Citations sur Pas d'inquiétude (22)
Oui, on peut se sentir très seul avec des enfants, surtout si on a peur pour eux.
C'est la règle toujours, quand on raconte une histoire, les gens vous parlent d'eux dans l'instant, ils n'écoutent que pour vous parler d'eux, ils tentent de vous égaler, de vous surpasser même, c'est une façon sans doute de prouver qu'ils peuvent partager parce qu'ils sont aussi passés par là.
Mehdi est tombé malade quand nous avons emménagé dans la nouvelle maison.
Nous voulions nous éloigner, oublier notre quotidien lancinant, notre voie peut-être tracée vers l'inéluctable. Nous voulions que nos pensées soient brouillées par le mistral entêtant, nos silhouettes déformées, nos yeux éblouis par la clarté d'autres couleurs. Nous pensions que nous serions une autre famille ailleurs et qu'une parenthèse de beauté viendrait soulager le poids que nous portions.
Il n'y avait rien à faire, la maladie ce n'était pas comme la guerre ou les licenciements, on ne pouvait pas l'éviter, en tout cas pas celle de Mehdi, il n'y avait pas de combat à mener, alors comment en faire une affaire collective, quand chacun pense que ça n'arrive qu'aux autres, espère que ça tombera chez le voisin.
Je ne voulais pas de cette vie, et pourtant c'était la mienne, unique et précieuse, ma vie d'adulte, comme je ne l'avais jamais imaginée. Je commençais à ressentir avec panique le décalage qui me mettait sur la touche, et à quel point m'épuisaient les efforts que j'arrachais pour lutter, rester dans le tempo, ne pas disparaître.
Citations :
P84 : Ma femme n’a pas bougé, simplement j’ai vu ses yeux se fermer, ce qui voulait dire peut être qu’elle se déplaçait ailleurs….
P115 : Mehdi ne sentant plus la fatigue ni la soif, gai bien qu’épuisé… (il vient d’avoir un chat)…combien ça vivait un chat ??
P134 : Qu’est ce que je savais de la souffrance de Mehdi ? Est-ce que je faisais ce qu’il fallait pour comprendre ? La solitude des enfants fait peur aux parents, c’est la pire des ennemies…
Nous étions, ma femme et moi, devenus deux blocs distincts qui, le soir venu, affrontaient la nuit comme la dernière étape de la journée, l’ultime épreuve à franchir, avant de s’en remettre à l’oubli, deux masses de chair qui ne palpitaient plus mais espéraient se perdre dans l’opacité du sommeil. Nous n’étions plus des corps mais des amas de chair triste, d’étranges végétaux aux troncs calcinés par la foudre. (p.82)
Ce fut donc un début en douceur, sans la violence des mots, une auscultation tout en retenue, et en rentrant tournait dans ma tête la dernière phrase prononcée par le médecin. Plus je remâchais ce pas d’inquiétude, plus ma gorge se serrait. Pas d’inquiétude n’était pas compatible avec sans tarder, le médecin se contredisait, et en même temps je me rassurais, non, rien de plus normal, il voulait juste qu’un spécialiste prenne le relais, son sérieux était réconfortant, il valait mieux envisager les choses à temps. (p.16)
Mehdi est tombé malade quand nous avons emménagé dans la nouvelle maison. C'est moi qui avais relevé la boîte aux lettres ce jour-là, c'était un samedi matin. J'avais entre les mains l'enveloppe blanche petit format qui contenait des résultas d'analyses que nous ne saurions pas interpréter et qui allaient changer notre vie. (p.9)