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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Jean Giono choisit d'évoquer la guerre en n'en parlant pas. Sur le front, elle s'étale comme un gigantesque carnage, anime les crânes dénudés et redonne vie aux cadavres recouverts de mouches noires ; à l'arrière, ses échos se font entendre à travers la chair avide des femmes esseulées. de l'un à l'autre, le grand troupeau des bêtes chemine -la faute au meneur !


Jean Giono nous fait comprendre les pertes engendrées par la guerre en abaissant l'harmonie qui unit son peuple rural à la terre et aux animaux. L'amour, la faim et le travail ne s'évoquent plus qu'en termes d'appétits morbides voués à la destruction. A la manière des surréalistes, il brandit ses cadavres dans des visions hallucinatoires. Il fait connaître la guerre à ceux qui l'ignorent dans des éclairs de lucidité foudroyants. La technique est d'autant plus efficace que l'écriture de Giono ménage une part considérable de mystère. Ses constructions semblent correctes mais en les observant bien, on relèvera des ellipses ou des attributions étonnantes qui laissent de côté, à moins qu'elles n'induisent le malaise. le Grand troupeau a été amputé dès l'achèvement par son auteur pour n'en garder que l'essentiel, dans une volonté d'épuration et de franchise qui semble hériter de la brutalité des événements. Et malgré tout ça, Jean Giono reste en-deçà de la réalité. Sa manière de surprendre devient rapidement une ritournelle aussi désagréable que la violence à démasquer, et le mystère frôle souvent l'opacité.


C'est à ce moment-là qu'on peut le mieux apprécier le chant rural du Grand Troupeau. Mes références champêtres sont réduites : il me semble pourtant retrouver les ambiances de Georges Sand et de ses romans ou les récits de ceux de mes aïeux qui ont vécu dans la montagne avec les bêtes et les champs. C'est une mélancolie que distille alors Jean Giono, comme s'il avait compris dès la fin de la guerre qu'il ne serait plus possible de vivre comme les paysans de son histoire. La guerre ne serait pas vraiment la responsable mais plutôt un symptôme parmi tant d'autres indiquant la perte des valeurs propres à une communauté et à une époque dépassée. le bélier devient alors le représentant médiatique de l'ancien temps, brandi comme un dieu à l'usage des nouvelles générations. le Dieu de Justice pourrait enfin s'affirmer… Ni optimiste, ni pessimiste, Giono semblerait plutôt soumis au temps, à ses variations et aux peuplades qui subissent et réinventent à chaque fois les artefacts de leur passé. Lire le Grand troupeau aujourd'hui confirme cette intuition que nous avançons toujours en sacrifiant une certaine forme de bonheur primitif.

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Les terres du sud et du monde rural nourrissent la série romanesque panthéiste de Jean Giono. Les protagonistes issus d'une ferme de Haute-Provence voient le Grand Troupeau qui descend de la montagne. La Nature est une force. Et pourtant, la Nature est en souffrance.

La guerre ( la der des der) fait des ravages mais cette guerre, bien qu'omniprésente, est reléguée au second plan. Elle n'est que très peu décrite hormis la scène de l'obus et le chapitre intitulé comme le titre, « le Grand Troupeau ».
Giono s'attarde sur la vie à la ferme et longuement sur des descriptions d'arbres morts. La nature envahit les maisons abandonnées. La terre ensevelit les hommes. La nature est aussi destructrice que créatrice ( car elle génère de la souffrance). Les corps souffrent au front comme à l'arrière.

Ce roman à thèse s'inspire de l'Apocalypse. Giono, qui a participé à la guerre, en témoigne, mais en pacifiste convaincu, il dénonce la guerre en la présentant comme le mal absolu, comme une épidémie qui contamine absolument tout. La violence imprègne la totalité du roman. Elle ne permet à aucune architecture, à aucune structure, de subsister ; la guerre étant par essence chaotique.

Les soldats sont comparés au grand troupeau du premier chapitre qui descend de la montagne. le chapitre « le Grand troupeau » nous présente les soldats comme « l'assemblée des moutons » (p.111). Et ce chapitre apparaît comme une réécriture du premier chapitre, non plus avec des animaux qu'on humanise, mais avec des hommes, bestiaux. Les soldats suivent leurs capitaines comme les moutons suivent leurs bergers.
Le roman se construit sur cette vision du troupeau qui monte et qui descend de la montagne ; comme une absurdité ; c'est un flux qui ne s'arrête pas, qui laisse les animaux exténués, mourants, sur le bord de la route, et les cadavres, loin derrière, à l'arrière.
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Le grand troupeau
Jean Giono
Folio, 252p


2020 est l'année Giono. Il y a cinquante ans que cet auteur, et quel auteur, est mort.
Je lis donc une de ses oeuvres, le grand troupeau, un roman en trois parties sur la première guerre mondiale, écrit en 1931.
le roman est original en ce qu'il juxtapose, plutôt brusquement, les scènes qui se passent au front, de Verdun jusqu'en Flandres, Bailleul, le mont Kemmel, et celles qui ont lieu à l'arrière, en Provence.
Ce n'est pas un roman d'action. Presque tout est descriptif et lyrique. Il y avait du bel air dans cette matinée : un air jaune tout doré, à demi-chaud, à demi-froid, et il avait de petits gestes, si nerveux à la fois et si légers qu'on se sentait caressé comme de chatouilles. Tout vit, agit, ressent, est doté d'une âme.
Ce n'est pas un roman daté. C'est une dénonciation de la guerre, qui détruit, place le monde dans l'attente, est contre-nature. « l'habitude, l'habitude pour ça ! Non, ça peut pas venir, c'est trop contre nature, trop. » C'est un hymne à la vie, à la chair sensuelle, à la beauté des paysages, au bonheur primitif.
Son ouverture est épique et métaphorique. Un immense troupeau de moutons dévale la montagne. Il n'y a pas assez de bergers pour le conduire. Les autres ont été appelés à la guerre. Il faut descendre. Grondements, piétinements, poussière en feu, souffrance, morts. Un berger donne son bélier à soigner au grand-père d'Olivier, Chabrand, ce tout jeune homme qui est un des protagonistes du roman, dont la famille porte des valeurs gioniennes : Tout ça c'est bien ressemblant à ces Chambrand, beaux parleurs, siffleurs, chanteurs, regardeurs de beaux regards, si peu attentifs aux sous et aux billets et tant attentifs à la bonne manière. Il y a aussi Madeleine, son amoureuse, Joseph , le frère de celle-ci, et Julia, sa femme au corps épanoui, qui veut exulter. le narrateur est implicite, témoin des événements.
Quand la guerre dévaste, la nature -la forêt si belle- protège, et les gens angoissés, dont la détresse désorganise l'école et fait passer les enfants à naître, se rassemblent, pour la veillée d'un corps absent, pour l'amour, pour qu'on se sente humain.
La guerre, ce sont les corbeaux, les rats, la boue, le feu, les morts, les chairs en lambeaux, les corps sur lesquels on marche, la confusion, les cauchemars, la peur, la fatigue, les hommes qui sont comme des bêtes : un se terre comme une bête.Joseph y perd son bras, Olivier se mutile. Casimir est devenu un homme gras avec une jambe en moins. Avant c'était un beau laboureur maigre et dur comme une vieille fève.
La guerre prend tout : On n'a jamais eu l'habitude d'être commandé par les autres, ici. Alors les hommes, alors le blé, alors les moutons, alors les chevaux, les chèvres, tout alors, il lui faut tout !
A l'arrière, la nature est indifférente à la violence humaine. Toute la nature couverte de blés mûr est là, rousse comme du beurre dans le grand bol bleu des collines.
Les lettres vont de l'arrière au front, et du front à l'arrière, précaires, décalées, qui font du bien, qu'on désespère de jamais recevoir, porteuses de mauvaises nouvelles. Car la vie continue, à la guerre et à l'arrière de la guerre.
A la fin du roman, un garçon- oui, c'est bien un homme il a tout, dit son arrière grand-père qui lui a palpé la figue d'entre-jambes- rentre dans le grand troupeau des hommes. le berger, venu voir son bélier, lui fait les présents des pâtres, le vert de l'herbe, les bruits du monde, le soleil, tandis que l'étoile du berger monte dans la nuit.
Giono est un pacifiste viscéral. La guerre, c'est que du mauvais. Il le dit en 31, quand on ne sait pas encore que la suivante est proche.
Cependant, lire un roman de Giono, c'est entrer en poésie panique. On aura vu que la langue est orale, reprenant le parler, et même leur langue particularisée, des hommes simples, les paysans, les soldats, un langage qui vit, dans les ressauts d'un rire plein de colère et de détresse : Et tout Artaban que tu es, si je te secoue, tu perds tes puces pour dix ans, mais surtout elle regorge d'images plus belles les unes que les autres : C'est mûr comme la pêche qui tremble sous une abeille.
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Super
Très bon roman sur la guerre 14 18 qui se passe en provence que tous le monde doit lire au moins une fois dans sa vie et doit avoir dans sa bibliothèque
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Jean Giono - «Le grand troupeau», publié en 1931
Parmi les témoignages laissés par des écrivains ayant réellement vécu l'horreur des tranchées (Cendrars, Dorgelès, Remarque...), l'originalité bien venue de Giono consiste à consacrer autant de pages à la description des atrocités vécues sur le front qu'à la narration des conséquences du départ de tous ces jeunes hommes des villages où ils étaient paysans, assumant la charge du travail de la ferme. le tout avec cette belle écriture de l'auteur du "Hussard sur le toit".
Un témoignage incontournable sur la Grande Tuerie qui ouvre le vingtième siècle.
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Il y a certaines belles pages, émouvantes, lyriques, où on se sent pénétré jusqu'à l'os… On fond alors de compassion pour ces êtres en souffrance, que ce soient les soldats au front dans les tranchées, les femmes restées à l'arrière ou même les bestiaux qui descendent à marche forcée de l'alpage parce que les bergers sont réquisitionnés et doivent rejoindre l'armée. Giono exprime admirablement la douleur, la misère, le désespoir. Les dialogues sont réduits à leur plus simple expression. Pauvreté de langage de ces gens simples, phrases esquissées et pas toujours finies parce qu'il est inutile de rajouter de la douleur avec les mots qu'on pourrait prononcer. Giono sait y faire.

Malheureusement, il m'a manqué des personnages marquants, des événements, même anecdotiques. A force d'esquisser tout sans jamais approfondir, Giono m'a laissé sur ma faim, parfois même agacé par des longues suites de phrases fumeuses d'une clarté bien sibylline : “la peau d'herbe est toute blessée”, “l'étang doucement s'en va, on le voit s'en aller dans les trous”, “un terrible éclair écarte la haie là-devant.”. C'est poétique ? Bon, admettons mais à la longue, ça finit par lasser. Il y a des chefs-d'oeuvre chez Giono, mais à mon avis, pas que !
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La guerre n'a pas seulement tué les soldats partis au front, mais elle a aussi détruit les familles restées au pays, dans les villages. L'attente fut longue avant de revoir ceux qui en sont revenus, quand ils en reviennent. La fin du roman est un message d'espoir; hélas on a vu ce qu'il en était.
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Un des textes les plus crus, les plus proches de la réalité que j'ai lu, en tout cas dans les romans.
Son écriture est parfois déstabilisante car il utilise le parler des campagnes dans ses dialogues mais surtout parce qu'il utilise beaucoup l'ellipse et on a parfois du mal à s'y retrouver.
En tout cas, quelle pointure ! Giono se démarque du lot des écrivains qu'on lit habituellement.
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