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EAN : 9782012792975
280 pages
Hachette (06/09/2006)
4.25/5   14 notes
Résumé :

Avec deux hypothèses, l’une sur le désir mimétique, l’autre sur le bouc émissaire, René Girard a bouleversé, depuis quarante ans, le champ des sciences humaines.

Sa théorie, qui a replacé le christianisme au cœur de l’anthropologie, est aussi l’une des rares, depuis Durkheim, à tenter d’expliquer les phénomènes culturels et sociaux en remontant à leur origine.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Rien de tel qu'un livre d'entretiens pour faire connaissance avec l'univers conceptuel d'un intellectuel de renom qui bouscule les idées communément admises. Mais attention : nous entrons en terrain meuble, les sables sont mouvants et la lumière a déserté les contrées lointaines des origines de la culture. Mieux vaut donc s'équiper un minimum avant de suivre René Girard sur son terrain : une bonne connaissance des classiques de la littérature et de la Bible est donc conseillée. Il ne faut pas avoir peur non plus des anthropologues et autres ethnologues. En revanche, tout ce qui touche à la philosophie des Lumières et à la critique du religieux ne fera que vous encombrer inutilement dans cette expédition.

Mais qui est donc RG (René Girard) ? Les premières pages nous l'apprennent : né à Avignon le 25 décembre 1923, RG est membre de l'Académie française depuis 2005. Il a étudié à l'Ecole des Chartes à Paris avant de partir enseigner aux Etats-Unis, dans plusieurs universités où il a été professeur de littérature comparée. Il s'est établi là-bas et a rejoint la prestigieuse université Stanford (qui accueillait aussi Michel Serres) en 1980, pour codiriger un programme de recherche interdisciplinaire.

Mais que veut donc RG ? Il se présente comme un interprète qui combine les données de l'anthropologie, de l'archéologie et de l'ethnologie, et qui analyse aussi les grands textes littéraires et les Ecritures chrétiennes. Et il soutient que toutes les cultures comportent des victimes et des boucs émissaires et pas seulement la culture occidentale. Ce qui suscite de vives oppositions chez les anthropologues qui le « battent froid ». Sa conversion au christianisme ne le place pas non plus « en odeur de sainteté » dans les rangs de la communauté scientifique.

Son système de pensée repose sur le mécanisme mimétique qui peut se résumer grosso modo ainsi:
• à l'origine des rapports humains, il y a le désir mimétique : on désire ce que l'autre possède ou symbolise – c'est un mécanisme triangulaire donc avec un sujet désirant, un objet de désir et un médiateur interne (qui appartient au groupe) ou externe (étranger au groupe) – l'objet du désir importe peu, c'est le désir de l'autre qui prévaut ;
• ce comportement mimétique génère une violence croissante dans le groupe qui va être canalisée par le choix aveugle d'un bouc émissaire - ce dernier polarise sur lui toutes les haines;
• le sacrifice de cette victime émissaire ramène enfin la paix et la réconciliation ;
• c'est donc le meurtre d'une victime par le groupe qui est fondateur d'une société et d'une culture humaine – ainsi naissent les mythes et apparaissent les sacrifices rituels qui viendront répéter cet évènement originel.

Nous sommes loin ici de la théorie du contrat social où les individus sont rationnels, autonomes dans leurs désirs et consentent librement à la vie en société. RG explique ensuite comment s'opère le glissement du mythe au christianisme et la différence essentielle entre les deux époques : coupable dans les mythes, la victime devient innocente dans la Bible. En définitive, l'origine de la culture est donc sacrificielle et la Bible comporte cet élément à son début. Elle opère un glissement vers la fin du sacrifice, après avoir montré son adoucissement au travers du sacrifice annulé d'Isaac. La Bible est donc porteuse d'une vision anthropologique qui révèle et refuse le mécanisme mimétique. L'auteur démontre aussi que le mécanisme mimétique se retrouve chez tous les grands auteurs en littérature, des tragiques grecs à Proust, de Shakespeare ou Cervantès à Flaubert, Stendhal ou Dostoïevski.

Ces premiers chapitres sont passionnants et RG déploie vraiment une pensée majeure, puissante et plutôt convaincante. Mais comme avec la théorie du Big-Bang sur l'origine de l'Univers, où l'on se demande qui a « craqué l'allumette », on ne peut s'empêcher de se demander d'où vient le premier désir si l'on ne désire jamais que ce que les autres désirent ? Qui donc a mis en branle le premier cette machinerie du désir mimétique ? Et n'y a-t-il donc aucune authenticité de ce désir ? L'être humain n'a-t-il aucune substance réelle pour ne pas avoir de désirs à soi ? de plus, quelle est l'universalité réelle de cette théorie : s'applique-t-elle aux peuples d'orient marqués par le jaïnisme, l'hindouisme, le bouddhisme où la non-violence, la méditation et le jeûne sont déterminants ? Là, il faut une solide culture pour en juger.

Un autre passage très intéressant est celui consacré à la théorie des premières domestications animales : pour RG, les animaux sauvages ont été domestiqués dans le but d'être sacrifiés plus que d'être apprivoisés pour leur consommation. La domestication animale qui a favorisé la sédentarisation et la croissance des groupes humains serait ainsi un sous-produit inattendu du sacrifice.

S'ensuivent pour finir de longues discussions savantes, ésotériques et parfois ennuyeuses sur la tradition orphique, sur les textes Bibliques et sur la critique de sa théorie. Sans parler du problème des méthodes de recherche employées et des preuves scientifiques de ses idées. Il explique qu'il y a tellement d'occurrences et d'itérations de ce mécanisme mimétique et du meurtre originel qu'il ne peut pas y avoir d'autres explications à l'origine de toute culture humaine. Pour lui, « la quête des origines constitue la tentative scientifique par excellence ». On en revient à l'analogie avec le Big-Bang. La conclusion en forme de pamphlet (et de coup de grâce) est la réponse de RG à RD (Régis Debray) qui lui avait dénié tout mérite scientifique et le « traitait d'homo religiosus par excellence» : nous avions décroché depuis quelque temps, nous voilà achevé !

Heureusement, ce livre est court, moins de 300 pages. Hormis les derniers chapitres, il constitue donc malgré tout une bonne entrée en matière dans le système de pensée de René Girard : le mécanisme mimétique. Cet universitaire est le penseur du désir et de la violence. Michel Serres a considéré que René Girard a fourni une théorie darwinienne de la culture, qui propose une dynamique, montre une évolution et donne une explication universelle de la culture. Mais cette théorie est loin d'être consensuelle. René Girard est rejeté par les anthropologues, qui n'aiment pas le mélange "contre nature" de l' approche scientifique et de l'exégèse des textes bibliques. Cette pensée cherche en effet à replacer le christianisme au centre de la compréhension de l'homme : « On ne peut faire une bonne théorie de l'homme qu'à partir d'une bonne théorie de Dieu » nous dit Girard...

Pour en savoir plus : http://www.rene-girard.fr/mimetique

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À mon avis le meilleur livre de René Girard. Peut-être celui à lire si on veut n'en lire qu'un.
Le parallèle avec Les origines des espèces (Darwin) y est assez bien présenté. La formulation définitive reste à faire.
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Un livre idéal pour appréhender les concepts-clefs de l'oeuvre de René Girard. Je trouvais néanmoins dommage qu'il soit tant sur la défensive et qu'il ne semblait pas accorder beaucoup de crédit aux thèses de ses collègues. Les meilleurs passages de l'entretien sont finalement ceux lors desquels il présente son travail sans le comparer ou le défendre.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
En repérant le mensonge qui structure la polarisation de la foule contre Jésus, les Evangiles nous fournissent une clef qui ouvre d’innombrables serrures et transforme radicalement la culture, non seulement de l’Occident, mais du monde entier.
Tant que le monde occidental était chrétien, il donnait au mot mythe, spontanément, le sens de mensonge. Il ne pouvait pas dire pourquoi, mais il y avait en lui un instinct de vérité que nous avons perdu. Il importe d’en retrouver le goût.
Les Evangiles tiennent pour fausse la croyance des lyncheurs qui sont assurément coupables, mais pardonnables, car leur illusion est involontaire. C’est ce que dit le Christ de ses persécuteurs : « Seigneur, pardonne-leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et c’est aussi ce que dit Pierre dans les Actes des Apôtres. Vous et vos chefs, vous êtes moins coupables que vous ne l’imaginez.
On se trompe complètement quand on s’efforce de rendre les textes chrétiens et le premier christianisme responsables de l’acharnement, des siècles plus tard, des païens mal christianisés contre les Juifs, perçus comme seuls responsables de la Passion du Christ.
Tous les hommes sont également responsables de la Passion du Christ car, en elle, se résume la vérité de toute l’humanité, enracinée dans des cultures forcément tributaires, elles aussi, de quelque violence collective à laquelle, pour le meilleur et pour le pire, ces hommes sont redevables de leur humanité.
Avant les Evangiles, personne ne savait que les lyncheurs mythiques choisissent leurs victimes au hasard. Aujourd’hui tout le monde le sait, mais sans se douter que c’est au biblique et à l’évangélique que notre monde est redevable de ce savoir.
Si on ne parle pas de science, pour le savoir dont je parle en ce moment, ce n’est pas parce que la certitude est insuffisante, c’est au contraire parce qu’elle est trop forte. Ce genre de savoir est si puissant que les logiciens le baptisent common knowledge et on ne le tient plus pour scientifique. Il est si bien établi qu’une humanité étrangère à lui est devenue en quelque sorte inimaginable. Cela n’empêche pas ledit savoir de rester aussi scientifique que jamais. Qui peut le plus peut le moins.
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… le réel obstacle en ce qui concerne la théorie mimétique n’est pas tant que les données sont incomplètes ; il provient plutôt de la réticence et de l’incapacité de notre monde scientifique et de l’humanité en générale à remettre en cause ses propres postulats.
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Parler de liberté, c’est évoquer la possibilité qu’a l’homme à résister au mécanisme mimétique.
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Videos de René Girard (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de René Girard
Le livre est disponibles sur editions-harmattan.fr : https://www.editions-harmattan.fr/livre-qui_dit_on_que_je_suis_le_mystere_jesus_joel_hillion_stan_rougier-9782336428567-78949.html ___________________________________________________________________________
L'Apocalypse de Jean commence par ces mots : « Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. » Comment Jésus a-t-il « connu » cette révélation ? À partir de quand s'est-il lancé dans sa mission ? À quelle fin ? Pour tenter d'y voir plus clair, Joël Hillion est parti de la théorie mimétique de René Girard. L'hypothèse est simple : le christianisme est le plus grand « déconstructeur » du sacré qu'on ait connu. Qu'est-ce que Jésus apporte qu'aucun autre humain n'avait compris avant lui ? Cette compréhension du message non sacrificiel de Jésus ne va pas de soi. Après 2 000 ans, nous en sommes encore à nous interroger sur ce qu'il signifie. Conscient de l'originalité absolue de sa mission, Jésus répétait souvent : « Qui dit-on que je suis ? » C'est à nous que la question est posée.
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Bonnes lectures !
Crédit : Ariane, la prise de son, d'image et montage vidéo
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