AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de svecs


A mi-chemin entre la bande dessinée et l'illustration, cette première collaboration entre Moebius et Jodorowsky reste un livre étrange. S'il frappe d'abord par le travail de Moebius, une analyse plus poussée révèle indubitablement la griffe de Jodorowsky.
Composée de pleines pages, La structure narrative est basée sur une alternance entre pages paires et impaires. Ces dernières se déroulent dans une pièce plongée dans l'obscurité. Face à une fenêtre dominant une ville, une silhouette scrute l'horizon. Elle dicte ses instructions à son agent, Méduz.
Les pages paires suivent l'action, nous font d'abord découvrir une ville qui apparaît au fur et à mesure de notre approche de plus en plus délabrée. Nous venions de quitter l'ambiance sombre et claustrophobe d'une petite pièce juchée au sommet d'une tour. Nous survolons une ville en ruines, qui n'est finalement guère plus rassurante. le ciel se devine à peine entre les tours déchirées et la lumière reste pauvre et froide.
Méduz est en chasse. Une fois sa proie neutralisée, il revient vers son maître. Se faisant, il ramène un peu de lumière dans la pièce, qui devient le théâtre d'un spectacle étrange et fascinant, non dénué d'une inquiétante exaltation. Tout ceci n'est qu'un jeu. Un jeu cruel et inhumain. Mais rien dans ce qui nous a été donné de voir ne prouve que cette histoire est humaine.
Cette alternance (similaire à celle que l'on peut trouver dans le Bandard fou ou Fantalia) amène un rythme particulier à l'ensemble, comme autant de temps de pause. de la fixité sombre des pages impaires à la fluidité lumineuse des pages paires, il en résulte une forme de respiration, ou de battement de coeur révélant un monde étrange. Mais de ce monde, de ce qui le compose, nous ne saurons rien. Nous sommes témoins impuissants d'une scène qui paraît ordinaire là-bas. Cette alternance semble nous rappeler sans cesse le malaise face à un fait que nous ne comprenons pas. Cruel et violent... absurde...
Il y a finalement peu à dire concernant l'histoire. Elle tient plutôt du petit conte pervers, comme Jodorowsky les aime, autant que de jongler avec les images et les mots (voir son Trésor de l'ombre, illustré par Boucq en 1999). L'intérêt de cet album résulte de l'alchimie particulière qui l'anime. le dialogue incessant entre dessins et texte, l'alternance entre deux points de vue, cette absence revendiquée d'explication qui rend le lecteur impuissant à saisir le sens réel de cette histoire... Maintenu dans la pénombre, il ne fait qu'assister à... quelque chose. Il ne saura jamais quoi.
Les dessins perdraient leur sens s'ils étaient séparés du texte. Mais ce texte ne présenterait aucun intérêt s'il n'était magnifié par les dessins qui l'habillent avec une foule de détails qui lui donnent une couleur si particulière. Cela semble une tautologie, mais ce qui m'a frappé, c'est à quel point ces 2 éléments se complètent à la perfection. Sans doute la réussite de cet ouvrage tient du fait qu'il est le résultat d'une vraie rencontre. Chacun stimule et est stimulé par l'autre, et le résultat dépasse de loin la simple illustration d'un scénario.
Commenter  J’apprécie          31



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}