La der des Der
« La tribu fantôme », « La dernière carte », « le bout de la piste »…Les titres se suffisent à eux-mêmes : c'est la fin.
D'un cycle, d'abord, celui de « Blueberry fugitif » (3 albums : « Nez cassé », « La Longue Marche » et « La Tribu fantôme »).
Fin également d'un autre cycle plus important car comprenant 10 albums, celui du « Trésor des Confédérés » entamé avec « Chihuahua Pearl ».
Et puis enfin et surtout, fin de la collaboration
Charlier-Giraud.
Mais pour l'occasion, c'est un enterrement de 1ère classe.
On a parfois tendance à assimiler la série à Giraud, tant il a révolutionné le genre et ouvert d'horizons.
Mais il faut quand même rendre hommage au formidable scénariste qu'était Charlier. Il est parvenu à maintenir au fil des ans, une cohérence sans faille à son récit et fait rare, à le rendre plausible. Outre la documentation importante dont il se nourrissait, il savait présenter chaque retournement de situation, chaque stratagème, en l'envisageant dans le détail, sans perdre de vue les questions d'intendance et les interactions. du grand art ! de sous-cycle en sous-cycle, il ne perd pas la vision d'ensemble de l'histoire, ce qui n'est pas une mince affaire.
Mais bien sûr, Giraud…
Sur la période 1981 (« La Tribu Fantôme ») à 1986 (« le Bout de la Piste »), il mène de front Blueberry et « L'Incal », et ça se voit. Son travail à la plume plutôt qu'à l'habituel pinceau, le fait pencher vers du pur
Moebius (le pinceau est quasiment absent chez
Moebius à part dans «
le Garage Hermétique »). le trait s'affine et comme le note justement le dossier spécial, les masses de noir se raréfient.
Une fois refermé l'ouvrage, on comprend mieux d'où viennent des dessinateurs comme Rossi ou
Boucq. (on est aussi obligé de penser à Hermann, mais le parcours du sanglier belge ne doit peut-être rien à personne !)
Les 3 histoires contenues dans ce 7ème tome de l'Intégrale se distinguent fortement par des ambiances radicalement différentes.
« La Tribu Fantôme » se déroule dans de grands espaces inondés de lumière. Les pages, souvent découpées en 3 bandes privilégient de magnifiques plans larges.
« La dernière Carte » en revanche, est essentiellement urbaine, assez statique et souvent nocturne. Une part importante est donnée aux visages dont les traits sont parfois proches de la caricature (le nez de McGuire n'a jamais été aussi difforme et purpurin !). Certaines cases à l'arrière-plan très dépouillé voire inexistant (2ème case de la 3ème planche) combiné à un trait proche de la ligne claire, auraient leur place dans « le Monde d'Edena ».
« le bout de la Piste » débute lui, sur un tiers de planche de toute beauté avec une magnifique perspective, avant de combiner à peu près tous les styles et toutes les ambiances. Les cases s'entremêlent, les personnages débordent, les phylactères naviguent…
Seules réserves : encore quelques agencements scabreux qui nécessitent une flèche pour guider le sens de lecture et puis quelques inscriptions en noir sur des fonds violet (planche 46A de la Dernière Carte ») ou marron (planche 48A du « Bout de la Piste »).
Ce 7ème volet de l'intégrale comprend comme les autres volumes, un cahier spécial d'une vingtaine de pages avec :
- La réhabilitation de Blueberry, par
Stéphane Beaujean et
Vladimir Lecointre,
- Dans l'Atelier de
Jean Giraud, par
Patrice Pellerin,
- Des couvertures inédites, des illustrations extraites de tirages de tête,
- Un aperçu de l'adaptation du scénario de Charlier par Giraud, un repenti…
Grand format, beau papier épais. C'est vraiment superlatif.