Extrait de la préface rédigée par Alexandre Chollier
« Oh ! je vous entends ! En recevant cette lettre, vous allez regarder l'écriture et, quand vous reconnaîtrez la mienne vous allez dire : « Qu'est-ce qui lui prend de nous écrire ? Il sait pourtant où nous trouver. Voilà l'époque de la moisson, nous ne pouvons être qu'à deux endroits : ou aux champs ou à l'aire. Il n'avait qu'à venir. A moins qu'il soit malade – ouvre donc – à moins qu'il soit fâché ? Ou bien, est-ce qu'on lui aurait fait quelque chose ? » »
« Le but d l’Etat moderne c’est de composer une termitière ; une masse de fourmis. Dans les Etats démocratiques comme la France, ou à peu près semblables, l’organisation sociale prévoit la place de grosses fourmis au ventre blanc qui sont des reines qu’on nourrit et qu’on soigne. Dans les Etats autoritaires fascistes : Russie, Allemagne, Italie, l’ordre social ne prévoit plus que la place d’un nombre restreint de ces grosses reines et tend vers une reine unique au ventre énorme. »
« L’Etat, le gouvernement, le chef enfin qui abat brusquement son jeu sur la table : c’est la guerre. C’est l’atout qui rafle tout. Vous avez joué jusqu’à votre chemise ; vous avez joué jusqu’à votre corps ; vous avez joué vos enfants, donnez, donnez tout. Ici, c’est comme dans les tripots : la dette de jeu est sacrée. C’est la guerre, payez ! Donnez tout ; vous avez tout perdu. Vous vous rendez brusquement compte que vous allez donner tout ça pour rien. Tant pis, vous avez joué et vous avez perdu, payez. Plus rien n’est à vous, pas même vos mains. Marchez. On n’a même plus besoin de vous expliquer les raisons de cet abattoir vers lequel on vous pousse avec vos enfants ; vous appartenez corps et bien au gagnant. C’est sacré ; les musiques militaires sonnent en fanfare l’article du règlement qui le proclame : « Aux armes, citoyens ! ».
« Il a été facile d’avilir les artisans grâce à la machine. On a fait tomber de leurs mains la possibilité de chef d’œuvre. »
« Dans le monde entier, si les paysans de toutes les nations se réunissaient - ils ont besoin des mêmes lois- ils installeraient d’un seul coup sur terre le commandement de leur civilisation ; et les petits gouvernements ridicules – ceux qui maintenant sont les maîtres de tout – finiraient leurs jours en bloc : parlements, ministres et chefs d’Etat réunis, dans les cellules capitonnées de grands asiles d’aliénés. Par l’importance première du travail qu’elle exerce et par la multitude innombrable de ses hommes, la race paysanne est le monde. Le reste ne compte pas. Le reste ne compte que par sa virulence. Le reste dirige le monde et le sort du monde sans s’occuper de la race paysanne. (…)
« Le pain que le boulanger fait avec les farines légales est mauvais, physiquement mauvais, n’importe quel médecin vous le dira. La farine légale blutée aux trémies légales donne une matière panifiable entièrement privée des phosphores et des diverses qualités nourricières de la farine qu’on pourrait qualifier de sauvage, c’est-à-dire obtenue avec des procédés non techniques »
« L’Etat est une construction de règles qui créent artificiellement la permission de vivre et donnent à certains hommes le droit d’en disposer. »
On croit qu'il est glorieux de faire le bonheur de tous. Il n'y a pas de pire égoïste que celui qui veut faire par force le bonheur de tous. Il semble se sacrifier aux autres ; en vérité il sacrifie impitoyablement les autres à ses propres besoins.
Car qui envisage le gain doit envisager la perte
Nous sommes dans l'extrême multiplication des générations que la technique industrielle a entassées dans les villes.