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Virginie Girod (Autre)
EAN : 9782266309981
480 pages
Pocket (17/09/2020)
4.03/5   72 notes
Résumé :
La véritable vie des douze premiers Césars au sein d’une Rome antique impitoyable.
Sous le principat d’Hadrien (117-138), l’historiographe Suétone travaille au palais comme secrétaire et bibliothécaire. Grâce aux archives impériales qu’il consulte librement, il entreprend d’écrire les biographies des premiers Césars, de Jules César à Domitien, retraçant ainsi près de cent-cinquante ans d’histoire qui ont bouleversé l’histoire de Rome. Son œuvre, la Vie des d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Selon moi, ce livre possède toutes les qualités nécessaires à un bon essai historique

1/ Aimer son lecteur potentiel
- beaucoup trop d'essais sont écrits pour montrer que le confrère n'a rien compris d'où des arguments incompréhensibles pour le vulgum pécus que je représente
- il faut quand même un certain niveau pour lire mon bouquin: si t'es pas cultivé, va lire Musso : je n'écris pas pour n'importe qui!




Virginie Girod prend son lecteur par la main: elle commence tout doucement de sorte qu'un béotien ne connaissant de la Rome antique que les aventures d'Astérix et Obélix ne soit pas largué: elle nous habitue à se référer aux arbres genéalogiques, aux commentaires situés à la fin du livre et n'hésite pas , dans son récit, à prendre son temps pour nous expliquer une notion plus complexe
Et, surtout , elle utilise la fiction romanesque pour faire le lien entre deux empereurs, ce qui permet de digérer les connaissances fraîchement apprises et de s'immerger plus facilement dans la vie du nouveau impérator

2/Hommage aux anciens
Notre docteur en histoire se base sur la première biographie de ces douze césars écrites sous le règne de Domitien ( le dernier des douze et de la dynastie des Flaviens)
Elle ne dénigre en aucun cas le travail de Suétone mais le dépoussière, émet des réserves au sujet de certaines assertions et explique l'extrême difficulté d'écrire une biographie sous le règne d'un empereur romain

3/ L'ouverture d’esprit
L'autrice ne reste pas figée dans sa science. Elle n'hésite pas à faire appel à l'archéologie ( notamment les récentes découvertes numismatiques), à la psychologie et à la psychiatrie ( par exemple l'histrionisme de Néron et l'influence castratrice de sa mère) ainsi qu'aux neurosciences

4/ un angle nouveau
cet essai n'insiste pas sur les grandes batailles, les faits d'armes spectaculaires ni sur les actes politiques fondateurs.
Virginie Girod ancre sa biographie sur l'être humain,
son enfance, son environnement familial, spatial.
Elle montre parfaitement les mœurs des romains de cette époque qui sont très éloignés des clichés orgiaques que nous pourrions avoir: austérité, sens de l'honneur au point de considérer le suicide comme un acte noble dans certaines circonstances.
En outre , elle dissocie fort bien l'homme du césar; elle montre comment cet immense pouvoir bouleverse profondément l’ontologie de la personne. L'empereur peut être transcendé ( Auguste par exemple) ou , au contraire amener un homme normal vers les pires monstruosités ( Caligula, Néron et beaucoup d'autres)

5/Les femmes
Qu'elles soient mères, épouses, amantes , elles jouent un rôle fondamental dans l'accession et la tenue du pouvoir des empereurs. Même si les femmes ne peuvent devenir impératrices , elles ont un énorme pouvoir à cette époque

Mais ce n'est que mon avis de plébéien

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« Macron accepte de bonne grâce l'adultère de sa femme tant qu'il augure d'un bénéfice secondaire » …

Par les temps qui courent, voilà une citation qu'il y a urgence de replacer dans son contexte : … « Il escompte bien rester préfet du prétoire sous le principat de Caligula. »

Nous sommes dans la Rome au temps des Julio-Claudiens, puis des Flaviens. Ceux que l'histoire retiendra sur la liste dressée par Suétone (*) dans son ouvrage biographique La vie des douze Césars. Ouvrage que Virginie Girod a décidé de revisiter au point d'intituler son ouvrage La « véritable » vie des douze Césars.

Car l'éminente historienne, bien contemporaine de nous autres lecteurs de ce temps d'un autre Macron, a appris à connaître ce secrétaire d'Hadrien, en particulier pour son goût du trivial. Un goût quelque peu imposé par le contexte dans lequel il rédige ses écrits, rangés à l'époque dans l'art mineur de la biographie nous dit-elle. Elle imagine que lesdites biographies, si elles ne sont pas sujettes à caution, sont moins soucieuses du rôle historique de ses sujets que de leurs frasques. Un de ses confrères historien du 19ème siècle, Alexis Pierron, ira jusqu'à qualifier Suétone de « colporteur d'histoires d'antichambre ».

La motivation de Virginie Girod est donc là : ajouter le qualificatif véritable au titre de l'ouvrage de Suétone et tenter de corriger cette tendance à l'errance entre vices et travers des Césars, à faire fi de leur rôle politique. Sans négliger le formidable apport pour les historiens du futur qu'est l'oeuvre de Suétone ni le contexte dans lequel il écrit, Virginie Girod justifie en avant-propos bénéficier à la fois des avancées dans la connaissance historique et des neurosciences entre autres, mais se défend de juger une époque avec les acquis des millénaires en termes de morale, d'esprit de justice, d'avancée sociale mais aussi d'empathie, dernière qualité qui eut pu figurer source de faiblesse dans une époque de violences psychologique et physique.

Comment comprendre en effet qu'on puisse se débarrasser du « princeps », premier citoyen de l'empire, intermédiaire entre les dieux et les hommes, parce que grisé par son pouvoir il avait sombré dans la folie paranoïaque, était devenu incontrôlable par des contre-pouvoirs muselés, voire inexistants. Comment comprendre aussi que le grand César, qui n'était quant à lui pas empereur puisque sous le régime d'une république laquelle n'avait de ce régime plus que le nom, s'était vu honoré du titre, car c'en était un, de dictateur à vie, s'étant vu confier tous les pouvoirs par le Sénat. Comment comprendre encore que le suicide soit institué en porte de sortie honorable et restaure sa noblesse à un empereur qui avait perdu sa crédibilité aux yeux de ses sujets. Comment comprendre enfin que l'on puisse créer une succession patrilinéaire du pouvoir en adoptant son successeur, comme on le ferait d'un enfant, y compris à titre posthume.

Les temps ont bien changé. Les moeurs, les croyances et les valeurs qui vont avec. Ces dernières ayant pratiquement disparu, les croyances se focalisant en une croyance unique, ou pas, désormais. Les Césars étaient loin d'être exempts des travers dont Suétone faisait ses choux gras pour plaire à son maître du moment, l'empereur Hadrien, nous confirme Virginie Girod. Elle réussit à nous faire comprendre avec cet ouvrage rationnel, foisonnant, qui se veut aussi objectif que l'autorisent les avancées dans la connaissance de l'époque, en quoi leur personnalité et leurs actes étaient en harmonie avec le contexte d'une Rome onirique. Il faut l'avoir étudiée comme l'a fait cette spécialiste de l'antiquité pour comprendre à quel point le pouvoir corrompt les puissants et fascine ses spectateurs, qui voudraient peut-être leur ressembler.

J'aime l'histoire. Et quand elle est bien écrite, je suis comblé. Cet ouvrage de Virginie Girod remplit les conditions pour me faire plébisciter le formidable travail d'étude qu'il a fallu pour sa gestation.
A écrire La véritable histoire des douze césars, il faut s'attendre à une lecture critique des sources, à l'usage du conditionnel quand elles font naître le doute. Virginie Girod le fait avec une intelligence qui inspire le respect, un naturel qui fait recevoir ses allégations comme une évidence. Elle nous adresse un fort bel ouvrage propre à entretenir notre intérêt pour ceux « qui incarnent les figures paroxystiques de nos passions ».

(*) Suétone (70-122 apr. J.C.) haut fonctionnaire romain, membre de l'ordre équestre, auteur de nombreux ouvrages dont la Vie des douze Césars qui rassemble les biographies de Jules César à Domitien en passant chronologiquement par Octave (Auguste), Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus.
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En fait d'Histoire, il y a longtemps que je ne m'étais pas plongée dans l'Antiquité romaine autrement que par le biais de la fiction alors que j'adore ça pourtant, la période étant aussi riche que passionnante. Il faut croire que cela me manquait un peu finalement car lorsque je suis tombée sur " La Véritable Histoire des douze Césars" de Virginie Girod dans la bibliothèque de mon meilleur ami, je me suis jetée dessus.
Les premiers empereurs romains, ça c'est un sujet qui promet: Caligula, Néron, Domitien... Ce bon vieux Jules aussi! Et puis, j'avais bien aimé, alors que j'étais encore étudiante et latiniste, lire "La Vie des douze Césars" ouvrage dans lequel Suétone, au service d'Hadrien avait entrepris de faire la biographie des douze premiers empereurs à l'aide notamment des archives impériales constituées de correspondance, de procès-verbaux de séances du Sénat, de testaments...
Bien sûr, la rareté des sources, leur possible partialité ainsi que la manie de Suétone de se concentrer non pas sur les hauts faits guerriers ou administratifs de ses sujets mais sur leurs personnalités, leurs vices surtout et les anecdotes les plus croustillantes possibles les concernant rendent son travail parfois sujet à caution. Il n'en demeure pas moins passionnant et donne sur le 1er siècle romain des renseignements assez véridiques et précieux pour être considéré comme un classique. Mieux, comme l'ancêtre de toutes les biographies.
Pour Virginie Girod, l'auteur de "La Véritable Histoire des douze Césars", le Suétone est un ouvrage de référence comme elle l'explique d'ailleurs dans sa conclusion, un livre qu'elle aime et qui l'a accompagnée dans ses recherches, au point de la rendre tout-à-fait passionnée et familière à son tour de ces fameux douze Césars, assez en tout cas pour avoir envie de mettre ses pas dans ceux de Suétone et de réactualiser, de dépoussiérer l'oeuvre de ce dernier au regard des dernières découvertes historiques et archéologiques, au regard aussi de la psychiatrie et des neurosciences.

Ainsi, elle propose, à la manière de Suétone, un ouvrage passionnant, érudit et clair où se succèdent dans l'ordre chronologiques les biographies des empereurs Julio-Claudiens et Flaviens. Si, grâce à ses recherches, elle fait mordre la poussière à quelques légendes bien installées qu'elle prend toutefois le temps d'ausculter après en avoir expliqué l'origine, elle prend le parti, elle aussi, de ne pas s'appesantir sur les faits d'armes, les batailles ou les actes proprement politique de ses sujets d'étude mais sur leur entourage, familial surtout ainsi que sur leur enfance voire leur jeunesse, là où se joue tant de choses. Parvenant à dissocier l'homme de la fonction, elle interroge avec clairvoyance la notion de pouvoir et ses conséquences sur les êtres. Caligula et Néron -pour ne prendre qu'eux- n'auraient peut-être pas sombré comme ils l'ont fait sans la puissance et la séduction qu'octroie le pouvoir...
En creux, l'ouvrage est aussi une formidable immersion dans la vie à Rome, qui offre un point de vue particulièrement éclairant sur la place de la famille, du clan et celle des femmes.

Pour couronner (de lauriers) le tout, Virginie Girod possède une plume extrêmement agréable à lire, qui pour fluide et agréable qu'elle soit, ne cède pas à la facilité où à la vulgarisation: son propos reste érudit bien que clair. Ainsi sa "Véritable Histoire des douze Césars" se dévore comme un roman.

Je ne la remercie pas... Maintenant, j'ai envie de relire "Britannicus" et "Quo Vadis" alors que j'ai déjà beaucoup trop de livres à lire; j'ai envie de revoir Rome aussi, mais ce n'est pas pour tout de suite. Il me reste la série, mais j'ai bien peur qu'elle ne tienne plus la distance...


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Virginie Girod est historienne mais elle est également une grande conteuse… Beaucoup de personnes pourraient être effrayées en voyant le sujet abordé dans cet ouvrage et pourtant… Pourtant, dès l'introduction, j'ai l'intime conviction que l'auteure ne va pas barber son lecteur et encore moins le perdre dans une multitude de détails. Au contraire, elle déroule ses biographies de façon à tenir en haleine le lecteur, à lui donner envie de savoir quand et surtout comment va finir l'empereur… Car soyons clair, si l'ascension de ses hommes est passionnante, leur mort est parfois hilarante voir complètement hallucinante !

Ce que j'ai particulièrement aimé c'est le fait que l'auteure nous tienne la main tout au long du roman, elle met en avant l'enfance particulière des Césars, elle montre qu'ils ont pratiquement tous perdu le contrôle à un moment donné à cause du poids de leur charge. Bref, elle ne perd pas le lecteur dans des suppositions, des détails superflus. Elle nous donne une belle vision d'ensemble de cette période complexe !

Et puis, comme un magicienne, elle sait que captiver le lecteur sur douze biographies d'hommes d'état est un exercice complexe. le risque d'être redondant est important, alors elle met en scène des mini-fictions pour faire le lien entre chaque César… Elle donne vie à ces hommes et surtout donne de la fraîcheur à son ouvrage.

Malgré tout, c'est un solide ouvrage scientifique, car ces biographies sont construites autour des écrits des anciens. Elle fait souvent référence à Suétone, Dion Cassus, Tite-Live, les grands historiens de l'époque romaine. Elle présente également les moeurs complexes de la société romaine, l'importance de la famille et encore plus des origines ou bien encore du Cursus honorum – la carrière des honneurs. Elle nous rappelle également la place des femmes dans cette société. le lecteur a donc entre les mains une belle fresque de la société romaine…

Dernier atout, c'est peut-être celui de rendre ces hommes « humains ». En effet, Virginie Girod place l'humain au centre de ces biographies. Elle ne s'appuie pas – uniquement – sur les faits d'armes, la carrière politique… Elle nous montre les failles, les faiblesses de ces douze Césars.

Durant quasiment quatre cent pages, j'ai eu l'impression d'être aux côtés de César lorsqu'il se fait assassiner aux Ides de Mars en 44 av JC ou bien encore en Germanie lorsque les troupes acclament leur gouverneur comme empereur !

Une très belle lecture que je ne peux que conseiller pour éveiller votre curiosité et sortir des sentiers battus !
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Virginie Girod est docteur en histoire et spécialiste de l'Antiquité romaine. Elle a publié les biographies d'Agrippine et de Théodora, qui ont rencontré un beau succès. Avec son dernier ouvrage, elle revient sur « la véritable histoire des douze Césars ».

Suétone fut un haut fonctionnaire romain, membre de l'ordre équestre qui travaillait comme secrétaire et bibliothécaire. Cette charge lui permit de consulter librement les archives impériales et de rédiger les biographies des premiers Césars, de Jules à Domitien. Nous pouvons écrire que la Vie des 12 Césars constitue l'apogée de sa carrière. le clin d'oeil et bien plus de Girod à Suétone paraît donc évident dans le choix de son titre. Elle confesse volontiers, ce qui suit, à la fin de l'ouvrage : « En hommage à Suétone, mon compagnon d'études, je réécris les Douze Césars, mes douze Césars, car cela fait plus de douze ans que je vis un peu avec eux. Tout fait sens. »

En 2019, n'est-il pas étonnant d'écrire une énième histoire des premiers empereurs romains ? Dès les premières lignes, l'auteur répond à cette question avec vivacité et pertinence : « Pourquoi revenir aux douze Césars ? Parce qu'ils ne cessent de nous fasciner. Qui n'a jamais rêvé d'avoir l'audace de César et de franchir, comme lui, le Rubicon ? Qui n'a jamais imaginé d'être doué d'un esprit aussi rusé que celui d'Auguste et de devenir un meneur d'hommes adulé ? Qui en son for intérieur, n'a jamais envié les nuits orgiaques de Caligula ou Néron ? »

Nous sommes les héritiers de cette histoire romaine. Par conséquent, il semble logique de nous intéresser à ceux qui ont marqué leur époque et les siècles… jusqu'à nous ! Girod constate que « bons ou mauvais, les Césars ont tous été animés par une volonté de puissance au sens nietzschéen, une pulsion de vie si extraordinaire qu'elle aboutit irrémédiablement à l'hybris… » de fait, l'auteur avoue que ces hommes « rendus immortels par l'histoire sont toujours présents dans les manuels de nos écoliers, jusque dans les oeuvres de fiction les plus variées. de l'opéra aux séries télévisées, en passant par les grands péplums hollywoodiens et la bande dessinée, ces mégalomanes, visionnaires ou pervers, hantent délicieusement notre imaginaire. »

Il faut bien mesurer la tension exceptionnelle qui saisit ces romains une fois devenus empereurs. le pouvoir corrompt bien souvent les puissants. Girod écrit qu'il isole. de même, elle précise un autre point très important : « Être Auguste signifie avoir une valeur supérieure aux autres, et il ne peut y avoir qu'un Auguste à la fois. L'empereur se trouve à une place intermédiaire entre les hommes et les Dieux. » Dans ces conditions, l'historienne pose la question suivante : « Comment garder les pieds sur terre dans cet espace symbolique où personne ne peut vous rejoindre ? » Elle rappelle des faits historiques pour donner de l'ampleur à sa réflexion : « Les effets de cette solitude sont particulièrement palpables chez les plus tyranniques tels Tibère ou Domitien. le premier s'est isolé à Capri et le second s'enfermait plusieurs heures par jour pour échapper à la promiscuité du palais ».

En fin de compte, la solidité sur le plan mental reste une condition essentielle pour résister à la corruption du pouvoir et la pression exercée par tout un empire. Nous l'avons déjà dit : le pouvoir isole. de plus, il permet l'expression de la démesure si l'empereur n'enracine pas ses actions dans les plus pures et meilleures intentions. Il n'est donc pas étonnant que « le pouvoir confère par ailleurs un sentiment d'impunité. Caligula et Néron n'ont renoncé à aucun de leurs désirs, même lorsqu'ils étaient socialement réprouvés : le fils du général Germanicus laissait libre cours à sa féroce volonté d'humiliation et Néron a mené une carrière au théâtre comme s'il avait été un histrion né dans les bas-fonds. »

Pour lire cet ouvrage et celui de Suétone, il demeure fondamental de comprendre que « les douze Césars s'inscrivent dans une histoire de famille particulièrement complexe. Ils ne peuvent être réduits à une succession de biographies se chevauchant plus ou moins. Ils forment ensemble la fresque humaine la plus cynique du Haut-Empire et sans doute l'une des plus captivantes de l'histoire de l'Occident. » En réalité, la véritable histoire des Césars s'analyse comme « une sorte de saga familiale ou chaque destin d'empereur est lié à celui de son entourage sur près de cinq générations ». Dans notre époque terne et bien triste, la violence politique en France se résume à des mots, parfois à des coups, alors que « le palais où ils évoluent est un lieu d'une grande violence psychologique et parfois physique ». Les meurtres, les assassinats, les empoisonnements, les vengeances étaient monnaie courante pour accéder au pouvoir ou le garder. En définitive, Girod estime « que ces douze empereurs incarnent encore, deux mille ans plus tard, les figures paroxystiques de nos passions ».

Pour être précis, l'auteur explique « que les empereurs sont bien évidemment les produits de leur époque, mais aussi de leur famille particulièrement toxique et violente. Je tenais à les replacer dans leurs constellations familiales et ne pas me limiter à leurs hauts faits sur le champ de bataille ou au sénat. » Elle poursuit en développant l'idée suivante que nous ne partageons pas forcément : « le pouvoir n'a fait qu'ouvrir leurs failles et laisser paraître au jour ce qu'ils portaient en eux de plus noir : un surmoi fragile, un complexe d'infériorité, un ego hypertrophié, des tendances sadiques. »

Elle opère une césure entre les douze empereurs sur une base que nous trouvons intéressante : « A part César, Auguste et Vespasien, parce qu'ils sont allés chercher le pouvoir et ont su le conserver et le transmettre, les Césars me sont apparus faibles, esseulés, souvent brisés avant même d'être parvenus à la pourpre, quand ils n'étaient pas animés par une vaine arrogance à l'instar de Galba, d'Othon et de Vitellius. » Cependant, en étudiant le passé il convient de ne jamais succomber à l'anachronisme : « Je voulais expliquer les comportements les plus fous, trouver l'étiologie de leur paranoïa ou de leur mégalomanie. Pour cela, il faut être bienveillant mais sans complaisance, interroger leur nature sans les juger et jeter des ponts en toute modestie avec d'autres sciences humaines. »

L'auteur conclut en écrivant que « les Douze Césars ne sont en définitive ni des héros ni des monstres, et encore moins des démons, car non, Néron n'est pas un agent de l'Antéchrist ! Ils sont humains et j'ai tenté de leur rendre, avec humilité et compassion, une part de cette humanité diluée dans leurs mythes. » Que Virginie Girod accepte la contradiction : nous considérons vraiment Auguste comme un héros. A nos yeux, il reste à ce jour l'un des plus grands chefs d'Etats européens. Lire sa véritable histoire permettra sans aucun doute aux futurs et nombreux lecteurs de ce très bon ouvrage de comprendre l'immense respect que nous inspire le fondateur du Principat…

Franck ABED
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critiques presse (2)
Actualitte
30 octobre 2019
La véritable histoire des douze Césars, à l’image des quatre précédents titres de l’historienne, est à recommander à tous ceux qui souhaitent s’instruire sur la Rome antique.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
27 septembre 2019
Dans un livre facile à lire, Virginie Girod revient sur la vie de Jules César et de ses onze successeurs, à la lumière des travaux actuels.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Les douze Césars ne sont en définitive ni des héros ni des monstres, et encore moins des démons, car non, Néron n’est pas un agent de l’Antéchrist ! Ils sont humains, et j’ai tenté de leur rendre, avec humilité et compassion, une part de cette humanité diluée dans leurs mythes.
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Bons ou mauvais, les Césars ont tous été animés par une volonté de puissance au sens nietzschéen , une pulsion de vie si extraordinaire qu'elle aboutit irrémédiablement à l'hybris (Façon de vivre dans la démesure, en proie à toutes les passions, à l'égal des dieux. Elle est considérée comme un crime envers l'ordre universel).
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Bons ou mauvais, les Césars ont tous été animés par une volonté de puissance au sens nietzschéen, une pulsion de vie si extraordinaire qu'elle aboutit irrémédiablement à l'hybris.
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"Ce qui intéresse l'homme politique, ce n'est pas l'argent, c'est le pouvoir. Il ne pense qu'à ça tout le temps, jour et nuit. Il sacrifie tout, sa famille, sa santé, sa dignité : c'est toujours pour le pouvoir."

François Mitterand
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"Le pouvoir atrophie les structures cérébrales liées à l'empathie" (formule qui pourrait s'appliquer à certains de nos politiques actuels).
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Qui étaient vraiment les premiers empereurs de Rome ? Si je vous dis César, Néron, Caligula… Vous associez sans doute leur nom à l'épithète : tyran ou dictateur. Et pourtant, ce n'est pas toujours la vérité historique.
« La véritable histoire des douze Césars », de Virginie Girod, c'est à lire en poche chez Pocket.
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