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Les grands chemins, roman de Jean Giono publié en 1951, m'a quelque peu dérouté au départ. J'avoue avoir eu un peu de mal à y entrer, je ne sais pas trop dire pourquoi. Je cherchais le côté solaire des premiers romans de l'écrivain, je ne le trouvais pas, je vivais une sensation qui me déstabilisait, un sentiment d'inquiétude dans un texte indomptable.
Je ne me sentais pas serein à l'abord des premières pages de cette lecture, mais est-ce le but d'un roman ? Je ressentais comme une sorte d'inquiétude, de malaise...
Pourquoi ?
Est-ce le paysage rugueux, ce fond de vallée où les chemins se perdent, n'arrivent nulle part ?
C'est peut-être l'approche de l'hiver dans ces montagnes où le jour se resserre dans l'étau de la vallée comme une peau de chagrin.
Cela tient peut-être aussi aux personnages qui ne ressemblent pas à ceux que j'avais l'habitude de rencontrer dans l'oeuvre de Giono.
Peut-être aussi parce que nous sommes ici loin du lyrisme de ses premiers romans.
Posons un peu le décor, les personnages, l'intrigue...
Nous sommes à la fin de l'été. Un narrateur, épris de nature et de grands espaces, nous invite à suivre ses pas, son itinéraire de nomade, de vagabond. Il aborde un paysage de montagne. C'est un trimardeur, courageux à la tâche, il sait un peu tout faire, conduire des engins agricoles, des poids lourds, travailler de ses mains. C'est ainsi qu'il va dans son existence, il n'a jamais de mal à trouver du boulot. Qui plus est, son allure débonnaire l'aide rapidement à poser une relation de confiance avec les autres.
La vallée qui s'offre ici est presque un lieu fermé où l'hiver va venir. Déjà la lumière s'atténue vite dès le soir venu. Il faudra sans doute songer à se poser dans un des villages qui émergent du paysage.
Il fait la rencontre d'un homme qui le séduit d'emblée. C'est un joueur de cartes. Il est fasciné par la prouesse de ses doigts avec les cartes. Ils s'entendent tout de suite, il y a quelque chose qui les aimante l'un à l'autre.
Tous deux ne tiennent pas en place, c'est sans doute à cela qu'ils se sont reconnus tous deux... Mais pour le reste, ils sont totalement différents : l'un veut travailler, l'autre pas.
Malgré cette association contre nature, ils deviennent dès lors des compagnons de route pour aborder cette vallée, le narrateur appelle aussitôt cet homme qui le fascine l'Artiste.
On ne saura jamais leur nom, sauf celui de l'Artiste tout à la fin.
Les chemins les amènent au tout début de leur périple de village en village. Ils se séparent, se retrouvent. Ce sera ainsi tout au long du récit. L'Artiste s'avère très vite menteur, tricheur...
Voilà une relation d'amitié complexe, ambigüe, presque impossible. Un jeu d'attirance, de domination et de répulsion.
Ils n'ont peut-être en commun que l'errance qui les entraîne sur les chemins et la volonté de se poser brusquement au même moment. Ils sont tous deux sans attache et veulent être libres.
Il y a comme un désir de protection du narrateur à l'égard de l'Artiste, mais ce dernier le prend comme une sorte de contrôle et ne l'accepte pas.
C'est une amitié où s'invite la fascination, le vertige, le rejet.
Parfois, en amitié, c'est un peu comme en amour, il y a un des deux qui en demande un peu plus...
Ce livre un peu rebelle, qui résiste à certains endroits, avouons-le, je l'ai ressenti comme une impuissance fraternelle à trouver un territoire pour accueillir une amitié. Et pourtant cette amitié me paraît à bien des manières totalement inoubliable...
Il y a des forces telluriques dans ce roman, qui portent et soulèvent les personnages, les sentiments sont taillés à coup de haches comme les à-pics d'une paroi rocheuse.
On sent à un moment que la tension va crescendo dans le récit. Il y a quelque chose de taiseux, le paysage devient brusquement oppressant.
J'ai aimé cette amitié un peu revêche qui se promène là entre eux deux sans trop savoir comment se poser. Elle est violente et c'est beau. L'aspérité des personnages, du moins celle de leur relation, m'a totalement convaincu.
Les grands chemins ne mènent nulle part ou ailleurs, pas forcément là où nous le voulions.
Il y a une forme d'errance et de solitude, une désillusion, quelque chose qui fait penser que Jean Giono ne croit plus ici en l'humanité.
La grandeur des chemins, ici je pense qu'il faut la chercher dans les abîmes intérieurs des personnages.
Et à la fin, ce roman m'est apparu magnifique.
L'écrivain René Frégni, que j'ai eu le plaisir de rencontrer cet été, inconditionnel de Giono - cela se ressent d'ailleurs dans son oeuvre - m'a incité à lire ce roman qu'il considère comme un des plus beaux et importants récits de cet écrivain.
Pas solaire, avais-je dis en début de ma chronique ? Et si les soleils les plus ardents étaient ceux qui brûlent en nous ?
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Cela faisait bien longtemps que je n'avais lu un Giono. Je retrouve cette plume si agréable, chantant et pleine de sensations. On lit mais on marche aussi en même rythme, respirant les odeurs, sentant la caresse du vent, le froid non piqué le nez etc... c'est plein de poésie, de ressentis, j'ai adoré cette balade sur les grands chemins.
L'Artiste qui vient mettre son grain de sel dans ce décor, une drôle d'amitié, un tandem bancal mettront un peu de piquant au récit. Pour ma part, j'en avais point besoin, simplement me promener aux côtés du marcheur me comblait grandement.
Une chouette lecture qui fait du bien en ces temps si particuliers.
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Jean Giono nous présente ici un vagabond anonyme, à la recherche de son idéal. Il rencontrera l'Artiste, en fait un joueur de cartes , à qui il vouera une admiration sans limite. Naîtra une amitié virile au long de cette route qui les mènera vers leur destin.

Mais comme il arrive parfois dans ce genre d'amitié, un conflit finira par ternir les relations des deux hommes. S'en suivra une véritable chasse à l'homme ou le narrateur poursuit son compagnon d'infortune, joueur et menteur invétéré… Pour lui régler son compte ? peut-être… mais il lui faudra faire vite s'il veut le rejoindre avant la meute des villageois en colère également à ses trousses.

« Les grands chemins », un roman qu'il est convenu de situer dans la deuxième époque de l'auteur, celle de l'après guerre. On le sent désabusé…et sa prose se fait moins lumineuse, moins olfactive. Il reste malgré tout les thèmes chers à Giono : les petits boulots, l'amitié virile et les grands chemins qui ne mènent nulle part si ce n'est à soi-même…

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Je lis ce livre souvent. Il porte en lui une formidable force, un optimisme, celui de la confiance en l'humain.
Les routes de bitume gris empruntées par le héros, les places des villages qu'il traverse, les fermes dans lesquelles il travaille, les granges qui l'accueillent au hasard de ses pérégrinations, tout porte à la confiance dans l'autre, même lorsqu'il ne la mérite pas, car loin de tomber dans l'angélisme, Giono donne une image réelle et crue de la société des hommes, à l'image de ce qu'ils en font.
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une forte amitié ; un homme sincère en demande et l'autre qui prend
ses distances ; d'où une souffrance,
road movie : ils sont deux à tailler la route et tout est intense
le dénouement comme une offrande ....
cette histoire nous emporte dans les campagnes : on se sent très bien
parmi tous ces gens de passage ; le drame couve bellement
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Paru en 1951, « Les Grands Chemins » fait partie des « Chroniques, » au même titre que « Un roi sans divertissement » (1947), « Fragments d'un paradis » (1948), « Les Âmes fortes » (1949), puis « le Moulin de Pologne » (1952), « Deux cavaliers de l'orage » (1965), « Ennemonde et autres caractères » (1968), « L'Iris de Suse » (1970). Nous sommes dans la « deuxième manière » de l'écrivain, nettement différente de la première, lyrique, solaire, tellurique. Ici nous sommes plutôt dans le terre-à-terre, le sombre, presque l'animal.
Comme le titre nous y invite, nous sommes ici dans une aventure de la route, un « road movie » (comme disent les collectionneurs d'anglicismes). Dans ses étapes de pré-publication, le roman s'appelait déjà « La Grand-route », avant de devenir, définitivement, « Les Grands Chemins ». Un vrai titre de western. Et il y a un peu de ça dans ce roman : remplacez la piste par le sentier, les paysages du désert par ceux de la montagne, et vous aurez un western provençal (José Giovanni s'en souviendra quand il écrira « Les Grandes Gueules », magnifiquement porté au cinéma par Robert Enrico).
Sur cette route cheminent deux hommes dont on ne connaît pas grand-chose : il y a juste le Narrateur et l'Artiste (c'est seulement à la fin qu'on apprend que ce dernier s'appelle Victor André) et qu'ils sont en tous points dissemblables ; le Narrateur cherche un boulot de ferme en ferme, et l'Artiste est un prestidigitateur spécialisé dans les tours de cartes, et donc plus ou moins tricheur. Ces deux hommes dont on ne sait pratiquement rien nouent une drôle de relation ambiguë, faite d'amitié et peut-être d'amour, va savoir, de protection mutuelle, un peu comme dans « Des souris et des hommes » (de Steinbeck, vous l'aviez reconnu), à cette différence près que le tricheur et malin Artiste n'a rien du doux et irresponsable Lennie. L'arrivée dans un village perdu, enneigé et condamné par l'hiver, va précipiter le dénouement.
Qu'est-ce qu'ils cherchent ces deux-là sur ces grands chemins ? Une sorte d'idéal, sans doute. Une sorte d'évasion, aussi, de fuite en avant qui passe par le mensonge et la tricherie. Deux images traversent le roman de part en part : le jeu de cartes, et le chemin, métaphores continuelles et antinomiques d'une certaine désinvolture et d'une certaine continuité, tout comme d'un certain mensonge et d'une certaine vérité.
L'une des particularité – significative – de ce roman, c'est qu'il est écrit d'un bout à l'autre au présent : cette astuce narrative oblige le lecteur à être présent dans l'action, comme s'il y assistait dans, je ne sais pas, moi, une salle de cinéma ! (toujours le western !)
Pour Luce Ricatte, qui présente le roman de façon superbe dans La Pléiade, Giono reprend le thème du divertissement pascalien, déjà décliné dans « Un roi sans divertissement » :
« Nous sommes ici comme dans « Un roi sans divertissement » au centre de la méditation de Giono. le jeu, l'art, la charité, autant de solutions qui visent à « détourner les choses de leur sens », de sorte que « tromper ne trompe pas mais rapporte ». Il faut tricher avec soi comme avec les autres, sans se faire une grande illusion, en empruntant les chemins les plus divers : chacun s'y engage selon son désir profond et selon son destin ».
Les grands chemins, on peut les choisir, mais on ne peut pas s'en échapper.

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Le narrateur de cette histoire est un homme libre, au sens où il n'a pas d'attaches; il vit au jour le jour, parcourant à pied les Alpes du Sud à la recherche d'un emploi et d'un toit. Ce roman se situe dans l'immédiat après-guerre, une époque où les travaux journaliers étaient courants dans la vie rurale, où existaient aussi de nombreuses petites auberges le long des routes qui apportaient chaleur et réconfort aux voyageurs de passage.
Mais jusqu'où peut aller cette liberté et cette précarité voulue ? Un jour, presque comme un autre, le héros du livre rencontre un marginal qu'il surnomme " l'artiste" car il joue de la guitare. Malgré quelques appréhensions, qui vont s'avérer justifiées par la suite, il en fait son compagnon de route et son protégé, comme si l'errance continuelle du coeur n'existait pas.
Sur la forme, ce roman empreint de poésie est composé d'une seule partie, sans chapitre pour la ponctuer, comme si l'auteur faisait avancer sa plume comme le héros fait avancer sa vie.
Un des romans les plus réussis de Jean Giono.
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Même si ce n'est pas le Giono que je préfère, je dois reconnaitre qu'il s'agit d'un très bon Giono. le récit suit la vie d'un trimard qui vend sa force de travail où il le peut. Il s'agit surtout d'un récit sur l'amitié entre deux hommes qui vivent sur ce grand chemin, mais qui diffèrent absolument. le choix d'une écriture à la première personne et au présent, nous immerge complètement dans la vie de cet homme.
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Roman sur lequel mon accroche a été difficile et qui m'a dérouté (normal il nous raconte l'errance...) car il a moins l'accent d'un Giono qu'on attend que celui d'un Céline.
Roman de l'errance de deux personnages qui se lient d'une amitié contre-nature alors qu'ils n'ont en commun que la même déréliction qu'ils vivent. le narrateur développe même une amitié irrationnelle pour l'autre, l'artiste, amitié qui s'achève de façon tragique.
Ce roman a une trame proche du roman "Des souris et des hommes" sans toutefois s'y élever au panthéon des chefs d'oeuvre.
La dernière phrase est toutefois illuminante "Le soleil n'est jamais si beau qu'un jour où l'on se met en route".
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J'ai choisi de lire ce roman parce que c'est un des préférés de René Frégni. Et je comprends pourquoi ! Lui aussi est un « passant ». le narrateur me fait vraiment penser à lui. Et je retrouve des échos entre ce texte et ceux de R. Frégni.

Mais je dois avouer que la lecture n'a pas toujours été facile. le vocabulaire familier n'est plus celui d'aujourd'hui, et je n'avais pas le courage de m'arrêter pour consulter le dictionnaire. de plus, la période hivernale était longue, lente, et j'ai un peu dû m'accrocher. Heureusement ! Après la latence arrive ce qui doit arriver, tout s'enchaine selon sa logique.

Au début, le personnage de l'Artiste me décevait beaucoup, et je ne comprenais pas pourquoi le narrateur s'attachait à lui. Mais, peu à peu, s'est imposée l'idée qu'ils étaient tous les deux, métaphoriquement, comme les deux faces d'une seule et même personne : l'Artiste est l'ombre du narrateur, qu'il a la sagesse d'accepter tel qu'il est. Et d'aimer, même. Pour ne pas spoiler la fin du roman, j'arrête là mon analyse, mais vous imaginez bien ma conclusion, à la fin.
Ce qui est incroyable (est-ce une synchronicité ?), c'est que je viens de lire « Des souris et des hommes ». Les deux fins se font écho, à mon avis elles ont le même sens profond (mais, pour les mêmes raisons, je m'abstiens de développer).

Bref, c'est un roman qui a été parfois difficile à appréhender, mais, dès que j'en ai lu la dernière ligne, je n'ai pensé qu'à une seule chose : le relire, pour le savourer pleinement.
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