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Critique de Floyd2408


C'est une masse critique Babelio qui m'a fait découvrir cet auteur et ce roman Dmitry Glukhovsky et son Texto, je remercie encore L'Atalante et Babelio pour cette merveilleuse pépite, ce joyau russe, la Russie ombre de beaucoup d'ouvrage, soleil écarlate d'un peuple slave narré par beaucoup d'âme torturé, un pays perdu dans des traditions profondes au coeur même de leur chair, une administration débordante d'absurdité humaine, Texto est un kaléidoscope moderne d'une Russie à la poupée russe, empirique de ses adages historiques.
Dmitry Glukhovsky est un auteur russe, originaire de Moscou, ayant fait des études en relations internationales à Jérusalem, vagabond terrestre, il parle plus de six langues, il a travaillé pour les chaînes Russia Today, Euronews et Deutsche Welle, il se consacre pleinement à l'écriture, il a notamment travaillé et continue encore de publier des articles pour le journal Novaïa Gazeta où travaillait la journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006. Dmitry Glukhovsky a marqué de son empreinte le monde littéraire avec Métro 2033, publié en 2005, un roman anti-utopiste comme 1984 de Georges Orwell et plus récemment La servante écarlate de Margaret Atwood en 1985. Ce roman enfantera une suite avec Metro 2034 et Métro 2035, une trilogie dystopie post-apocalyptique, couronnée par un jeu vidéo du même titre, explosant des records de ventes. Outre cette trilogie, Dmitry Glukhovsky a écrit d'autres romans comme Sumerki, traduit et publié en 2014, FUTU.RE en 2015 et dernièrement Texto.
Texto est un roman actuel, moderne, perçant la Russie moderne à travers la chevauchée tumultueuse d'un jeune étudiant sortant de prison après une peine de sept ans de prison pour détention de drogue. Une vie s'entrecroise, s'entremêle, se diffuse, s'étiole, s'effrite, se consume, s'évapore, se dédouble entre cet étudiant piégé par un jeune flic fougueux et surtout véreux, par le téléphone portable de ce dernier, tombé dans les mains de la victime, la vie intime du téléphone sera une voix nouvelle pour ce jeune banlieusard de Moscou, résidant à Lobnia.
Ce préambule est une petite friandise sublime, Texto est comme une architecture d'un trompe-oeil, un édifice au coeur double, comme pouvait le faire plus simplement Stefan Zweig, narrant ses histoires à travers le récit d'une tierce personne ou d'une lettre comme Lettre d'une inconnue, Texto tisse sa toile au fil de la mémoire d'un téléphone avec celle maladroite du tueur de son propriétaire, Moscou trône sa majestueuse grandeur au côté de tous ses personnages rongés par la société de corruption russe.
Moscou semble être une terre promise, une ville en mutation, au vestige passé, oeuvrant sa force vitale dans une croissance vertigineuse, les périphériques sont surchargés, au contraire de Lobnia, statique sous les yeux de notre héros, Ilya, libéré de prison, dite la Zone, au bout de sept ans, son regard innocent perce la mutation de cette ville et de sa banlieue. Dmitry Glukhovsky entraine le lecteur dans une intrigue moderne d'une Russie contemporaine où navigue, comme un écho, l'esprit critique de sa patrie, comme tant d'autres, Moscou et ses habitants piégés dans une caste absurde. Ce Moscou est la vision de celui qui le visite et de son guide, Moscou vibre de sa mutation, toujours une linéarité moscovite trébuchante.
« la terre moscovite ne voulait pas être aplanie »
Ce n'est pas comme l'a fait Alexandre Soljenitsyne avec son roman vérité L'Archipel du Goulag. 1918-1956, essai d'investigation littéraire, parlant du Goulag et monde du travail forcé, juste une parenthèse sur le monde carcérale et de sa sous-culture, une plongée timide d'Ilya brisé d'avoir été lancé en pâture par un jeune flic, aux dents longues, dans cet univers à l'animalité de survivre, celle de la loi du plus fort et de l'argent, avoir en soi le silence absurde d'une hiérarchie enclavant toute éducation sociétale, devenir le jouet des autres et attendre la libération au prix trop lourd à survivre, vivre de cette Zone non humanisme. Tiraillée entre deux clans s'opposant, la zone libère sa loi, les blatnoy, les mouchards, les matons, tous s'affrontent dans une guerre de pouvoir, même l'administration est corrompue, l'argent domine la société russe, pour avoir une libération anticipée il faut toujours donner quelque chose en échange, Ilya ne cédera pas à cette hiérarchie de la corruption, refusant de sortir six mois plus tôt, refusant de dénoncer à tort celui qui l'a pris sous son aile, le protégeant de l'animalité malsaine de la prison, refusant de se pervertir , Ilya résiste à la zone pour être celui qui l'anime au plus profond de son être.
Ilya est le miroir de la société Russe, son regard va de corruption en corruption, même devant la télé, la propagande contre la démocratie à travers des jeux animés par des bobos, les apparitions du chef de l'État avec son discours ficelé, les informations relatant la force de la Russie face aux nations jalouses, même le passeport est un tour de magie administratif vénale, payer pour obtenir une liberté perdue dans cette zone pour un sachet de drogue dissimilé par une jeune flic véreux, sept d'une vie pour de la drogue qu'il n'avait pas, sept à perdre son amoureuse, sept à survivre, sept sans sa mère, morte deux jours avant sa libération, ce héros comme la plupart des russes, narré par Dmitry Glukhovsky se perd dans la vodka, mais s'aspire dans des monologues sans fin sur sa condition. La vodka perce une Russie dans les méandres de ce breuvage festif et collectif, les vapeurs solitaires annihilent l'esprit et le corps, l'âme Russe navigue dans ses eaux troubles, mais la cocaïne fissure peu à petit cet héritage.
Dans ce roman, à la trinité des sons, la mémoire du téléphone, les pensées d'Ilya et la narration des événements, cette triple voix bouscule le lecteur à naviguer dans les ruissellements de cette rame dramatique. Dmitry Glukhovsky avec son personnage principal Ilya, entraine l'intrigue dans une schizophrène folle de notre jeune repris de justice, tirailler entre la vie de sa victime, le jeune flic l'ayant fait arrêter, et sa propre vie, ce dédoublement aspire le lecteur dans une entrainante cascade de multiple événement, scénarisé comme un film, ou les personnages annexes, des figurants sont présents de leur voix, un couple dans la rue bavardant, des jeunes dans un bar, tous sont éphémères et inertes à l'intrigue, mais participe à ce roman multiple.
Ilya se noie petit à petit dans la vie du jeune flic Petia Khazine, entre ses parents, sa petite amie Nina enceinte, ses contacts et sa hiérarchie, mais aussi sa propre vie, avec la mort de sa mère encore à la morgue, désirant partir de la Russie en obtenant un passeport, devoir gagner de l'argent grâce business de trafiquant de drogue pour s'enfuir. Cette trame s'étire avec beaucoup de puissance, un vertige des sens où le final se fait cabotin, un roman policier, critique d'une Russie gangrénée de toutes parts, une Russie sur son piédestal, de ses dirigeants trompeur et truqueurs, une Russie se métamorphosant dans un capitaliste ou le rêve se vend à prix d'or, une Russie contemporaine s'axant vers une destinée nouvelle, gardant son despotisme légendaire avec un Poutine ultra-présent.
Ilya sera-t-il faire face à cette dualité, survire à sa vie, jouer la comédie de la vie d'un autre, perde contact avec ses convictions, aller s'enfuir dans un éden lointain en oubliant ses racines et ses convictions, Dmitry Glukhovsky fera de son héros un martyr russe tel jésus ou un Juda de sa propre vie, venez-vous perdre dans Texto et vous évaporer dans une intrigue fort réaliste.
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