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Il est très souvent difficile de parler de Giono, son style est tellement particulier parfois si peu ortodoxe qu'il peut désarçonner. Entre poésie et parlé, il navigue, se joue des conventions, nous entraine souvent dans un langage imagé. Il fait naitre des impressions, des sensations. Son écriture est une saveur de terroir oublié. Il Chante ici, une fois de plus, ce fameux chant du monde. Les bergers, ces hommes pétris de sciences et de savoir, de celui oublié du reste des hommes, Giono les met à l'honneur, comme il met à l'honneur les paysans, les forestiers, bref, tous ceux qui vivent de la terre, qui la connaissent et en comprennent ses tourments, ses joies. Ils savent se contenter de ce qu'elle donne, acceptent ce qu'elle reprend. L'ode est magnifiquement intérprétée, mais elle peut paraitre aujourd'hui totalement incongrue dans notre monde si éloigné de cette période! On sent à travers ses mots, l'odeur des champs, des bois, des rivières, celui des bêtes et des hommes! L'existence ne se pare pas avec Giono de fioritures, non il y a la sueur, le sang, le froid la chaleur, dans leurs aspects bruts...En lisant ce texte je me demande comment les jeunes générations vont pouvoir apprécier et aimer cet auteur, au parlé si différent du notre, à l'univers si opposé à celui dans lequel nous vivons! Il y a chez Giono une humanité à redécouvrir.
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Jamais l'idée m'est venue d'acheter un livre audio...Le livre est avant tout, pour moi, un objet papier. Quand Babelio m'a proposé ce titre à l'occasion d'une opération Masse critique, je n'avais pas prêté attention au format du livre...Surprise lors de la réception...et à l'occasion de l'écoute.
Une écoute qui devient plaisir, si elle accompagne une ballade dans la solitude d'une nature sauvage...dans un lieu perdu, ravitaillé par les corbeaux, comparable à celui dans lequel Giono transporte le lecteur. Un lieu où seuls des bergers et des moutons peuvent vivre tout un été de transhumance. Là ou la poésie et les mots de Giono prennent encore plus de sens. La Provence rurale non détruite par le tourisme!
Je ne conçoit pas qu'on puisse l'écouter dans une voiture, sur l'autoroute, ou sur les trottoirs d'une ville....Non, il faut le calme, pour qu'opère la magie des mots de Giono, sentir le vent, imaginer les agneaux, l'eau des sources, fouler l'herbe....se mettre en condition pour se laisser bercer par la voix de Pierre-François Garel.
Un soir de la Saint-Jean, sous les étoiles, "deux cents hommes et cent mille bêtes" sont rassemblés sur une "aire de jeu"... délimitée par quatre grands feux. Les bêtes sont montées depuis la vallée. Giono nous raconte cette transhumance, ces milliers de moutons suivant Bouscarle, le chef des bergers, ces brebis quittant les étables et se joignant aux autres, venues d'autres villages, d'autres étables : "le métier de chefs de bêtes est une chose qui coule comme de l'eau entre les doigts et qu'on ne peut saisir"
Bêtes et bergers sont réunis sur le plateau de Mallefougasse où le narrateur les rejoint, Giono sans doute, accompagné par Césaire Escoffier. On lui fait place. Il sort son cahier...
Au son des harpes éoliennes, des timpons, des gargoulettes à eau, au son du vent qu'on perçoit quelques bergers vont se lancer dans des joutes oratoires, jouant successivement le ciel, la terre, la mer, la montagne, le fleuve, le vent, l'herbe...la pluie...etc.
Des hommes, des poètes mettant en mots la nature, une nature qui déjà, dans leur esprit, dans celui de Giono, est dominée par l'homme : "si l'homme devient le chef des bêtes, elle, la Terre, est perdue : Je le vois, déjà, devant le grand troupeau. Il marchera de son pas tranquille et derrière lui, tous vous serez. Alors, le maître ce sera lui. Il commandera aux forêts. Il vous fera camper sur les montagnes, Il vous fera boire les fleuves. Il fera s'avancer ou reculer la mer, rien qu'en bougeant de haut en bas"
La voix grave, monocorde de Pierre-François Garel accentue l'effet théâtral de la cérémonie des joutes oratoires des bergers. C'est certain que le ton de cette voix fait ressortir la gravité du texte. La perception en aurait été différente, si le texte avait été lu par un comédien à l'accent méridional. Une fois écouté pendant une ballade en nature, j'ai éprouvé le besoin de le lire en format ebook. le plaisir est différent, un plaisir difficile toutefois.
Giono joue avec les mots, torture son texte et le rend parfois insolite, n'hésite pas à désorienter le lecteur par des phrases tourmentées, graves, étranges parfois.
A mon adolescence, j'avais approché Giono avec Regain, dont je ne garde que peu de souvenirs...ce titre fait dorénavant partie des livres que je dois relire.
Merci à Babelio et aux éditions Thélème pour cette découverte

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Initiation poético-cosmique.

La prose poétique de Giono sublime une fois de plus la puissance créatrice de la Nature. Une cérémonie secrète, rassemblant des dizaines de bergers, une nuit d'été, joue un drame à l'inspiration antique et, comme dans un rêve interprète celui des mythes des origines.
Le texte transcende la vitalité artistique de l'Humanité en l'associant aux forces cosmiques, nous permettant ainsi de pénétrer l'imaginaire de l'auteur.
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Conte ou réalité ? Dans cet ouvrage, tout s'enchevêtre et se mélange. La nature, le ciel et la Terre, les animaux et la végétation, la mer et les fleuves… L'homme règne en maître quand il est berger, l'homme est réduit à néant quand il n'entend pas les chants du Monde.
Tout commence par une rencontre entre le narrateur et les protagonistes de la transhumance dans les Alpes de Haute-Provence… le narrateur (s'agit-il de Giono lui-même ? Rien ne l'atteste) va découvrir les liens immémoriaux qui unissent le troupeau, les bergers et la Nature. En point d'orgue, il va nous conter la nuit magnifique où tous les troupeaux et tous les bergers se retrouvent dans la montagne et procèdent à une veillée extraordinaire mêlée de théâtre, de musique et de poésie à l'état brut.
Comme j'ai eu l'occasion de l'écrire dans ma critique des Vraies Richesses, ceci n'est pas un roman, pas un recueil de poésie, pas un essai. C'est du Giono. Il mêle adroitement mythe et réalité, conte et reportage, poésie et narration. Les arbres sont des personnages, les moutons agissent avec sagesse et savent reconnaître le bon grain de l'ivraie, l'homme bon de l'homme malveillant. Les bergers sont des acteurs et des poètes quand ils ne sont pas musiciens ou tout à la fois…
La grande fête de la transhumance racontée explose comme un hymne à la Nature et à la Vie. Les humbles ne sont pas humbles et les vraies richesses sont dans un équilibre parfait entre tous les éléments (Terre, Air, Feu, Eau).
Les thèses de Giono se trouvent une nouvelle fois démontrées et mises en avant avec le brio d'un génie de l'écriture.
Personnellement, je trouve juste que l'auteur en fait beaucoup, et ce beaucoup confine parfois au trop… Sensible à son discours, je trouve parfois sa poésie redondante et trop foisonnante au point de donner une forme d'indigestion poétique au modeste lecteur que je suis.
Son discours a peut-être un peu vieilli, ce qui le rendrait presque inaudible pour nos contemporains ? La mode porte pourtant à retrouver ces vraies richesses, mais elle les veut réactualisées et modernes, ce qui est paradoxal pour des valeurs authentiques et ancestrales défendues par Giono. Mais l'Homme moderne n'est pas à une contradiction près et moi non plus… le Monde avance. Il court peut-être à sa perte. Les grands écrivains et poètes comme Giono nous rappelle la futilité des choses de ce monde et agissent en visionnaires pour qui sait lire entre les lignes.

Michelangelo 2016

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"Tout est venu de ce jour de mai:le ciel était lisse comme une pierre de lavoir;le mistral y écrasait du bleu à pleine main; le soleil giclait de tous les côtés:le chaos n'avait plus d'ombre."
Le serpent d'étoiles nous ouvre en grand la porte de la beauté à l'état pur, celle de la nature magnifiée pour plonger plus profondément dans la poésie(cf: "la nuit claquante comme une voile", l'arbre qui chante " d'une voix à la fois humaine et végétale") et l'imaginaire de Giono.
Ce conte initiatique un brin fantastique; puisque l'argile, du potier (Césaire Escoffier) croisé, est "douée de paroles", dotée de charmes; puisque sa caverne "sanglante et noire", telle un utérus, est un haut lieu de création où l'on pénètre "la boue de vie qu'est le mélange des bêtes,des arbres et de la pierre"; puisque la "fontaine raconte des histoires d'eau"; entraîne le lecteur vers le monde des bergers (et des meneurs d'hommes) qui conduisent leur troupeau (celui des hommes aussi à rapprocher de le grand troupeau qui dénonçait les horreurs de la guerre); le monde magique des initiés, dont les mots et la musique permettent le passage vers "le pays derrière l'air", celui du sacré.
Un récit agréable à lire d'un point de vue poétique, un mythe revisité et une ode à la nature dotée de sens divin, mais (pour moi) trop,trop,trop: ma "lecture des étoiles" est restée en suspens, préférant de beaucoup le chant du monde très imagé mais plus concret.
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Ce livre de 1930 se compose de deux parties :la première , et la plus longue , tient de la quête initiatique . le narrateur , écrivain , est amené par une série de rencontres à approcher le mystère des fêtes pastorales de la Saint-Jean d'été. C'est d'abord le potier Césaire , l'homme de la terre , sa femme qui voit « de l'autre côté de l'air » et sa sorcière rousse de fille , puis Barberousse le berger , le joueur de pin-lyre . La deuxième partie est la relation , puis la transcription , de l'organisation et des paroles de cette Genèse à la mode pastorale. M'a-t-il fait rêver cet ouvrage , pendant ma rêveuse et solitaire adolescence ! Et même au-delà , car ,incurable naïf, j'ai voulu croire en son ancrage dans la réalité . Et maintenant, au versant hivernal de mon âge , abreuvé de l'amer savoir de l'expérience (et du témoignage de Giono lui-même) je sais qu'il avait tout inventé , que les utopies (arcadiennes ou autres) n'existent que grâce à la magie de l'imagination et des mots tissés par les écrivains et les poètes . Je ne les en aime pas moins et je continue à entendre chanter le pin-lyre « qui donnait une voix à la joie et à la tristesse du monde ».
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Avant d'entamer mon compte rendu, je dois avouer que j'ai triché. En effet, il s'agissait là d'un texte de Giono que je n'avais pas lu. J'ai donc commencé par réparer cette erreur (in collection Cahiers rouges des éditions Grasset) et je me suis ensuite lancé dans l'écoute du texte interprété (je tiens à ce terme !) par Pierre-François Garel, dont vous pouvez découvrir, entre autres, sur Youtube le talent indéniable en écoutant notamment sa lecture de la lettre de Proust à Bizet. Et si sa voix vous rappelle, pour ceux qui connaissent, celle de Jean Topart, c'est normal car on retrouve chez Garel ces même accents lancinants qui envoûtent imperceptiblement l'auditeur.
Le récit proprement dit de Giono ressemble à de la prose poétique et se prête ainsi parfaitement à la lecture. Des phrases comme celle-ci sont de fait une invitation à l'oralité : « Oui, de ce qui est d'humanité, moi j'imagine, et j'aime assez m'en aller dans ces vies qui ne sont pas à moi et puis de les suivre un moment, et puis de les quitter au moment où ça devient pénible, et de revenir dans la vie de mon corps qui est ce qu'elle est mais qui est mienne. »
Dans cette ode à la Nature, tant chérie par l'auteur au fil de son oeuvre, on chuchote ou l'on clame : ici tout est voix pour dire le monde et le ciel. Là, les étoiles sont comme du riz qu'on jette ou des « graines au vent », dit le texte. Plus loin, le désir de la chair le dispute à celui de la terre. Tout s'exprime dans ce chant des sens. Ce sont les « pays de derrière l'air » qui s'ouvrent alors. Là aussi se déroule une cérémonie mystérieuse qui change d'année en année et relève du conte, où se dépensent les « économies du berger », c'est-à-dire ses rêves. Rêves qui se forment en parlant, ce que Garel sait exactement exprimer, donnant l'impression que nous y sommes dans cette assemblée merveilleuse de bergers.
Il était donc fort logique de lire à voix haute un pareil texte, lequel recèle de ces phrases qui ressemblent à des maximes : « Les bêtes sont des vierges ; elles ne salissent pas les gestes qui font la vie. Elles font la vie simplement. »
La vie, magique et mystérieuse, elle est là qui bruisse, évocatrice jusque dans les nuages, qui « ont une vie d'algues et de fucus : des herbes épanouies dans les mamelles de la vague comme les éponges à lait dans les seins des femmes ». Cette vie, Garel la contient dans l'intonation de sa voix, ses pauses judicieuses, bien loin d'un ton déclamatoire pénible ou d'une récitation léthargique aussi efficace qu'un somnifère !
Il faut effectivement les tenir ces phrases gorgées de poésie immédiatement évocatrice : « La terre est accroupie dans le ventre du ciel comme un enfant dans sa mère. Elle est dans du sang et des boyaux. Elle entend la vie, tout autour, qui ronfle comme du feu. »
Aussi, lecteur ou auditeur – étant entendu que, selon moi, il est préférable de connaître un texte, destiné à être lu, avant de l'écouter –, « ouvre-toi, ouvre-toi, le bonheur et la joie sont là qui veulent entrer. »
Enfin, il ne reste plus qu'à signifier à monsieur Garel, à la manière d'un fameux gascon affublé de quelque non moins fameuse protubérance : c'est un peu court, jeune homme, de Giono il reste bien des textes à lire en somme ! Sachant que l'intéressé, en plus du Serpent d'étoiles, a déjà enregistré Que ma joie demeure, Jean le Bleu et Regain, du même Giono. Mais avec une telle voix, je me dis que cela aurait beaucoup d'allure avec une autre histoire de troupeau, de Giono, je veux parler du Grand troupeau !

(Remerciements sincères aux éditions Thélème et, comme toujours, à Babelio !)
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Torturé à coups d'Enfants et la rivière et de Gloire de mon père pendant mes lointaines et jeunes années, j'entretiens une souveraine méfiance envers tout auteur soupçonné, à tord ou à raison, de régionalisme. Giono c'est "même pas en rêve". le hussard sur le toit de Rappeneau ne m'avait pas assez enthousiasmé pour que je change d'avis, et en plus, il y a assez de livres qui m'intéressent sans que j'aille m'encombrer de ceux qui ne m'intéressent pas.

J'avais tord une fois de plus.

Il aura fallu une note sibylline de Philippe Walter au détour de son extraordinaire Canicule pour me convaincre de mettre le nez dans des pages de Giono.

L'histoire : le narrateur, jamais nommé, dans une Provence de début de siècle, celui d'avant, raconte sa rencontre avec un berger et sa famille. Un berger qui, avec ses mots à lui, remis dans les mots de Giono, lui dit la Terre, les courants telluriques et les forces chthoniennes qui traversent le monde, les étoiles, les bêtes, la vie, la mort et le secret de l'âme que détiennent ces hommes, portiers des mondes que sont les bergers.

C'est une incroyable rencontre que ce livre.
La langue est dense, travaillée et pourtant fluide. le style de Giono, c'est tout. C'est à la fois pompeux et ampoulé, mais aussi panthéiste et travaillé par les forces du monde qui semblent se nicher entre le blanc des pages et le noir des caractères. Il faut probablement un certain âge pour goûter ces mots et ces phrases. Heureux ceux qui y ont accès jeunes.
Le narrateur veut observer la rencontre des bergers, non pas de ces jeunes pastoureaux à la houe, non, celle des hommes qui semblent encore fait de la terre et de l'esprit du monde. Et pour nous y faire accéder, Giono sublime la Provence, loin des clichés. Giono veut en être le spectateur et le sismographe. Le résultat est somptueux. On est comme lui immergé dans un monde rocailleux et fluide où les courants de la vie et de la mort, végétale, animale et humaine semblent difficile à démêler. On tremble avec lui de rater sa participation à ce qui ressemble à une liturgie, à une fête au sens de Mircéa Eliade, celle du Grand Temps qui réactive les forces du monde en les énonçant, en les jouant. La transcription finale de cette célébration déçoit un peu, car il n'y a pas de secret du monde détenu par les pâtres provençaux.
Le seul secret véritable c'est de faire partie du monde, de savoir le lire, de se taire ou de le chanter.

Giono est un grand chanteur.
Lien : http://leslecturesdecyril.bl..
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[mes excuses par avance pour la longueur de mon papier, . Bien sûr, libre à vous de lire jusqu'au bout ou en diagonal].
J'ai déjà lu Giono (pas tout, loin de là). Je sais à peu près à quoi m'attendre (en résumé : du lyrisme poétique à la limite du délire..), je sais ce que j'espère (de la poésie en prose), mais là (p.25 du Livre de Poche 1979) il en fait quand même beaucoup dans les audaces de langage : 1/2 étoile en moins, mais ça ne se verra pas dans son Serpent d'Etoiles.
Au début donc, je me pose la question : est-ce de la poésie en prose comme "d'habitude" (Que ma joie demeure..) ou se laisse-t-il écrire cette fois vraiment en roue libre, gardant la 1ère image, les 1ers mots qui viennent ? Cherche-t-il beaucoup ou écrit-il vite ? Mais il (p.37) faut dire que Giono cherche, dans ce(s) livre(s) une harmonie totale avec le cosmos, la nature (ses 3 premiers livres, il les a regroupés sous le titre de "la trilogie de Pan"); il cherche à dire une relation idéale d'osmose et de symbiose que l'humain pourrait (devrait ?) tisser - et tisse parfois - avec tout ce qu'il y a autour de lui, tout ce qui l'environne : animaux (Giono dit "les bêtes") - tous les animaux -, végétaux, minéral.
Et c'est presque indicible.
Il lui faut donc inventer un langage pour dire cet indicible qu'il pressent, qu'il ressent, qu'il cherche, appelle. D'où, par exemple, le langage inhabituel - donc étrange - intuitif mais aussi sensuel, pour dire la "grasse" femme du potier qui est comme l'argile que celui-ci pétrit, femme qui entend, sent et voit les signes de la terre dans la grotte abri. Elle est médium et l'une des filles est nommée " la sorcière".
(44) Giono élargit la terre, élargit le ciel, élargit le monde, en élargissant le langage ( " homme, ouvre-toi").
Sur un détail plus littéraire (80) : j'ai vu que 2 ou 3 lecteurs doutaient du statut du narrateur et de ce livre. Est-ce Giono ? Est-ce un conte ? Je n'ai sur ces 2 points aucun doute : Giono est le narrateur et le livre est "officiellement" une "chronique journalistique", mais je propose de le nommer " documentaire ethnographique poétique". Une preuve ? Etonnamment (il n'aurait jamais fait cela dans un roman) il explique (au début du chapitre III) ce qu'il a écrit précédemment et justifie (presque) pourquoi il a fait une analogie entre les moutons et la mer. Une autre preuve ? L'arrivée du télégramme, au nom de " Monsieur Jean, de Manosque", ouvert par tous les "Jean" habitant Manosque avant que la factrice ne le lui présente et qu'il sache, en comprenant le message sibyllin, qu'il lui est bien adressé. Il récidive au chapitre IV, en écrivant de nouveau "je". Je ne vois décidément pas comment on peut avoir un doute sur le statut du narrateur.
Quant au statut de ce livre, c'est une "chronique journalistique" et je le vois comme un documentaire ethnographique écrit avec force poésie puissante, sur 2 "événements" dans le monde des bergers : un mineur et un majeur. le mineur est "la grande révolte". Je laisse découvrir ce qu'il est. le majeur est "le jeu des bergers" ou "la comédie", sorte de représentation théâtrale, en partie improvisée, par quelques bergers, dans un mélange de divers parlers, dont Giono tente une transcription en français compréhensible, qu'il qualifie d'imparfaite et de maladroite.
Ce dit des bergers est assez hallucinant (ils deviennent quasiment des shamans, mais sans prise de substances) et dépend aussi des émotions et des rêves qu'ils ont eus pendant l'année : un récit oral avec musique (fifres, d'instruments en terre cuite - gargoulettes -et des cordes tendues entre des branches d'arbres - les "arbres-lyre" - que le vent fait vibrer). Ce récit oral, ce dit, est la version de 3 ou 4 bergers (pas forcément toujours les mêmes d'une année sur l'autre) qui le créent sur le moment, d'un récit cosmogonique de l'espèce la plus ancienne et universelle, où l'on trouve des éléments de la Génèse et de l'Ancien Testament, récit où l'on retrouve aussi des éléments de cultures anciennes, de civilisations disparues (où notamment la figure du serpent est centrale) mettant en représentation, en scène et en mots la création du monde, les éléments fondamentaux (l'eau, la terre, l'air..), les animaux, le 1er homme et la 1ère femme..
Ce récit - et donc ce "petit" livre de Giono - est essentiel, aussi dans le sens de l'Essence. Encore aujourd'hui. Non seulement il hisse - en le décrivant le mieux possible - le monde pastoral, disparu il y a peu, des grands troupeaux d'ovins et des grands bergers , à un niveau culturel aussi élevé que les montagnes des Alpes de Haute-Provence, mais on peut le lire aussi aujourd'hui comme un puissant plaidoyer pour "la Nature", le "Vivant" et un avertissement pour l'humanité, qui est résumé dans le dit des bergers, donc dans ce "reportage" par la phrase, souvent citée : "Si l'homme devient le chef des bêtes alors, elle, la terre, est perdue". Pour avoir une chance de comprendre cette phrase, il faut lire ce livre (1 journée suffit..).
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Il s'agit d'un récit et non d'un roman : la rencontre de Giono avec un berger. Il lui raconte sa vie mais bien plus : l'auteur participe à ce cérémonial qui réunit les bergers chaque année au cours duquel sont déclamés ou improvisés des récits mythiques, imaginaires dont un qui nous compte la création des éléments.
Un petit livre un peu lourd, qui n'est pas le meilleur Giono.
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