L'enfance de
Valentine Goby qui se déroule à Grasse, aura été envahie par les odeurs qu'elle réunit en un tout « l'odeur d'usine », l'odeur envahissante de son père parfumeur rentrant à la maison imprégné d'un mélange d'odeurs d'essences pures, insupportable pour cette petite fille, une barrière qui la sépare de son père, qui l'étouffe.
« Dans mes souvenirs d'enfance mon père n'a pas de visage et quasi pas de corps. Son corps et son visage sont en voyage d'affaires ou dissous dans l'odeur d'usine.
Sa mère, elle, porte un parfum qui permet à l'enfant de la reconnaître, qui la distingue :
« L'Air du Temps est mon corridor olfactif, il me conduit vers ma mère, vers le foyer, chez moi.
C'est en lisant que
Valentine Goby va pouvoir fuir l'odeur du père, du « corusine » comme elle le nomme.
« Lire c'est pour décamper » mais elle va retrouver les odeurs sur sa route avec le livre de
Patrick Süskind «
Le Parfum ».
« …dès la première page, je suis saisie à la mesure de mon arrogance : l'écriture de Süskind fabrique des odeurs ; des odeurs puissantes comme des essences pures. La langue est sa matière première. Mon père traque les plantes à parfum à travers le monde, Süskind débusque les mots dans la jungle de la langue et à la fin, tous les deux fabriquent des odeurs.
Et ce livre va la conduire, après un passage à New-York où elle sert de Peau, dans une entreprise pour tester les parfums et des séjours dans des pays asiatiques saturés d'odeurs, vers l'écriture.
Elle finira par rejoindre son père un matin de Noël 2013 dans une odeur d'iris de Florence qui leur plaît à tous les deux :
« Et peut-être l'iris nous plaît-il alors, à lui et à moi, pour les effets que le temps opère sur sa matière, et par extension sur toute matière ; pour ce qu'il révèle de sa beauté insoupçonnée. »
J'ai beaucoup aimé ce livre plein de sensualité, qui développe le parcours initiatique d'une enfant qui va se découvrir elle-même à travers les parfums ceux qu'elle rejette et enfin ceux qu'elle choisit qu'elle met sur sa peau mais aussi qu'elle crée avec ses mots.