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sur 166 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Vingt huit ans se sont écoulés entre le départ de Sarah vers le grand nord et celui de Lisa sa soeur, qui l'avait accompagnée à Roissy en compagnie de leur mère et l'avait vue s'engouffrer dans un tube transparent comme absorbée. 
Sarah, 22 ans, déjà en allée, tournée vers ce voyage qui l'attend, retient toute l'attention de la mère «déjà dans le manque». Lisa, elle, regarde ailleurs... «pour ne pas être obligée, par compensation, de déborder de sollicitude envers la mère soudain abandonnée. Elle ne veut pas endurer seule le poids de tant d'amour.»
Ce départ est un prélude à la douleur de la disparition qui va suivre. 
Car six semaines plus tard Lisa et ses parents attendront en vain le retour de Sarah. Elle ne reviendra pas de son voyage au Groenland effectué alors qu'elle n'a pas surmonter la perte de son amie Diane avec laquelle elle fusionnait à travers la musique.
«Et ce qu'elles entendent n'est pas de la musique, voyez leurs visages, c'est la résonance de leurs propres désirs, leurs chagrins, leurs peurs. (...) elles savent, comme elle (Martha Argerich), elles sentent, aux feux d'artifice allumés dans leurs ventres, que dans la musique elles sont à leur place ; en éprouvent la joie organique.» p 68

Même si on souhaite oublier, nier le corps pour se retirer de la vie, c'est impossible. Il se rappelle à nous dans les moments d'exaltation comme dans les pires douleurs, comme celle de la disparition d'un enfant, d'une soeur dont on ne sait si elle est encore vivante ou morte.
Ce doute, cette incertitude qui défait, cette attente qui mine, s'ajoute au vide laissé par l'absente. La mère se retranche dans sa douleur, le père vit avec et Lisa veut être aimée, exister, elle veut être regardée, elle s'envole à son tour vers l'Afrique, l'Asie.

Plus tard elle se rendra au Groenland sur les traces de Sarah sa soeur dont elle s'était pourtant promis de se démarquer.
«Un an plus tôt il n'est pas question de ce voyage. de toutes les destinations possibles le Groenland est celle que Lisa écarterait d'emblée. Mais elle y vient, pourtant, lentement, et presque à son insu.» p 33
Lisa à Uummannaq tente de reconstituer ce qu'aurait pu être Sarah dans ce milieu totalement différent, en train de peut-être s'effacer et disparaître lui-aussi. 

«Lisa fixe les flétans pas tout à fait morts dans les bacs de polystyrène, les joues intactes, les joues trouées, les ouïes béantes, obscènes et superbes comme une toile de Schiele.» p 149
Cette allusion à Egon Schiele m'a ramené à la lecture plus ancienne de «Qui touche à mon corps je le tue» texte plus viscéral, plus proche de l'oeuvre bouleversante de ce peintre.
Il y a une passion, une tension, une avidité, une soif de vie, une faim qui sourdent de l'écriture précise et énergique de Valentine Goby. Elle fait appel à tous les sens. Impossible de quitter ses livres une fois qu'ils sont entamés. Importance du corps, du ventre, de la peau qui sont exaltés dans des phrases parfois violentes où le sang circule. Valentine Goby aime ce qui brûle, fait brûler.
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Quelle plume, je me répète, toutes mes excuses, mais quand même, quelle plume !
Destination le grand Nord à la recherche d'un endroit qui pourrait, peut-être avoir retenu quelque chose d'une disparue. Il n'y est pas question de villégiature, mais d'une étape nécessaire dans le long chemin de la résilience, de la renaissance.
Valentine Goby met des mots sur les tourments, la peine, la douleur que la disparition d'un être cher fait naître. Un être dont on reste sans nouvelles. Une disparition. Pas une mort...pas tout à fait une mort.
Un temps éventré.
Un 11 juillet, et tous les 11 juillet suivants qui deviennent un décompte qui retient en arrière un père et une mère, qui les maintient aux abords d'un grand vide, d'une absence, qui encastrent l'une dans l'autre leurs peurs. Il y a l'autre pourtant. Leur seconde fille, bien présente, bien vivante, mais effacée « reléguée aux marges de ton vide dévorant : on n'avait vu que toi, on n'a plus vu que lui. Regarde, ton père, ta mère, les yeux braqués sur la béance. Et Lisa sur le bord, toutes ces années, vacillante dans l'espace accordé, le bord exigu de l'abîme. Morte elle t'a décrétée un jour. Pour qu'ils cessent de t'attendre. » C'est cette autre fille qui entreprendra, trente ans après, le même voyage que sa soeur disparue. Pour tenter peut-être de combler le vide, remplir le trou béant de l'absence, faire face à une écrasante réalité et trouver la force d'écrire une autre page.
Valentine Goby nous parle également dans ce livre d' une crise environnementale. La banquise se disloque sous nos pieds, et c'est, entre autre, tout une économie et un mode de vie qui vacillent. « Des pêcheurs, tout le monde se fout. Cinquante mille : 0,0007% de l'humanité. Mais il n'y a pas de petite histoire. D'événement périphérique. L'engloutissement de la banquise par des eaux tièdes est, déjà, un engloutissement du monde. »
À lire.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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"Banquises" fait ressentir, au plus profond, la mort qui vient, la décomposition d'une famille, d'un couple et d'un territoire. Des scènes fulgurantes, la mort des chiens, par exemple, m'ont laissée complètement sonnée. La disparition de Sarah fait écho à la disparition d'un mode de vie. La fonte des glaces, le tumulte des éléments, la vision apocalyptique qui transparaît, sont parallèles à la douleur d'une famille dans l'incapacité de faire face au deuil, à la mort acceptée. Les odeurs, les sensations sont puissamment rendues par une écriture précise et violente. Epoustouflant !
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Très beau livre sur la disparition d'une soeur depuis près de 30 ans et dont l'héroïne cherche à retrouver la trace jusqu'au fin fond du Groënland.Je ne pensais pas être autant accroché par un sujet aussi austère; mais l'écriture superbe,subtile et précise de Valentine Goby nous fait vite partager pleinement le ressenti douloureux de l'absence par toute la famille, père, mère et soeur.
De très belles pages sur la subtilité de l'écriture et l'interprétation de la musique très instructives.J'ai également apprécié le rendu très fort et parfaitement documenté de la vie difficile près de la banquise...à lire.
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j'ai adoré ce livre et quelque part je l'ai détesté. Parce que plutôt que de lire cette disparition, nous devons passer à l'action. Rien ne sert de se lamenter, c'est trop tard. Les Banquises, au propre et au figuré, disparaissent. Alors qu'est-ce qu'il reste ?
Valentine Goby pose la question. N'y répond pas.
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Pour moi c'est simple : l'écriture de Valentine Goby me touche toujours autant.
Nous partons ici en quête de réponses, en quête d'identité, en quête d'amour. La mère, le père, Lisa, tous sont en quête d'eux-même. "Mère", "père" "soeur" de Sarah : oui, mais ne sont-ils que cela? et la réponse est-elle la même pour tous? Il apparait rapidement que la mère, justement, ne se définit plus que comme "la mère de Sarah". Elle n'est plus la femme de son mari, plus la mère de Lisa, plus une enseignante. le père lui m'a paru plutôt équilibré dans son genre. Il essaie de trouver une place pour chaque chose : le père, le spécialiste des oignons et l'homme. Rien n'est simple à gérer mais il essaie. C'est ce qui m'a particulièrement plu dans ce personnage. Lisa elle cherche surtout une identité propre, une reconnaissance. Soeur de Sarah oui, mais pas que. Mère de sa propre mère parfois, elle devient même anorexique pour exister, pour ce rendre visible. Finalement c'est l'écriture qui semble lui apporter cette existence indépendante qu'elle recherche tant. C'est finalement 28 ans plus tard, qu'elle se sent capable, qu'elle ressent le besoin de partir sur les traces de sa soeur. Elle va tenter, sur la banquise, de reconstituer le lien qu'elle a perdu, avant que la glace ne fonde, disparaisse à jamais. Sarah enfin. Une soeur dressée en modèle, une fille adorée, une vraie passionnée en quête d'absolu. Cet absolu atteint puis perdu. Elle disparait. Choix? Accident? Crime? En tout cas elle n'est plus pour les autres.
Un magnifique portrait d'une famille marquée par l'absence, en pleine déroute et recherche d'elle-même.
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J'ai aimé l'écriture de Valentine Goby dans Kinderzimmer ou Un paquebot dans les arbres ... Et ce talent particulier, résilient, qu'elle a de trouver du beau dans le pire!
C'est la même écriture ici, mais, cette fois, la douleur submerge ... On n'y échappe pas! L'insupportable absence, disparition volontaire ou mort ... ??? Comment survivre à cela? C'est ce que cette famille tente de faire, chacun à sa manière ...
Définitivement pas un livre de plage!
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Année 1982, aéroport de Roissy. Sarah, vingt-deux ans s'apprête à partir seule pour le Groenland. Sa soeur de quatorze ans, Lisa, et leur mère l'accompagnent avant son départ.

Six semaines plus tard la famille est réunie pour venir chercher Sarah. Ils attendent le vol en provenance de Copenhague. Tout le monde a débarqué mais Sarah n'est pas là.
Sarah ne reviendra plus jamais.

Nous voilà ainsi emportés dans le tourbillon de la vie d'une famille dévastée, ravagée par la souffrance de l'absence.

C'est un récit sans répit, noir et glacial, où l'auteure écrit de longues tirades déstabilisantes qui au début, m'ont gênée. Tout s'enchaîne, tout va vite, trop vite. Chaque mot et chaque phrase sont percutants.

Je me suis demandé au bout d'un moment... et l'émotion dans tout ça? Jusqu'au moment où les larmes ont brusquement coulé le long de mes joues tellement certaines scènes sont brutalement émouvantes à en faire mal.

Je me suis sentie triste pour Lisa qui est en vie mais devient transparente aux yeux de ses parents. Elle survit dans l'ombre de sa soeur disparue, très certainement morte, mais omniprésente dans leur vie de tous les jours et de chaque jour des mois et des années qui vont suivre.

Les parents ne s'en soucient plus au point que la jeune fille se voit obligée d'attirer leur attention délibérément d'une façon bien douloureuse.

Ses parents n'abandonneront jamais leur quête. Sarah va revenir, elle doit être quelque part mais elle n'est pas morte. Sa mère ne veut pas accepter cette éventualité et se réfugie dans le déni et dans ses certitudes.

La mère va passer des jours dans l'aéroport à guetter les passagers en provenance de Copenhague.
A partir du moment où Sarah a disparu elle abandonne son statut de femme, fait l'impasse sur sa vie intime pour ne plus devenir qu'une mère gravement atteinte par la perte. Appuyée par un mari qui souffre autant et aura tendance à culpabiliser de se sentir à nouveau heureux en de rares occasions.

Le récit est axé sur la vie de la famille et surtout sur Sarah qui monopolise toutes les pensées de sa mère de manière exagérément obsessionnelle. Nous suivrons aussi les recherches qui n'aboutissent pas, les illusions perdues.

Quand vingt-sept années plus tard Lisa va au Groenland pour suivre les traces de sa soeur c'est pour y découvrir un monde dévasté, triste, glauque et sans espoir. La banquise se fragilise et disparaît suite au réchauffement des eaux, les pêcheurs crèvent de faim et beaucoup d'entre eux se suicident. le poisson n'est plus présent. Certaines scènes finales du livre sont vraiment cruelles, inhumaines et tristes à en pleurer.

"Banquises" de Valentine Goby n'est pas un livre coup de coeur à cause du style et de l'écriture de l'auteure donc je peux aisément comprendre que certains ne l'aient pas aimé.

C'est un roman noir, pessimiste et déprimant qui montre une structure familiale aussi soudée que disloquée.
La mère n'arrivera jamais à faire son deuil, trop obnubilée par Sarah.

"Banquises" est bien loin du paradis blanc ancré dans les esprits. Celui d'une époque révolue.
Le rêve est brisé en même temps que la glace qui fond et se transforme en une bouillie souillée et noire.
Ce nouveau monde est en équilibre précaire.

On fait malheureusement face à la triste réalité de la fragilité de la vie et de la finitude.

Des vies brisées et un paradis perdu aussi pour une famille.
Roman de la perte, de l'attente sans espoir et de la douleur qui ne peut en tout cas laisser une personne sensible indifférente.



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En 1982, Sarah, 22 ans quitte la France pour Uummannaq au Groenland. Ses parents et sa petite soeur Lisa, 14 ans, l'accompagnent à l'aéroport. Elle ne se retourne pas pour dire au revoir. de retour à l'aéroport six semaines plus tard, Sarah ne sera pas là. Elle ne rentrera jamais. Vingt-sept ans plus tard, Lisa, la petite quarantaine, décide de partir sur les traces de sa soeur. A travers le récit de ce voyage, Lisa remonte le temps et raconte avec ses propres mots, la souffrance liée à la disparition de sa soeur ainée. La lente désintégration de sa famille, son père dépressif, sa mère totalement détruite et Lisa, l'enfant oublié. Car l'absente absorbe toute l'attention. On ne parle que d'elle. On l'attend. Les parents refusent de quitter l'appartement, l'apparition du répondeur sera une solution de courte durée. Car Sarah va rentrer, c'est certain. Et lorsqu'on s'absente, on laisse un mot sur la porte. On lui envoie une carte postale. On fête son anniversaire. Mais Sarah n'est plus là et Lisa est effacée de la carte.

Valentine Goby m'avait envouté avec Kinderzimmer et la magie a de nouveau opéré avec ce roman. Toujours ce style très particulier et un immense talent pour évoquer avec pudeur les sentiments les plus forts, comme lorsque Lisa décide enfin de prendre sa vie en main. Elle a d'abord fui à l'étranger ce huit-clos effrayant, donnant des nouvelles à ses parents dont chaque appel finit par un silence pesant. Lorsqu'elle publie son premier livre et devient peu à peu connu, sa mère espère qu'elle évoquera sa soeur – elle ne comprend pas que sa fille cadette ait besoin d'exister par elle-même.
J'avais déjà évoqué le cas des disparitions inexpliquées pour un autre roman, tout aussi passionnant, Un après-midi d'automne, et j'ai retrouvé ici toute la souffrance, la douleur, ressentie par les familles. Ceux qui attendent, continuent de croire à un retour possible et puis les autres qui ont besoin d'avancer, de poser un voile sur ce drame. Je ne pense pas que l'un ou l'autre soit plus égoïste. Ainsi, si le père se réjouit à nouveau de l'arrivée du printemps, de la célébrité de sa fille cadette, il cache toute sa détresse à son épouse, qui elle, vit sa douleur comme un fardeau, une couronne d'épines. Très vite, les rôles s'inversent, leur fille devient adulte et prend soin d'eux. Lisa grandit, un jour elle a le même âge que sa soeur. Et puis, les années passent, et c'est à présent le temps d'aller, là-bas, dans ce pays du froid. Elle découvre un territoire dévasté et une population qui voit son avenir peu à peu disparaitre. le réchauffement climatique fait son travail. L'hiver dure moins longtemps, la chasse et la pêche sont pratiquement interdites. Les hommes dépriment, les suicides enflent et les chiens de traineaux deviennent leur souffre-douleur. Lisa retrouve les lieux correspondant aux photos prises par Sarah et dont les pellicules ont été retrouvées dans le sac à dos de la jeune femme, seule trace de son arrivée au Groenland.

Valentine Goby met les mots sur les maux, toujours avec grand talent et pudeur. Elle nous offre de surcroit un voyage dans ce pays mythique; tout au nord, loin de la civilisation. le soleil, la glace, le froid et la solitude. Un roman puissant et profondément humain. Peu à peu Lisa retrouve un visage, celui de Sarah s'efface dans cette immensité blanche. Magnifique.
Lien : http://www.tombeeduciel.com/..
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"La mer gelée,fichée d' icebergs protéiformes bleus dans les zones d'ombre".
Ummannaq,Groënland, 2010.
C'est là, quelques vingt huit ans après la disparition de sa soeur ainée (tant admirée) Sarah qui a rejoint cette "zone de silence" puis s'est évaporée sans laisser de traces susceptibles de prouver son décés (malgré moult recherches),que Lisa va se défaire des entraves du passé, de ce poids qui "leste davantage", du déni des parents pour "la maintenir vivante", des journées d'attente incessantes à l'aéroport "au cas où" de la mère,des douleurs au ventre maternelles comme si elle enfantait à nouveau,de l'hyperactivité du père pour combler le vide dont il crève,de sa propre anorexie passée qui la rendait encore plus transparente faute "de combler le trou de l'autre" .
Lisa va "quadriller le village,caler ses rétines dans celles de Sarah".Elle écrira un livre pour essayer de peser plus lourd.
Valentine Goby, à l'oeuvre foisonnante, dont on se souvient de Qui touche à mon corps je le tue, aime les trames psychologiques où l'inconscient est roi, car comme pour Banquises et les banquises en général, seuls émergent les un cinquième des icebergs.
L'auteur alterne les chapitres concernant le présent avec ceux du passé.Les sensations,émotions,ressentis sont extrêmement bien relatés, on dirait du vécu.Témoignage de la douleur d'une famille et des implications face au deuil impossible, mais témoignage aussi sur la vie des pêcheurs du Groënland criblés de dettes, sans bateaux, qui crèvent de honte et sur la fonte des glaciers.
J'ai beaucoup aimé la façon d'écrire en "empathie" de Valentine Goby!
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