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sur 817 notes
Ce roman m'a d'abord effrayée, je ne m'attendais pas à un récit aussi puissant, et cette frayeur a ensuite laissé place à la perplexité : quel message Jean Giono a-t-il voulu faire passer ?

Entre poésie et réquisitoire d'un mourant contre la folie humaine, entre douceur des bastides et nature qui, impitoyablement, reprend ses droits, que penser ?

Perdue dans ce texte que j'avais l'impression de ne pas saisir, j'aurais pu abandonner, mais c'est tout de même un texte de ce merveilleux Jean Giono dont les écrits bercent le lecteur et offrent la beauté d'une région chère à l'auteur. Giono ne se contente pas de décrire, il y met toute son âme, n'hésitant pas à personnifier les éléments, tel le feu qui ravage la colline et qui devient un monstre prompt à piétiner êtres humains et arbres sur son passage.

L'aspect effrayant du roman proviendra sans doute de ce vieux moribond tenu pour responsable des catastrophes, fait entretenu par la superstition ambiante, sorte de démon par qui vient les punitions et les malheurs, sorte de sage qui a compris la toute puissance de la nature et son insoumission.

Un roman qui personnellement restera gravé dans ma mémoire. Je le digère lentement avant de continuer cette trilogie de Pan.
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Aux Bastides Blanches, à l'ombre froide des monts de Lure, habitent une poignée d'habitants. le vieux Janet vit ses derniers jours et le docteur a déclaré que c'était maintenant inutile de le déranger.
Des phénomènes étranges se déclenchent à commencer par la source d'eau du village qui se tarit. Et si c'était le vieux Janet qui provoquait tout cela ? Et ce chat noir qui apparaît chaque fois qu'une catastrophe menace la région !
Et le sanglier qu'ils ont raté !
Janet déparle comme l'écrit Giono. J'ai été charmée par ce verbe. Et s'il disait la vérité. le vieux Janet accuse Jaume de ne pas connaître la nature, l'âme de chaque chose.
En lisant ce roman dans ma jeunesse lors de vacances avec mes parents aux environs de Manosque, les mots et l'ambiance m'avaient conquise. Je n'avais pas réalisé l'animisme qui règne dans le livre.
Au début de cette nouvelle version ( j'avais encore celle de 1960), on explique très bien la philosophie de Jean Giono : le panthéisme et l'animisme qu'il développe dans le livre.
"Colline" est le premier roman de sa trilogie de Pan.
L'écriture n'est pas seulement poétique, elle est violente dans son expression de l'âme humaine parfois, notamment quant au sort qu'ils veulent réserver au vieux Janet.
Voilà déjà le deuxième auteur que j'apprécie et qui a bien fait d'abandonner l'administration. Celui-ci a abandonné l'univers de la banque et Maupassant, l'administration de la Marine.
Une belle relecture. Déjà la deuxième cet été pour l'auteur avec "Le hussard sur le toit"
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C'est un morceau de territoire suspendu presque entre terre et ciel, certains appelleraient cela un hameau. Ce n'est pas encore la montagne mais elle n'est guère loin dans le paysage. L'ombre des monts de Lure protège ce petite village de Provence, mais le protège de quoi ? du soleil ? du vent ? de l'ennui ? de la fatalité ? du malheur du monde ?
Ce hameau s'appelle les Bastides Blanches, à mi-chemin entre la plaine et le grand désert lavandier. Quatre maisons forment ce hameau, faisant cercle autour d'une fontaine, émergeant parmi les blés drus. Il est entouré de collines où les genévriers parfument l'air du soir.
C'est un endroit qui ressemble à une carte postale champêtre, une image idyllique et fleurie de Provence.
Une douzaine de personnes compose les habitants de ce hameau. Les hommes sont des paysans. Ils vivent de la terre, entre bêtes et plantes. C'est une petite communauté de femmes et d'hommes en harmonie avec le paysage.
Le plus vieux d'entre eux s'appelle Janet. Il doit avoir dans les quatre-vingts ans. C'est un homme proche de la nature, secret, taiseux. Il est désormais paralysé, alité près de l'âtre.
Et voici que le vieux Janet se met à parler ou plutôt à déparler, et oui ! j'ai adoré ce verbe, déparler, voilà il se met à divaguer, à parler dans tous les sens, ses mots ne semblent avoir de sens que pour lui...
Le médecin est très pessimiste et ne lui donne que quelques jours à vivre.
Et c'est à partir de ce moment-là que les choses vont changer au hameau des Bastides Blanches et tout autour, dans les collines gorgées de vents, enivrées de genévriers et de vols de corbeaux.
Le paysage va être l'objet de phénomènes inhabituels, pour ne pas dire surnaturels et les habitants en seront les témoins tout d'abord ahuris... Un sanglier qui s'échappe sous la traque des chasseurs, un chat noir qui apparaît, la fontaine du hameau qui se tarit, la petite Marie qui tombe malade. Les habitants commencent à s'affoler, à devenir presque aussi fous que Gagou l'innocent du village...
Le vieux parle, déparle, évoque l'âme de la colline, évoque le mal qui lui est fait, s'amuse presque devant l'affolement autour de lui...
C'est comme si brusquement des forces souterraines s'éveillaient sous la terre, comme si la colline révélait une sourde colère, une méchanceté prête à se retourner contre les femmes et les hommes de ce village... Comme s'ils devaient expier quelque chose... Mais ils ne comprennent pas ce qu'ils font de mal aux plantes et aux bêtes... Qui a-t-il de mal à pourchasser un sanglier qui va vous offrir une viande succulente ? Qui a-t-il de mal à trancher au couteau la tête de ce maudit lézard qui vous escagasse durant votre sieste ? Et la terre, quoi de plus naturel que de la fendre, la remuer, la fatiguer jusqu'à satiété pour qu'elle vous livre son dû... ?
Alors, le vieux Janet qu'on trouvait plutôt attachant, bon bougre jusqu'ici, ancêtre respecté du village, ne serait-il pas la cause de toute cette malédiction ? L'atmosphère devient brusquement étouffante et menaçante.
Ce court texte mais très dense s'appelle Colline, premier roman de Jean Giono. J'ai aimé sa force souterraine, son propos incisif, son écriture qui est sans répit, rythmée par la beauté de la nature et la superstition des personnages. J'ai aimé cette tension palpable qui gonfle au fil des pages... J'ai aimé ce retournement des choses, quand Giono renverse la table où gisaient les pages comme un ruisseau, renverse le paysage, le retourne comme une chaussette, dévoile l'envers des choses...
Les mots de Giono brusquement deviennent comme les serpents dans les doigts gourds du vieux Janet, s'enroulent autour de notre imaginaire, on se plaît à croire à cette histoire, à plaider pour la cause de cette colline outragée par les coups de pioches et de faux, par l'irrespect des hommes...
C'est cocasse, sensuel, pathétique et cruel... Cela ressemble à une chronique fraternelle et champêtre qui basculerait brusquement dans une sorte de conte gothique, délivrant le cri de la terre et des plantes comme un message d'une terrible modernité.
Ah! Je ne résiste au plaisir de vous partager ce cri du désespoir lancé par un des paysans du hameau : "- Salope, dit-il en tombant, et il bat férocement la colline de ses poings."
La langue est poétique, elle est venue couler sous mes yeux comme l'eau d'une fontaine au milieu d'un village, j'entends le murmure de son écho, c'est peut-être le bruit du vent qui s'immisce dans l'échancrure des chênes ou bien dans le corsage de l'Ulalie... Mais voilà que je déparle à mon tour...
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Colline a été ma première rencontre avec Giono, j'étais au lycée. J'ai alors découvert un auteur profondément attaché à la terre ainsi qu'à ses traditions ancestrales, un auteur qui témoigne d'une foi inébranlable en la nature, force vivante sacrée qui peut se révéler tantôt généreuse tantôt cruelle envers les hommes.

Dans Colline, on observe la vie des Bastides blanches, hameau adossé aux collines du Lubéron, « là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras ». C'est un hameau où le temps s'est arrêté, alangui à l'ombre des platanes et où on hume le parfum du désert lavandier tout proche. Pour les paysans qui y vivent, seul « ce qui vient de la ville est mauvais ».
Pourtant, le jour où l'aîné en fin de vie se met à « déparler », chacun est pris d'un sentiment étrange mêlant inquiétude et incrédulité. Ce coin de Provence recèle bien des mystères dissimulés derrière les fourrés de genêts et Janet a atteint un âge qui lui a certainement permis de percer quelques uns de ces secrets. Ainsi, lorsqu'il annonce la colère de la terre, la peur s'installe progressivement au fur et à mesure que le vieux Janet débite ses « méchantises ». Elle anéantit toute raison : même le silence devient menaçant, comme si un ennemi imperceptible attendait tapi dans les broussailles. le délire de Janet éveille les consciences à propos de la force de la nature, allant jusqu'à suggérer que le simple fait de tuer un lézard avec une bêche inflige une souffrance qu'il faudra expier.
Dés lors, lorsque la fontaine au centre du hameau se tarit, le discours de Janet apparaît redoutable et visionnaire. le malheur accable le village, et l'incendie qui se déclare sur la colline s'annonce comme une véritable guerre contre la nature.

Le regard de Giono sur la nature emprunte le chemin des superstitions paysannes. Des superstitions qui confèrent à la nature une âme, une chair, du sang. Jouant admirablement avec la personnification des paysages, l'auteur nous décrit ainsi le feu comme une « bête souple » qui dévore tout sur son passage, « la fontaine [comme] chantant une longue mélopée qui parle de pierres froides et d'ombres », et la colline se voit dotée d' « un corps immense qui tremble» de colère. L'auteur rappelle ainsi les liens profonds qui unissent les paysans à la nature et l'unité du monde qui en découle : il coule dans les veines des hommes comme dans les racines des arbres la même vie.
La nature est partout, elle foisonne dans l'écriture de l'auteur et insuffle toute l'intensité dramatique au récit. Elle confère une poésie particulière qui nous happe dans l'univers des Bastides blanches, nous plonge dans l'inquiétude de ses habitants.
La langue de Giono, riche en métaphores, est réellement savoureuse.
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Travaillant actuellement sur le deuxième tome du livre "La Provence de Giono en peinture" avec une association dont je suis adhérente, je ne pouvais pas ne pas me plonger enfin un peu dans des lectures gionesques. J'ai découvert Jean Giono à l'âge de six ans avec "L'homme qui plantait des arbres" et j'avoue que c'est précisément cet ouvrage qui m'a donné le goût à la lecture (et cela, je le dois bien sûr à la manière dont cela m'a été enseigné). Giono...j'y suis revenue plus tard, alors adolescente, mais, ayant lu des ouvrages qu''il avait écrit durant la fin de sa vie, j'ai été déçue et enfin, j'y reviens maintenant. Grâce aux conseils avisés d'un amoureux fou des oeuvres ainsi que de la vie de Jean Giono, je me laisse tout doucement reconquérir par cet écrivain, originaire de chez moi d'ailleurs, avec sa fabuleuse "Trilogie de Pan".

Dans ce premier tome, "Colline", le lecteur découvre la vie de fermiers de ceux que l'on appelle Jaume, Gondran, Arbaud ou encore Maurras aux Bastides sur la montagne de Lure, montagne située aux alentours de la ville de Manosque dont est originaire Jean Giono et qui se situe dans les Alpes-de-Haute-Provence (04). Mais en plus d'eux, il y a aussi les femmes, le vieux Janet et la jeune Marie. Tout ce petit monde se côtoie mais sans forcément s'entraider jusqu'au jour où la source qui alimente la fontaine du hameau se retrouve à sec. C'est dans ces moments de crise que l'on voit que ces paysans sont néanmoins soudés car d'autres malheurs suivront et tous y feront face comme un seul homme, eux tous contre celle qu'ils croyaient être leur amie, à savoir La Colline.
Mais là encore, peut-être se trompent-ils ? Peut-être que cette terre qu'ils labourent tous les jours et qu'ils ont appris à connaître, à parler sa langue...peut-être cette colline-là veut-elle simplement leur transmettre un message, tout comme à nous, lecteurs ?

Il m'a été impossible de relever des citations au cours de cette lecture tant les phrases qu'utilise Giono sont chantantes en elles-mêmes, elles nous vont droit au coeur, nous font sourire parfois et il aurait fallu citer des chapitres entiers pour vous montrer comment l'écriture de Giono est une mélodie en elle-même.
Une lecture que je ne peux donc que vous recommander car celle-ci vous donnera un petit goût de ma Provence...mais surtout celle de Jean Giono !
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Qui délire ? Un homme de trente-deux ans qui en savait trop se glisse dans la carcasse d'un alcoolique agonisant de quatre-vingt-quatre. Janet-Giono, Giono-Janet parle libre quand les autres « déparlent ». Sous l'immunité du glas, il profère les insanités, les grossièretés, scande les mots parlés qu'on ne saurait confier à la littérature française de 1929. Qui blâmera un vieillard au seuil de sa vie? « Une avait le cul comme une meule de paille et la poitrine comme un tire-vin, a se tortillait que ses longs nichons en claquaient pire que des banderoles et flic et floc et je t'en fous (…). J'ai lancé mes mains dessus. M'a pissé dessus la salope… ». Janet souffle entre les dents ce qui suffoque Giono. Il a pas fait l'école, on l'a envoyé à la guerre. Au Chemin des Dames! Et la suite donnera des raisons à la colère de Janet: la guerre, encore! Et après la deuxième, la taule ! Et pourquoi ? Pour le punir de mieux écrire que les types de Saint Germain ?
« -Couillon
-…
- Couillon, je te dis. Et ça veut commander, ça. (…)
- Vous êtes foutus
- Ne dis pas ça, Janet. On dirait que tu en es heureux.
- Je suis bien content ; des couillons comme vous il y en a toujours trop »
Traduit dès 1929 aux Etats-Unis, ami de Chester Himes et pen-friend d'Henry Miller, Giono crée le roman moderne américain, celui des héros ruraux sans grade et sans cités, ceux qui ont tout perdu sauf leur langue, LA langue. Dans Colline comme dans Prélude de Pan (1935), le héros est l'émissaire de Pan. Ce qui signifie qu'en littérature, Giono c'est Pan lui-même.
« Et c'est là qu'il s'est mis à parler, comme s'il avait été la fontaine du mystère. Ça s'est tout construit : un monde né de ses paroles. Avec ses mots il soulevait des pays, des collines, des fleuves, des arbres et des bêtes; ses mots, en marchant, soulevaient toute la poussière du monde. »
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Parlant de ce livre Jean Giono disait :"En faisant Colline , j 'ai
voulu faire un roman , et je n 'ai pas fait un roman : j 'ai fait un poème ! " "Colline est le drame de l 'eau : parce qu 'une
source tarit ,un hameau est menacé de mort .Mais l 'épreuve
-l 'incendie qui éclate- recrée la solidarité des hommes .Colline est aussi et surtout l 'exaltation de la terre ,conçue
comme une personne , non seulement vivante mais sensible
Toutes les erreurs de l 'homme viennent de ce qu 'il
s 'imagine marcher sur une chose inerte alors que ses pas
s 'impriment dans la chair pleine ! " ( 4 e de couverture ) .
Ce roman est un véritable hymne à la nature .
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Giono, pour moi, c'est un lointain souvenir, si lointain que je me suis même demandée, il y a peu, si j'avais déjà eu l'occasion de lire ses oeuvres.
Cet oubli est impardonnable, j'en ai bien conscience.
Oublier Giono, c'est comme si j'avais oublié d'arroser les fleurs dans mon jardin, en pleine canicule. Mais, ça, malheureusement, ça peut m'arriver aussi !
Bon, je ne suis pas très fière de moi...Et il était temps que je répare cet affront fait à Giono, et bien naturellement, à l'un de ses personnages préférés : Dame Nature.

Et c'est bien de cela dont il s'agit dans Colline. Les hommes d'un petit hameau provençal vont devoir expier les crimes commis contre la Terre, cette mère qui les a toujours nourris, qui les enveloppe de sa bienveillance et qui, soudain, semble irritée...
Ce conte, qui donne la part belle aux quatre éléments et notamment à l'eau , prend sa source dans les légendes mythologiques, dans les vieilles superstitions qui subsistent encore dans les campagnes, et se complait dans le merveilleux et le surnaturel.

C'est beau mais surtout ça donne évidemment à réfléchir sur les relations entre l'Homme et l'environnement naturel qui l'entoure, sur les transformations qu'il lui fait subir, sur les cataclysmes qui en découle...

Je pose l'oeuvre de Giono sur ma table de chevet. Il me reste à lire les deux autres romans de la Trilogie de Pan.
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Giono est tout le contraire d'un écrivain régionaliste à la Pagnol. Il nous conte ici une histoire intemporelle, une tragédie se déroulant dans un village qui devient peu à peu un lieu mythique (même s'il est décrit de façon très réaliste, presque charnelle), un espace de lumière cruelle et d'obscurité menaçante.
Les villageois sont irrésistiblement submergés par une peur immémoriale, un sentiment de panique - ce mot signifiant ici non seulement la peur que suscitent des phénomènes inexplicables, mais aussi, mais surtout, UN sentiment Panique, le pressentiment de la Totalité (Pan en grec signifie Tout), le pressentiment de l'inconnu, de l'immense, du mystère de notre monde, révélation quasi mystique, ivresse panthéiste suscitant effroi et extase.

"Colline" est un livre unique dans la littérature française. Giono au tout début de sa vie d'écrivain y est proche d'un Bernanos, sans la foi, ou d'un Barbey d'Aurevilly, élargi à une dimension cosmique.
Oublions la Provence des cigales et de l'accent. Dans l'univers de Giono le soleil ne brille pas, il brûle.
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Les bastides blanches, à l'ombre des collines, à l'ombre froide des monts de Lure. "La terre du vent". "un débris de hameaux", distille Jean Giono, page 25, la terre aussi de la sauvagine : "la couleuvre émerge de la touffe d'aspic, l'esquirol à l'abri de sa queue en panache, court, un gland dans la main... Le renard lit dans l'herbe l'itinéraire des perdrix".
Par ces évocations commence la Trilogie de Pan. Colline le premier roman de cette trilogie est aussi le premier roman publié par Giono. La simplicité des décors et la simplicité de l'intrigue autour de 12 personnages, impriment une densité formelle pour chaque événement, le plus insignifiant fut-il.

Ce lieu si éloigné de tout, qui vit en autarcie, est attentif aux moindres vibrations de la nature. Sommes-nous dans les derniers jours de la vie de cette communauté, ou dans les dernières heures de la vie de Janet, ce vieillard, qui parle par grandes ruades de mots que tous écoutent sans le comprendre, ou par demis mots.

Janet croit voir sortir des serpents de ses doigts. Dans son délire Janet nous renvoie aux croyances les plus archaïques, à la race des géants (Jean comme géant devient Janet le petit géant). A travers cette symbolique Janet expie ses crimes contre la terre. le dieu Pan s'invite ainsi, le dieu des bergers d'Arcadie, est symboliquement à l’œuvre, comme il est présent dans les œuvres d'Eschile.
La nature, est au cœur des interrogations des gens de la bastide. Cette terre nourricière ou destructrice, les hommes l'humanise dans leurs représentations pour en écarter la peur.
A plusieurs moments, la tension palpable est proche du paroxysme, car tout est vu et analysé d'une façon démesurée. Par vagues, les assauts du vent créent la panique, tout autant que le silence devient assourdissant et intenable.
Les prédictions de Janet tombent alors...

" Ça saute encore et ça se roule, puis ça s'étend dans le soleil neuf, j'ai vu que c'était un chat. Un chat tout noir."
"Quand la foudre tua ton père, Maurras, dans la cahute des charbonniers, j'avais vu le chat deux jours avant.
Attention chaque fois qu'il paraît, c'est deux jours avant une colère de la terre.
Ces collines il ne faut pas s'y fier. Il y a du soufre sous les pierres.

La preuve cette source qui coule dans le vallon de la Mort d'Imbert et qui purge à chaque Goulée. C'est fait d'une chair et d'un sang que nous ne connaissons pas, mais ça vit. P 54"

L'air brûle comme une haleine de malade, et pas de vent, et toujours le silence.


Janet a toujours le regard fixé sur le calendaire des postes, depuis qu'il a fait son AVC. Ses énigmes flottent page 61, "Tu sais toi le malin ce qu'il y a derrière l'air".
La fontaine ne coule plus. C'est la peur qui monte et Janet, est seul à scruter une date, ça les rend fous aux bastides blanches.

L'autre personne incontournable et inquiétante c'est Cagou, l'innocent. Il bave, son visage est huilé de salive, ses bras son corps suivent une gestuelle qui les ébranlent, parfois quand il tape sur un bidon, ils lui lancent des pierres.
C'est le 13 ème homme.

La tragédie est lancée, mais le miracle des mots continue de nous alarmer et de nous transpercer par la puissance des images.
Peu de romans sont porteurs d'une telle grâce, d'une telle puissance d'évocation, pour nous enivrer d'émotions.
Il faut écouter, le bruissement de cette langue venue des terres et du ciel de Provence pour s'approcher de la magie de ces espaces lavandiers, écoutons page117  ; "Avec ses mots il soulevait des pays, des collines, des fleuves, des arbres et des bêtes ; ses mots, en marche soulevaient toute la poussière du monde... »
« De la force dans les branches vertes, de la force dans les plis roux de la terre,
de la haine qui montait dans les ruisseaux verts de la sève, de la haine qui palpitait dans la blessure des sillons".

A bientôt pour un de Baumugnes.
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