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Critique de oran


Au petit matin du 8 mai 1975, après une nuit de beuverie - elles sont fréquentes pour Spencer Schullmann , ( il ne connait pas ces slogans plus tardifs " L'abus d'alcool est dangereux pour la santé ", " consommez avec modération" et "un verre ça va, trois, bonjour les dégâts"-, dans la brume évanescente gersoise , il voit apparaître un drôle d'individu, vêtu de l'uniforme de l'armée allemande, insignes SS à l'encolure , c'est Walter Boehmer , 52 ans, natif de Güstrow en Poméranie, enrôlé dans les Jeunesses hitlériennes qui s'est retrouvé, par la suite, affecté comme sergent au sein de la 2ème division SS Das Reich, régiment der Führer, la plus sinistre parmi les 38 divisions des Waffen SS, celle qui a commis les exactions les plus abjectes , celle qui se glorifia des massacres de Tulle, d'Oradour-sur-Glane… Walter , titulaire de la croix de fer, affirme, cependant n'avoir jamais appartenu aux unités mobiles d'extermination les sanguinaires Einsatzgruppen .
Arrêté, il est resté le prisonnier du fermier Garrigues, alors que sa division gagnait le front de la Normandie. Cette captivité a duré plus de trente ans, l'exploitant agricole lui ayant fait croire que son frère était également détenu par une autre famille paysanne , et que s'il s'évadait, son cadet , par représailles, serait tué. Garrigues l'a aussi convaincu que la France est désormais occupée par les Américains et que son pays l'est par les bolcheviques. S' il est là aujourd'hui, c'est qu' Il s'est évadé pressentant que son frère n'est plus de ce monde, ses pas l'ont porté vers cette ferme habitée naguère par une femme qui le guérit d'une terrible insolation, la mère de Spencer, Marie Millet, résistante , emportée depuis quelques années par un cancer.
Spencer accueille contre son gré cet hôte singulier, tantôt compatissant, tantôt révolté , écoeuré, par les propos tenus par Walter qui ne cache pas le rôle qui tint pendant la guerre, notamment sur le front russe mais qui nie toute participation aux massacres de civils perpétrés dans la région .
Il va chercher à savoir si le soldat Walter fut un des tortionnaires . Il va mener son enquête, partir à la recherche de témoins visuels des atrocités commises par cette Division qui sema la mort sur son passage. Ces investigations vont entraîner, ipso facto, la perte de son emploi de journaliste à la Dépêche du Midi, la brouille avec ses meilleurs amis (aussi sobres que lui !), une rupture avec sa fiancée Rebecca, des démêlés avec les forces de l'ordre…
Ce scénario reste peu crédible, le Gers département touristique n'est pas la jungle malaisienne où s'est caché pendant trente ans, le dernier guérillero japonais ignorant la capitulation de son pays , difficile de faire croire et de croire que ce soldat allemand qui rêvait d'être instituteur, puisse, pendant trois décennies , accepter de jouer les dupes.
Une telle histoire située autour des années 50 aurait été plus plausible , certains passages donnent à penser à la trame des « Visiteurs » quand Walter découvre l'équipement électroménager moderne détenu par Spencer .
Quarante ans après, Spencer fait le bilan de cette aventure qui marqua sa vie.
Ce roman conté de façon drolatique, émouvante et dramatique est une invitation à réflexions plus philosophiques . Quelles réactions aurions -nous en nous retrouvant, à notre tour, confronté à un homme qui fut notre farouche ennemi, aux mains maculées de sang, celui de parents, d'amis, massacrés sauvagement ?
Un homme, un soldat doit-il obéir aveuglément à son état- major, suivre à la lettre les pires ordres parce que les ordres quand on est soldat sont faits pour être respectés ?
Quelle est la part de vérité que chacun détient ?
Quel crédit faut-il accorder à la mémoire ? …

Le narrateur interne , Spencer Schullmann, est grand reporter et éditorialiste au Courrier du Midi, similitude avec l'auteur Norman Ginzberg (Jean-Christophe Giesbert) qui lui aussi fut journaliste attaché à ce journal , dotés tous deux ,d'un père qui participa au d'day, tous deux résidant dans le Gers.
Une lecture à la fois, polar, roman qui nous plonge dans l'Histoire, et qui nous incite à réfléchir sur l'oubli, le pardon, l'obéissance servile …
Un grand merci aux Editions Privat et à Babelio qui m'ont permis d'être une des premières lectrices de ce roman original et attachant .
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