Aucun signe ne l'avait prévenue que d'une seconde à l'autre, sa vie ne serait plus ce qu'elle était, aucun papillon n'est venu se poser sur sa fenêtre pour lui murmurer « ton mari a rejoint l'autre monde ». Elle vient de perdre son mari, mort dans un accident de moto. Elle, la narratrice qui avait tout pour être heureuse et ne s'est aperçue de rien, que le bonheur n'était pas si loin au moment où il s'en vient brutalement à disparaître. Mais il est trop tard à présent.
À présent, il faut s'occuper des funérailles.
À présent, il faut continuer à vivre, se raccrocher à l'instinct de survie.
À présent, il faut contenir sa colère et en faire une force.
À présent, chacun retournera à sa vie. Chacun chez lui. Chacun son monde.
Un roman sur le deuil, l'instantanée douleur, une scène longue d'une semaine photographiée au coeur de la douleur, la stupeur, la perte, une éclipse qui viendrait à cacher le soleil qui était là le premier et ne laisserait plus que l'ombre d'un devenir inconnu.
Revenant d'un voyage à Paris où elle était venue pour voir son éditeur, la narratrice apprend soudainement que son mari, Claude, s'est tué en moto. Sans prévenir, d'un coup, il disparait. Il est mort. Commence alors pour la narratrice une vie sans lui, une vie "à présent", parce que le passé n'est plus. Il faudra surmonter la douleur, l'horreur, la perte de l'être cher et envisager un avenir sans lui. Devant faire face aux obligations administratives suite à un décès, elle sera présente mais vivra ces instants telle une automate qui ne comprend pas toujours ce qui se passe autour d'elle.
Brigitte Giraud nous livre un témoignage puissant, tragique et douloureux. Elle décrit avec force et courage toutes les étapes successives à un deuil, sans tomber dans le pathos ou la compassion.
Se déroulant sur un court laps de temps, c'est à dire entre la mort et l'enterrement, ce roman dépeint avec sobriété et justesse ces quelques jours où tout va très vite, où l'absence de l'autre n'est pas encore palpable, où tout le monde s'affaire autour d'elle pour que tout se passe pour le mieux, où l'on se rend compte que le bonheur vient de s'envoler et que l'on est un peu mort, nous aussi...
Un roman brut, violent où l'émotion se fait ressentir à chaque page.
Un roman réellement poignant, bouleversant et merveilleusement écrit.
A présent, quel avenir ?
La narratrice apprend la mort de son mari au retour d'un bref déplacement professionnel. Elle est comme sonnée, elle est là sans l'être vraiment. Tous s'enchainent très vite, l'annoncer à son fils, à la famille aux amis, les démarches pour organiser les obsèques, choisir la tenue, … on se demande comment l'accident est arrivé ? Il y a enquête mais pas de réelles explications. Heureusement elle est bien entourée car il y avait un déménagement de prévu et donc, tous un tas de choses à faire. Un projet qu'elle avait avec lui et elle comprend qu'il y a eu un « avant » et un « à présent »
Brigitte Giraud évoque les sentiments avec beaucoup d'émotions et de pudeur. Ce livre est très difficile à lire et peut rappeler des moments très difficiles si on a perdu un être très proche, car elle utilise les mots justes, qui rend le récit réaliste mais il peut aussi aider la personne à comprendre ce qu'elle ressent est quelque part « normal ». En peu de pages, elle a tout dit sur ces premiers instants. Je ne sais pas si tous ses livres sont aussi forts car pour moi c'est mon premier mais si je dois résumer mon ressenti après sa lecture, j'utiliserai le mot : bouleversant.
A présent décrit avec un grand dépouillement une période difficile qu'a dû affronter l'héroïne du roman. D'entrée de jeu, le titre porte en lui une rupture, suggérant un avant et annonçant un présent que l'on devine douloureux. Effectivement, l'événement qui a fait tout basculer est la mort aussi brutale qu'inattendue du compagnon aimé.
L'inconcevable est arrivé, et bien qu'en état de sidération, la narratrice doit faire face sans préparation, elle doit continuer à avancer, poussée malgré elle par «l'instinct de survie».
Elle est celle des deux qui reste et qui doit affronter les regrets, celle qui constate qu'ils ont mal profité de tous ces petits rien que leur offrait la vie.
Cette leçon de vie, Brigitte Giraud nous la livre dans ce court roman écrit à la première personne avec une sobriété, une justesse incisive des mots, sans s'appesantir sur la douleur, en évitant le moindre pathos, ce qui donne beaucoup de force et d'intensité au récit.
Les premiers jours d'un deuil, entre le moment où la narratrice apprend la mort de son compagnon et son enterrement. Ecrits dans la langue simple, sans détours, de Brigitte Giraud, que d'aucuns qualifient de sèche, impersonnelle, mais dont l'émotion est pourtant présente à chaque page. C'est tellement bien écrit qu'on voudrait que ce ne soit pas vrai, malgré l'évidence de l'autobiographie (dédicace de Nico, un roman lui aussi signé de l'auteure).
Je découvre aujourd'hui que j'étais heureuse.... Pourquoi on ne sait pas ces choses-là? Pourquoi on ne les mesure pas? Parce qu'on croit que le lendemain sera mieux, on demande plus, on trouve que le présent est minable, comparé à ce qui va arriver. On attend d'aménager dans une nouvelle maison,..., on attend d'être en vacances, on attend d'avoir un deuxième enfant, on attend de publier un livre, ... on attend d'avoir de l'argent pour travailler moins, on attend d'être libre. On a les yeux rivés sur l'avenir... On attend d'être tranquille, ..., on attend demain. A force d'attendre on piétine chaque jour qui passe, on le vit comme un état provisoire, on ne s'installe pas vraiment. On a le cul entre deux chaises, on est sur une rampe de lancement, et déjà on regarde en arrière. On ne veut pas savoir qu'on est heureux. On est superstitieux. Alors on est aveugle, on est distrait, ..., on se plaint,..., on en fait une montagne, on se gâche la vie.... Mais en fait, tout au fond, on boit du petit lait. Aujourd'hui qu'il n'y a plus rien, je sais, je peux dire comme c'était bien.
Cette journée était ta dernière : tu la vivais sans moi, et pendant ce temps, je souriais. Il te restait six heures à vivre, et moi je ne pensais pas à toi, il te restait cinq heures, je cherchais l’inspiration pour mes dédicaces, il te restait quatre heures, je longeais la Seine en direction de la gare de Lyon, il te restait trois heures, je plaisantais dans la voiture-bar avec un homme qui m’avait prise pour la femme d’un autre. Je n’ai eu aucun signe, rien absolument rien.
Ne pas faire quelque chose de convenu, de bancal, de déplacé. Etre à la hauteur de notre histoire d'amour, à la hauteur de la douleur. Ne pas dire la douleur, apprendre à écrire simple, très simple surtout. Pas joli, pas voyant, écrire sans panache, sans ambition, pas littéraire. Pas de phrase bien torchée... Ecrire sans métaphores. Je déteste les métaphores et les paroles universelles. Je déteste la sauce entre les mots.
Ce soir, Claude est mort.
Je l'aimais.
Ma vie s'arrête et commence en même temps.
Pour éviter de nommer l'événement, je dis "avant" et "à présent."
Ce soir Claude est mort et moi je suis vivante.
Il me quitte sans l'avoir voulu, par inadvertance.
Demeurer dans le mouvement. Ne pas s’arrêter, jamais, pour ne pas pourrir. On appelle cela l’instinct de survie. D’un coup, l’instinct de survie vous tombe dessus. Oui, c’est bien lui. Il s’occupe de vous, il vous empêche de mourir. Il agit dans l’ombre, vous ne lui avez rien demandé. C’est automatique. Et pourtant vous ne voyez pas une raison de vous lever le matin. Vous vous levez quand même, vous enchaînez les minutes, votre seule ambition est d’arriver au soir. Et le soir, d’arriver au matin. Vous n'êtes plus qu’une unité de temps, obnubilée par l’action.
Comment s'appelle le mari de la narratrice ?