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Critique de aleatoire


"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend."

Ce Rêve familier de Verlaine pourrait être le fil conducteur de l'ultime roman de Bernard Giraudeau pourtant mis en garde :
"- Hé, gadjo, les lignes de la main ? Donne un billet et je te promets la chance.
Elle agrippe ma main, la retourne, l'observe attentivement, la présente au soleil, puis la tire dans l'ombre de son châle. Elle me regarde très sérieusement.
- Fais attention. Tu vas trop vite. Tu vois le trait sur cette ligne ? ça va s'arrêter si tu continues.
- Tu vois une femme ?
- Je vois ce que je t'ai dit."
La messagère prend le billet et repart en dansant.

C'est un récit de voyages, structuré, par delà les géographies visitées, d'éléments historiques, un roman épistolaire, une ode aux femmes, et à l'une d'entre elles plus singulière et idéalisée que, par la musique du style, commet ce baroudeur romantique :
"Femme sacrée que j'aime, femme unique, femme de nos fantasmes, de nos souffrances, femme de notre enfance, de nos lâchetés, femmes peintes, sculptées des millions de fois, femmes de nos jours et de nos nuits, femmes esclaves, entravées, meurtries."

C'est aussi une histoire d'hommes, à distiller lentement et l'histoire de l'un de ces hommes qui, outre l'écriture, filme les visages pour partager des moments et célébrer l'instant. Et il y a beaucoup d'humanité chez ce perfectionniste de l'impossible :
"Aujourd'hui, les couleurs dansent avec les bateaux de pêche et les phoques s'engraissent. Il y a des visages mélangés, échoués ici comme des barques sans nom. Les racines d'un peuple métis ne se démêlent jamais. Elles continuent de s'enchevêtrer."

Sont convoqués de pertinentes réflexions sur le statut de comédien, le rapport au théâtre, le hasard des rôles qui n'en serait pas toujours un mais plutôt "Dieu qui passe incognito" et transpose l'apprentissage du texte de Henri III au pays de Pol Pot.

Il y a d'autres départs, toujours le besoin des gestes inauguraux et, tel le commandant du Jauréguiberry dans le Crabe-tambour, atteint du même mal, promu écrivain de Marine, cette dernière partance vers Djibouti, sur la Jeanne de ses débuts de matelot.

Ecrivain, artiste total, merveilleux conteur, étonnant voyageur, Bernard Giraudeau, l'homme qu'aimaient les femmes.

Cependant qu'à ce cher Amour, pour le consoler un peu, Vialatte murmure peut-être :
"Ton marin reviendra, nous ne serons pas jaloux, il sortira de son sac vert des choses brillantes."

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