications arbitraires, Gilson ne conserve un intérêt que comme vestige historique d'une recherche universitaire et d'une errance existentielle oubliées. Pour le contenu, il ne s'adresse plus qu'aux arriérés scientifiques qui n'ont pas suivi les progrès colossaux réalisés par les recherches historiques et archéologiques pendant plus d'un siècle. Progrès dont des vulgarisateurs comme Sylvain Gouguenheim ont dévoilé au grand public des pans entiers.
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C'est le livre qui m'a introduit à la pensée médiévale et fait découvrir cet excellent auteur qu'est Étienne Gilson. Certes, il faut un peu s'accrocher sur la longueur (le texte couvre près de 15 siècles, depuis les pères de l'Église - une centaine d'années après J.C. - pour finir un peu après Eckhart, vers 1450) : mais quelle érudition. Moi qui voyait la philosophie reprendre, avec Descartes, le fil perdu depuis les Grecs, je suis bien revenu de cette opinion. C'est merveille de voir tous ces penseurs avancer à tâtons, peu à peu, sur l'épaule des géants et apporter leur pierre à l'édifice formidable de la pensée occidentale. Cette petite flamme qui survie à travers le temps, ravivée par le relais assuré à mi-parcours par les penseurs musulmans et persans, éclaire des questions beaucoup plus brûlantes et intimes que les systèmes de pensée froids et sévères qui viendront après eux (Kant, Hegel...). Enfin, Gilson a une vraie plume que certains trouveront monacale, mais qui m'a vraiment charmé, et qui marie parfaitement bien la forme au fond.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Les origines de la philosophie médiévale, ou scolastique, sont étroitement associées aux efforts de Charlemagne pour améliorer la situation intellectuelle et morale des peuples qu'il gouvernait. L'œuvre de plusieurs siècles employés à civiliser et christianiser la Gaule avait été compromise par les invasions barbares, surtout par celle des Francs.
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[...] car il est bien vrai de dire que, selon Saint Anselme, les créatures préexistent en Dieu ; il est même vrai d'ajouter qu'en Dieu elles sont et subsistent plus véritablement qu'en elles-mêmes, mais la raison en est précisément qu'elles ne sont rien d'autre en Dieu que Dieu. Présentes déjà dans sa pensée, les créatures en sont sorties par l'effet de sa parole ou de sont verbe ; Dieu les a parlées et elles furent.
[...]
Ainsi, tout ce qui n'est pas l'essence de Dieu à été créé par Dieu, et de même qu'il a conféré à toutes choses l'être qu'elles ont, il les soutient et les conserve pour leur permettre de persévérer dans l'être. C'est dire que Dieu est partout présent, supportant tout par sa puissance, et que là où il n'est pas, rien n'est.

[Anselme de Cantorbéry p. 248]
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Directement ou non, un catholique d'aujourd'hui hérite, par droit de naissance, de l'immense trésor de sentiments et d'idées qui s'est accumulé de Saint Justin à la fin du XIVe siècle et dont l'histoire montrerait sans peine qu'il n'a cessé de s'enrichir jusqu'à nos jours. Car il ne suffit pas de parler ici de survie. Leur théologie ne pèse pas sur les Catholiques comme un poids mort qu'ils subiraient sans en connaître l'origine. Rien pour eux qui soit plus vivant ni plus actuel [...]

[Le bilan de la pensée médiévale p.759]
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N'introduisons pas en Dieu les règles du discours ni les lois de la dialectique, car le syllogisme ne s'adapte pas sans peine au mystère de la puissance divine ; les nécessités logiques de nos conclusions ne valent pas pour Dieu. En effet, Dieu vit dans un éternel présent ; il est donc soustrait aux conditions mêmes où se pose le problème, puisqu'il n'y a pour lui ni passé ni avenir.
[Dialecticiens et théologiens p. 237]
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Pour toute pensée occidentale, ignorer son moyen âge, c'est s'ignorer elle-même. C'est peu de dire que le XIIIe siècle est près de nous : il est en nous, et nous ne nous débarrasserons pas plus de notre histoire en la reniant, qu'un homme ne se détache de sa vie antérieure en oubliant son passé.

[Le bilan de la pensée médiévale p.763]
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Hommage à Gilson, historien philosophe.
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