Regard d'une femme sur une période de vie d'une société en pleine découverte d'elle même.
Promenade de rétrospectives sur une existence de particularités et de généralités.
Les événements se suivent, se heurtent et se succèdent et la vie passe au travers.
Paris et ses affres absorbent l'instant sans coup férir et cette parisienne, qui, de sa fenêtre regarde son temps passer.
Dans un style simple, fluide et paisible les pages s'écoulent avec sérénité et réflexion, à découvrir.
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Mardi 31 janvier 1995
Attentat à la voiture piégée particulièrement meurtrier à Alger : quarante-deux morts. La veille plusieurs milliers de personnes avaient manifesté contre le terrorisme dans les rue de la capitale. Un tract signé par les islamistes circule, annonçant qu'ils comptent faire cinq mille victimes pendant le Ramadan. Dans la population, on tremble. Assassiner au nom de Dieu, c'est le délire suprême.
Mardi 21mars 1995
Une journaliste de la télévision algérienne, Rachida Hammadi, a été grièvement blessée et sa soeur assassinée alors qu'elles circulaient en voiture sur les hauteurs d'Alger.
Les islamistes s'en prennent maintenant systématiquement aux femmes. Neuf d'entre-elles ont été tuées par balles ou égorgées depuis neuf jours. L'Algérie n'est plus une nation. C'est une boucherie.
Mardi 14 février - Quel est le secret des Américains pour que leur cinéma soit toujours efficace ? C'est peut-être qu'ils s'adressent au public. Pour eux, il n'y a pas deux publics, l'un qui serait éduqué, et l'autre populaire. Il y en a qu'un, et il n'y a qu'une culture, celle de tous. La notion de public populaire n'existe pas aux Etats Unis comme elle existe en Europe, en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie... Là-bas, on vise tout le monde; Et on atteint tout le monde. C'est une différence culturelle qui contribue à rendre l'industrie américaine irrésistible. Et menaçante pour peu qu'il reste de la production européenne.
427 - [Points P334, p. 53-54]
Dimanche 26 mars 1995
Lu un livre difficile mais excellent sur Annah Arendt. Une sorte de biographie intellectuelle.
Arendt : la seule femme, avec Simone Weil peut-être, qui ait laissé en ce siècle son empreinte sur la scène philosophique.
C'est à elle que l'on doit la fameuse formule maintes fois citée sur la "banalité du mal". C'était à propos du procès Eichmann à Jérusalem, qu'elle suivait pour un journal américain. Elle soutenait qu'Eichmann était n'importe qui, rien d'un monstre, qu'il était bon de le pendre parce qu'il avait soutenu une politique qui consistait à refuser de partager la terre avec le peuple juif, et que personne ne pouvait avoir envie de partager la planète avec lui, mais qu'il n'était que le produit d'un décervelage généralisé... "Ce qui est banal, disait-elle, n'est ni une bagatelle ni quelque chose qui se produit fréquemment. Que quelque chose puisse pour ainsi dire sortir du ruisseau, sans courant profond, et gagner de la puissance sur presque tous les hommes, c'est précisément cela qui est effrayant dans le phénomène..."
Elle a fait scandale. Et pourtant...
Jeudi 16 mars 1995
Pauvre Frédéric Mitterrand! Devenu sous les sarcasmes, un aficionado de Jacques Chirac - c'est son droit -, il déclare aujourd'hui pour sa défense : "J'ai toujours aimé Jacques, mais mon oncle m'a forcé à voter socialiste en 1981. Il m'a dit qu'il me battrait si je ne votais pas pour lui! J'ai souffert pendant quatorze ans..." Il s'était inscrit sous un faux nom au RPR, et s'il a rallié Bernard Tapie, il y a quelques mois, alors que celui-ci voguait sur les pleines eaux de la popularité, c'était "pour rendre Jacques jaloux"! Une grande coquette, en somme, ce petit Mitterrand.
En direct avec Françoise Giroud (1972) - 1