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La possibilité d'une île …

Roman sensoriel dans lequel l'explosion des couleurs le dispute aux fragrances de haute montagne, L'île haute de Valentine Goby explore avec sensibilité le thème du territoire, à la fois lieu d'accueil, lieu de refuge et de cachette, lieu d'apprentissage, lieu de mémoire atavique offrant des racines auxquelles s'accrocher à un enfant dont les racines deviennent précisément des menaces, donc des racines à terrer et à taire. C'est un roman aussi beau que le promet la couverture dans lequel les paysages, au-delà de l'histoire narrée, m'ont enveloppée.
Valentine Goby retranscrit avec poésie la découverte d'un paysage totalement inconnu, la sidération produite, ici par la montagne et sa force tellurique, puis l'appropriation progressive du lieu au cours de trois saisons durant lesquelles la montagne se transforme, modelant par là-même les êtres.

Vadim, devenu Vincent Dorselles afin de cacher ses origines juives, arrive en hiver 1943 dans une région de haute montagne. Parisien de douze ans, il découvre la neige pour la première fois. Son asthme explique ce voyage, mais il n'est pas la seule raison : sa mère l'a également éloigné de la capitale car les juifs se font rafler. le paysage que le garçon découvre va être pour lui un choc immense…Malgré tout ce qu'il a pu apprendre à l'école sur la montagne, il découvre, émerveillé, un décor impensé, impensable, majestueux qui se dresse devant lui, cerné de pics et de glaciers qui par instant se dessinent dans l'épaisseur du brouillard. Là-haut, la nature règne en maître au rythme des saisons, ces cycles immuables au cours desquels des hommes et des femmes, des gosses, aux vies modestes mais d'une humanité décuplée par le sens et la nécessité de leurs tâches, vont partager leur monde avec ce citadin, ébahi. C'est avec son regard de garçon sensible qui associe à chaque mot des couleurs, que Valentine Goby nous offre un véritable hymne à la montagne.

« Son regard a changé. Au début, le blanc lui suffisait. C'était si nouveau cette texture aux métamorphoses constantes, tour à tour dure, molle, craquante, poudreuse, feutrée, lourde, légères, compacte, aérée, tendue, bosselée, mouvante et rampante et volatile dans l'avalanche, inerte au fond de la vallée, qui piégeait la lumière et la réfléchissait, accueillant toutes les nuances, bleue la nuit, diamantine ou mate le jour selon l'épaisseur des nuages, rose au coucher du soleil, grise dans l'ombre de l'envers et parfois translucide, quelle bizarrerie qu'un mot unique couvre un tel éventail d'images ».

Ce lieu magique et pour lequel les mots semblent si faibles pour parvenir à le décrire, c'est la possibilité d'une île… Vincent apprend qu'il y a des millions d'années, la mer recouvrait cet endroit. Et lui d'imaginer l'océan tout recouvrir, avec seule cette montagne des Aiguilles Rouges, la toute première montagne qu'il découvre à son arrivée, transformée en île, l'île haute…Les autres montagnes sous la mer contre lesquelles ondulent des algues turquoise, qu'habitent des bélemnites, devenus désormais fossiles végétalisés d'animaux marins.
Vincent, coupé de ses parents, accueilli par une famille aimante et bienveillante, entouré de nouveaux camarades extrêmement touchants, réunit sur ses dessins, la force tellurique de la montagne avec le berceau aquatique où la vie a commencé, réunit inconsciemment son père et sa mère en ce lieux totalement nouveau où il n'a, au début, aucun repère sur lequel s'appuyer…Un pays insoupçonné rien que pour lui. Avant que cette montagne devienne finalement, peut-être, un endroit pour vivre.

La possibilité d'une île, c'est un peu l'effet que procure cet endroit isolé en plein hiver, coupé de tout, les routes et les passages recouverts d'une épaisse couche de neige suite aux différentes avalanches. Isolée comme sur une île, une île en altitude, loin de la guerre, loin des allemands, loin des dangers. Un monde parallèle avec la possibilité de se réinventer, de pouvoir devenir un autre, de passer pour un enfant d'ici sans aucun compte à rendre à la vie antérieure, pour mieux oublier l'éloignement et la douleur. Se dissoudre dans l'espace face au feuilleté des reliefs à l'horizon. Éprouver à chaque nouvelle découverte la transe de la verticalité et s'intégrer peu à peu en faisant adhérer à ce paysage majestueux tous ses sens, le peintre devenant peu à peu tableau, le citadin désormais modelé par la montagne, en écho à l'altération sans fin du paysage.

« Droit devant, Vincent, c'est le mont Blanc – Ca ne l'aide pas, le mont Blanc est un caillou parmi des cailloux aux proportions tronquées par la distance. Ce qu'on ne peut pas mesurer, Dieu s'en empare, tous les dieux ou presque sont nés des montagnes. Dieu, ou l'art. C'est pourquoi au lieu d'écraser Vincent ce décor délirant in fine l'élève. Il flotte à l'intérieur de lui, pris d'un vertige pareil à la faim. Ça ne fait pas mal. Il se sent léger. Cristallin. A peine décollé du sol. Bizarrement reconnaissant. Il ne sait pas bien envers qui, envers quoi mais ça le submerge, il résiste à la vague et il cherche un appui, quelque chose à toucher, à serrer pour ne pas complètement se dissoudre ou plutôt se délester de ce trop plein d'euphorie, et c'est la main de Moinette qu'il rencontre ».

La possibilité d'une île, d'une île haute, avec sa faune et sa flore endémiques. Ses couleurs. Ses odeurs. Valentine Goby convoque tous les sens et donne à voir avec les yeux, avec la peau, les oreilles, les narines, les papilles. Des gerbes de couleur fusent en tous sens, au-delà du blanc de la neige peu à peu mangé par un éclatant nuancier de vert, se mélangeant aux effluves odorants, aux sons, aux sensations. Des violettes, des gentianes bleues, la douceur de l'herbe, le froid de la rivière, l'amertume du pissenlit, l'odeur du fumier, les odeurs qui varient en nuances subtiles selon l'altitude et l'ensoleillement, les cliquetis d'insectes et les pépiements d'oiseaux pour annoncer le petit matin, ce livre est une flamboyance des sens, une richesse de sensations.
« Parfum, ensoleillement, tiédeur, humide chatoient timidement dans son cerveau, violet, bleu électrique, viride, rose, qu'en faire sinon des seules taches de couleur ».
Cette façon de faire m'a enchantée et l'auteure use de cette sensorialité sur les trois saisons que le petit Vincent va passer dans la montagne. Chaque saison est l'occasion d'honorer la nature. C'est renversant de beauté. Là se niche la force véritable du livre, en ces mille et un tableaux.

« C'est un matin ambré, soleil doux, ciel jaune. On sent monter l'odeur de cire qui annonce les journées chaudes. Cartable au dos devant la maison, Vincent se tient immobile, scotché au paysage pelliculé de miel avec cette impression bizarre que le moindre de ses mouvements pourrait le déformer comme la toile d'un décor peint ».

Je ressors enchantée par cette lecture sensorielle et touchante dans laquelle nous voyons comment un paysage est capable de modeler un enfant, pour peu qu'il soit entouré d'adultes bienveillants.
Ce livre, c'est un regard poétique et magnifique sur un lieu, un regard de peintre, un regard immensément respectueux sur la montagne, certes sauvage et âpre, mais aussi à la fois vivante et salvatrice. « Ici, il n'a pas de paupières ».

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Un livre que je pensais rapide à lire pour occuper une soirée avant une lecture commune.
Il n'en est rien. J'ai passé plusieurs jours engloutie dans ce livre, transportée dans cette montagne, perdue dans ce blanc, revivant avec ce vert, savourant enfin le jaune, au fil des saisons qui s'enchainent et que nous découvrons avec l'enfant.

Vadim, maintenant Vincent, jeune garçon, est envoyé dans une vallée perdue des Alpes. Deux raisons à cela : Il est asthmatique et surtout il est juif. En 1943, cela rend la capitale bien dangereuse, et le premier danger n'est pas l'étouffement.

Il va y découvrir la Montagne. Avec une majuscule tant cette découverte va l'impressionner, le posséder, l'occuper tout entier : l'île haute
« La montagne se dresse à contre-jour dans le ciel vert. Ce n'est plus le dôme d'un palais, se dit le garçon, c'est une île. Une île dans la neige. Une île haute »

Vincent va y faire connaissance de tout un monde et je m'y suis engouffrée à sa suite. Il va peu à peu l'apprivoiser et y retrouver des racines :
« Vallorcine n'est pas chez lui, il ne se raconte pas d'histoire, il n'a ici aucun souvenir vieux de plus de six mois mais on l'a fait venir sans lui poser de questions, on ne l'a pas chassé, nul ne conteste sa présence, nul ne menace sa vie, il a un lit à lui, une hotte à lui et un Pépé, cela suffit pour éprouver de la gratitude et un désir d'ancrage. »

Et j'ai aimé spécialement Moinette, qui est sa guide dans ce monde inconnu, qui le partage avec lui, dont les sentiments pour Vincent m'ont touchée.

C'est une avalanche de mots, une explosion de couleurs, un tonnerre de bruits divers qui ne le réveilleront bientôt plus la nuit, la découverte aussi des premiers émois amoureux. C'est un texte à la beauté sans cesse renouvelée, qu'il faut lire en prenant son temps, en s'arrêtant parfois pour relire à voix haute, tant les sonorités sont belles.

Un roman très poétique qui m'a fait découvrir la montagne comme si je n'y étais jamais allée.
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Vadim est né asthmatique et depuis des mois l'espace s'est drastiquement resserré autour de lui. Il faut qu'il s'en aille, qu'il quitte Paris, il y respire mal, la montagne c'est comme un médicament, elle aide à guérir, l'air y est meilleur. Et puis on s'est mis aussi à arrêter les enfants juifs. Vadim n'a jamais pris le train, il a douze ans. C'est la première fois qu'il voit une montagne. Dans la vallée des Ours, face aux aiguilles rouges, il sera Vincent, les Dorselles lui ont offert les papiers d'identité de leur fils.

Valentine Goby nous conte la vie dans les Alpes au début des années 40. Ici le climat est rude, les gens sont simples. Chaque jour des tâches doivent être accomplies, y compris par les enfants. Dans ce roman d'apprentissage, il y a tout ce qui me plaît dans un livre, une belle histoire portée par une écriture sublime, des personnages attachants ; Monette la petite voisine de dix ans, qui voit tout ce que personne ne voit, Martin qui est aveugle, il a ses yeux au bout de ses doigts, il collectionne les bruits, les odeurs, les goûts, les sensations. Vincent/Vadim perçoit des couleurs dans les sons et il aimerait être un enfant d'ici, pas un monchu, un touriste.
Valentine Goby nous décrit la métamorphose de la nature au fil des saisons et c'est somptueux. Que la montagne est belle sous la plume de Valentine Goby.
J'espère que les bonnes fées des prix littéraires se pencheront sur ce roman, il le mérite tant !

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Valentine Goby m'a emportée... Je referme ce livre et je n'ai qu'une envie, celle de respirer l'air de cette vallée des Alpes, proche du Mont Blanc, proche de la frontière suisse. Un lieu reculé, isolé, mais tellement vivant. Une palette de couleurs. Un paysage, des paysages suivant les saisons, des goûts, des odeurs. Un lieu reculé mais tellement vivant.
L'excuse de cette histoire, c'est la guerre, le petit parisien qui arrive dans cette vallée pour se refaire une santé, ou pour se cacher... Quelque soit la raison, il y découvre la vie, la pleine conscience, la beauté du monde dans cette période de guerre.
Ce livre est une douceur à déguster, les mots emmènent le lecteur.
Encore une fois, Valentine Goby est une poétesse et nous sort de notre quotidien.
Le livre terminé, j'ai clairement le sentiment de trop peu, d'inachevé (mais je pense que cela est voulu par l'auteure).
Cette année inachevée pour Vincent/Vadim est une parenthèse dans sa vie, et une parenthèse pour le lecteur. Mais quelle parenthèse !!!!
Je n'en dirai pas plus sur cette lecture. A chacun de la découvrir et d'en tirer le meilleur. Pour moi, c'est un véritable coup de coeur, et un coup de maître de la part de l'auteur, au sommet de son talent d'écrivain.
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En 1942 à Paris, s'appeler Vadim Pavlevitch n'est pas le meilleur des passeports, même si on a que 12 ans. Parce que l'amour est plus fort que l'égoïsme, la mère de Vadim l'envoie " soigner son asthme " à la montagne dans la vallée des ours. Vadim doit disparaître pour que naisse Vincent. Sans préparation, Vadim va donc se retrouver propulsé au pied de l'île haute, dans une nouvelle famille et dans une nouvelle peau. C'est la montagne qui va façonner Vincent,Blanche,Louis,Moinette etc aussi bien sûr. On pourrait presque penser que que c'est simple parce que Valentine Goby parvient à nous faire vivre l'émerveillement de Vincent face à ce nouvel univers,et que ce qui fait mal est en hibernation. Vincent vient au monde en hivers! Et il va vivre quatre saisons et milles premières découvertes avec Moinette et tous ceux qui l'entourent,partager des secrets précieux comme tous ceux de l'enfance,ressentir les premiers émois de l'adolescence. La neige crée un cocon qui protège du monde extérieur et surtout des allemands. Et puis le printemps et l'été arrivent, et l'automne...Les quatre saisons de Valentine Goby n'ont rien à envier à Vivaldi. Les notes ne sont pas apprivoisée mais elles se marient avec les senteurs, les couleurs, elles créent des tableaux naturalistes,impressionnistes et font côtoyer nostalgie et soif de vivre.
La minutie et le realisme des descriptions de l'auteure auraient pu faire de ce roman un texte contemplatif mais l'histoire de Vadim et la justesse des sentiments de l'enfance en font un roman bien plus vaste et touchant. C'est une lecture qui restera en moi très longtemps.
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Le nouveau roman de Valentine GOBY, « l'île haute » est à la hauteur de mes attentes. Ce qui me plaît chez cette autrice, c'est l'art de nous surprendre. C'est toujours différent.

J'ai découvert à travers les yeux de Vadim, Heu ! non, de Vincent, la montagne comme jamais. C'est une explosion de sensations, tout d'abord le froid, la neige, l'humidité, le souffle, l'air pur, les montagnes, et avec quel ravissement ! Vincent tentera de dessiner les paysages qu'il voit ou plutôt, ce qu'il en saisit et pour cela il remontera très loin dans le passé. Martin lui décrira ce qu'il perçoit, lui en tant qu'aveugle. Vincent s'imprégnera des sensations décrites par Martin. Cela se reflétera dans ses dessins qu'il garde précieusement. Ensuite, il passera au printemps, qu'il attend avec impatience, tout en l'imaginant, mais il se fait attendre... Il participera à toutes les tâches qu'on lui confiera, car il y a bien des corvées à accomplir à cette époque, pour vivre et survivre. Il veut être un Vallorcin.

Vincent va s'attacher à la famille qui l'accueille et surtout à Blanche. Et à Moinette et à OIga… Il va connaître ses premiers émois, en même temps que le printemps resplendit.

Il est loin d'oublier qui il est, loin de là. C'est ancré en lui, tapit quelque part, mais Chut... la montagne l'aidera à passer les obstacles et à grandir.

Avant de redevenir Vadim.

« [...] Il n'y a peut-être pas de plus beaux artistes que les enfants qui ont l'imagination comme outil premier pour modeler le réel. Oui, c'est ça, je pense, l'histoire d'un émerveillement. » Valentine Goby

Magistral. Une très belle rentrée littéraire…

Bon, c'est pas tout, j'ai d'autre livres qui m'attendent…
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Vadim apprend des mots issus de la montagne qui l'emprisonne et lui offre une liberté à la fois. Peu à peu, respectant le souhait de parents de plus en plus lointains, il habite une nouvelle identité : Vincent. Et il grandit aussi au contact de son amie Moinette et de Sylvie qui l'a recueilli au sein de sa famille.
L'histoire se laisse happer par des paysages parlant d'eux-mêmes, tout en suivant le processus de survie de Vadim devenu Vincent, comme un enfant qui lâcherait sa chrysalide pour devenir adolescent.

Une belle lecture, tant par l'apprentissage de la montagne et de la vie, que par le témoignage sur le sentiment de danger vécu par les exilés de la seconde guerre mondiale.
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Un enfant arrive en pleine nuit dans une gare de montagne sous la tempête de neige. Accompagné d'une nonne, il a quitté sa famille parisienne et est pris en charge par un autre homme qui va l'amener jusqu'à un hameau d'une vallée perdue des Alpes après une marche de nuit dans la neige. Quand Vincent / Vadim ouvre les yeux le lendemain matin, rien ne ressemble à ce qu'il a connu et tout un monde reste à découvrir : subjugué par les montagnes qui l'entourent il éprouve l'ivresse des premières fois.

Ce livre est magique : magique la plume de l'auteure qui en quelques phrases nous fait sentir toute la détresse et toute l'étrangeté de cette arrivée en pleine nuit et en pleine montagne, de ces humains qui se relaient pour prendre en charge un jeune garçon qui a soudain dû quitter les siens et changer de prénom. Magique la capacité de Valentine Goby de créer tout un monde en quelques phrases, de nous faire ressentir sans grandiloquence ni effets inutiles à quel point voir pour la première fois les hautes montagnes peut être un choc, à quel point cette nature est belle, et comment toute tentative pour la représenter, par l'écrit, le dessin ou les récits est vouée à l'échec. Magique aussi la manière dont elle nous prend petit à petit dans sa trame et nous fait comprendre implicitement le contexte : la seconde guerre mondiale ne sera évoquée que bien plus loin dans le récit et pourtant dès les premières pages on peut deviner le secret de Vadim et tenter de reconstituer son histoire, ressentant ainsi toute l'étrangeté de la situation et échangeant un instant notre place de lecteur avec celle d'un jeune garçon perdu.

Ce roman n'avait a priori rien pour me plaire et pourtant je l'ai adoré, dévoré, j'en ai savouré chaque page. Je déteste généralement les romans trop contemplatifs, faits de grandes descriptions sans vraie intrigue, j'ai besoin que l'auteure raconte une "vraie" histoire avec une trame à laquelle je puisse m'attacher. Ajoutons que j'ai grandi dans les Alpes et pourtant toujours adoré la mer et l'océan (esprit de contradiction quand tu nous tiens !) et que je suis donc assez peu sensible à la beauté et à la magie de la montagne. Et bien malgré tout ce qui aurait dû me faire reposer ce livre, la magie a opéré et j'ai redécouvert ma région natale à travers les yeux d'un jeune parisien émerveillé par ce qui l'entoure ! Valentine Goby a l'art de rendre le moindre petit événement passionnant, de ferrer son lecteur et l'attacher définitivement aux personnages qu'elle décrit, à ces habitants d'un hameau perdu, où les conditions sont rudes, où l'été toujours trop court oblige à travailler nuit et jour. J'ai tourné les pages avec la même joie que Vincent à l'idée de découvrir ce qui allait maintenant arriver, j'ai éprouvé la même impatience à voir l'hiver céder sa place au printemps, à découvrir les surprises de l'été, les bêtes qu'on mène aux champs, les travaux agricoles. C'est tout un monde perdu qui revit sous nos yeux, fait de petits riens, de tâches qu'il faut mener à bout, d'humains qui tentent de survivre dans un environnement hostile. Et puis bien sûr le roman est allé crescendo avec une dernière partie bouleversante dans laquelle la guerre vue jusqu'ici comme une menace diffuse va soudainement rattraper Vincent et ceux qui l'accueillent. La fin est ouverte, laissant le lecteur espérer malgré tout ce qu'il sait de l'horreur de ces années noires, une très belle manière de conclure ce magnifique roman.

Alors si comme moi vous êtes un peu dubitatif à l'idée de lire un roman qui parle de la nature, un hommage aux montagnes que vous craignez de trouver ennuyeux, n'hésitez plus : L'île haute est beaucoup plus que ça et j'espère que vous vous y régalerez autant que moi. J'avais déjà quelques autres livres de Valentine Goby dans ma PAL mais je vais me dépêcher d'aller voir de plus près ce qu'elle a écrit en espérant dénicher d'autres pépites à la hauteur de ce roman !
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D'emblée subjuguée par la richesse de la plume de Valentine Goby, j'ai lu ce sublime, majestueux roman initiatique en mode lecture lente et contemplative, car impossible pour moi de le quitter trop vite.  Je voulais m'imprégner des mots-flocons qui virevoltaient devant mes yeux, comme la neige qui rythme les longs hivers de Vallorcine. 
Asthmatique sévère depuis la naissance, Vincent, 12 ans, rejoint Vallorcine, un village haut perché sur un replat des Alpes, isolé six mois par an, coupé du reste du monde par de longs et rudes hivers, des mètres de neige recouvrant et engloutissant presque tout. 
C'est avec des yeux émerveillés que ce courageux petit d'homme parisien s'éloigne de sa famille pour être confié au bon air de la montagne.  Il est accueilli comme un fils au sein d'une famille qui va lui apprendre la rude et malgré tout belle vie des montagnards.   
Omniprésente la montagne, au rythme des saisons ; 
Omniprésente la montagne, son infinie variété de paysages ; 
Omniprésente la montagne, ses milliers de couleurs chatoyantes ; 
Omniprésente la montagne, son âpreté, sa générosité ; 
Omniprésente la montagne, sa faune, sa flore ; 
Omniprésente la montagne liquide, la montagne rocheuse ; 
Omniprésente la montagne silencieuse ou bruissante des chants d'oiseaux, des cris d'animaux, des eaux qui cascadent, du vent qui tournoie ; 
Omniprésente la montagne, ses habitants travailleurs, généreux et solidaires ; 
Omniprésente la montagne, ses odeurs de terre, de pins, de bruyères, de bêtes ; 
Omniprésente la montagne, son doux soleil, son froid de glace, son blizzard piquant, son brouillard aveuglant. 
Les mots aux infinies nuances de Valentine Goby sont les yeux de Vincent admirant les paysages fluctuant au gré des saisons, évoluant et grandissant dans cette somptueuse nature.  Sa poésie et sa richesse m'ont envoûtée et transportée sur cette île haute. 
Si vous aimez les romans-paysages, cette lecture vous comblera. Elle est aussi peuplée d'enfants, de femmes et d'hommes attachants.
Ce livre rejoint désormais ceux que je relirai sans l'ombre d'un doute.
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Blanc, vert, jaune, ce ne sont pas les couleurs d'un drapeau, ni celles d'une équipe de football, mais les titres des trois grands chapitres du roman de Valentine Goby.

C'est dans un décor impressionnant, «  un squelette de paysage », que l'enfant de 12 ans débarque à Chamonix pour rejoindre sa famille d'accueil ( en 1943). Mais après les heures de train, il faut encore traverser un tunnel à pied ( pour dépasser l'avalanche). «  le noir les aspire », « une frange de stalactites » les dominent.

Dépaysement total , fascination devant la Montagne, Les Aiguilles rouges, un décor imposant qu'il ne cesse de contempler. Valentine Goby le décrit avec un tel brio, que le lecteur est à son tour hypnotisé par cette immensité de blanc. Blanc d'où se détachent les boules rouges du sorbier : «  fruits d'églantiers comme des bonbons givrés, drupes du sorbier des oiseleurs surmontés de hauts chignons de neige… ».

On s'étonne au début du changement de nom du garçon: Vadim doit se glisser dans la peau de Vincent Dorselles, au point qu'il répète son nom d'adoption. Mais ne dévoilons rien. Observons son adaptation chez ces inconnus qui l'accueillent, un couple de fermiers bienveillant. ( Blanche et Albert).
On suit le parcours initiatique au fil des saisons , les multiples surprises de ce jeune garçon asthmatique. Il nous émeut à associer Chamonix avec les gâteaux éponymes.
Tout est nouveau pour lui : depuis la brique pour chauffer le lit, les animaux de la ferme, jusqu'au cabanon en guise de WC.

On devine son attachement à sa famille par son rituel du soir : embrasser le médaillon qui contient les portraits de ses parents et de son frère.

Une fillette de 10 ans, Moinette, se charge de l'initier aux gestes essentiels du quotidien, aux tâches à effectuer dans la ferme. Il l'imite. Il apprend à sevrer un veau. Il se laisse apprivoiser, lui,«  le garçon-vampire », l'urbain, le « monchu ». Il s'approprie un nouveau vocabulaire : « malotte »,  «  cousse », «  vrêt », «  pèle », « veillon »… Son champ lexical se trouve enrichi, tout comme celui du lecteur !

Moinette est sous le charme de sa voix mélodieuse. Elle abuse de son innocence, lui ferait gober n'importe quoi ! Par contre il trouve délicieuse, l'endive, qu'elle lui fait goûter, tout étonné de constater que l'on puisse faire pousser «  ces petits obus blancs aux pointes jaunes jaune pâle » dans une cave ! de même il se régale de la fricassée croustillante de cuisses de grenouilles, pourtant réticent à accompagner Moinette dans cette « mission nourricière ». Louis, le papy, lui fait découvrir le gaillet, aux goûts de citron… A ses côtés, il laboure, étale le fumier.

On assiste à son éveil à la sensualité… née de son contact avec Blanche quand elle le maintient contre elle lors de son apprentissage à skier. Comme il est troublé d'avoir aussi entrevu son corps dénudé. !
Moinette a conçu un refuge à l'écart sur l'île haute juste pour elle et Vincent, mais ce dernier est plus aimanté par une autre jeune fille, Olga.
Les corps masculins ne le laissent pas indifférent, quand ceux-ci se dénudent à la belle saison, lors des travaux des champs.


A l'école, son maître est son allié, il l'initie à la pratique du ski. Quand l'instituteur présente Vincent, originaire de Paris, cela lui permet de parler de la capitale et de sonder les élèves sur leurs connaissances. Paris « est une autre planète » pour Moinette !
La première lettre de sa mère fait le lien avec la capitale, «  les phrases nouent des guirlandes molles autour des épaules du garçon », toutefois il n'est pas pressé de répondre à la lettre de sa maman malgré l'incitation pressante de Blanche .
Quand il convoque le souvenir de la figure maternelle, elle devient un prénom, Sophie, comme si une distance s'était installée entre eux.
De plus, «  Paris, c'est Vadim, quelque fois un regard en arrière peut te changer en pierre ». Il convoquera de nouveau Paris pour répondre aux questions d'Olga et endosse alors le rôle de «  Prince Vincent Dorselles des Batignolles » !


Sa rencontre avec l'aveugle Martin est une autre source d'enseignement. On sait combien les sens d'un mal voyant sont exacerbés. Vincent découvre l'écriture braille que Martin a apprise dans un institut pour aveugles. Il s'attache à son chien Whisky, joue avec lui, se couche même contre son flanc.
Avide de savoir, il lui réclame des listes de mots dont il se gargarise : pour la forêt, pour la montagne, pour la vallée, pour ce qu'il y a sous la neige.
Toutefois, il sera confronté à une expression énigmatique : « le col est ouvert », avant d'apprendre que Blanche a été emmenée en luge à l'hôpital pour y accoucher.


Dans le premier chapitre Blanc, le froid nous transperce mais l'écrivaine réussit , par sa plume poétique, à transmettre au lecteur l'émerveillement de Vincent devant la beauté de la nature. On imagine «  les pampilles de glace qui frangent les bords des fenêtres ».

Le printemps arrivant moins vite , la neige résiste, Vincent convoque les couleurs de cette saison à Paris. Il continue à enquiller « les premières fois ». Pour Vadim, c'est le vert tendre, les jonquilles au pied des platanes ou sa première taupe ...
La nature, il a appris à l'appréhender par la peau, comme un aveugle. Egalement par les narines ( odeurs des conifères, de soupe, de gâteau de pommes de terre et de poires...), les oreilles ( cliquetis d'insectes, pépiements d'oiseaux, borborygmes du torrent, le son des clarines…) et par les papilles ( amertume du pissenlit).
Vincent connaît ses premiers émois amoureux avec les baisers d'Olga, dont «  la langue avait un goût de chanterelles » ! C'est alors qu'une « faim neuve lui a foré l'abdomen ». le voilà confronté à la jalousie de Moinette . Va-t-il réussir à se rabibocher avec celle qu'il a snobée ?


Vincent se retrouve entre hommes depuis l'hospitalisation de Blanche, son inquiétude va crescendo, ponctuée par une litanie de «  Elle n'est pas rentrée quand...».
Le mystère de son absence s'épaissit. le bébé existe-t-il ? Il voudrait que la nature reverdissante , que les champs saturés de fleurs attendent le retour de Blanche.

Très vite, le jaune accapare le paysage. «  On sent monter l'odeur de cire qui annonce les journées chaudes ». Vincent découvre avec stupeur le phénomène des « gazés », ce que le maître nomme «  nymphose ». Les anciens y voient un châtiment du ciel, ce que l'instituteur réfute.
Les nouvelles de sa mère, Sophie Pavlevitch, se font rares. Il se sent orphelin, quand le maître leur fait fabriquer un objet pour la fête des mères. Et il se sent toujours un étranger.

Lorsqu'il accompagne l'abbé Payot, ils tutoient la frontière suisse. Vincent prend conscience du mot, remarquant une ligne de barbelés. La franchira-t-il ?

Grâce aux bribes distillées avec parcimonie, ( pour contexte, la disparition de familles Juives) , on reconstitue les informations sur celle de Vadim. Dans l'almanach de 1942, qu'il consulte avant de dormir , sont consignés les multiples travaux effectués. En marge du calendrier, on note une référence à la rafle du Vél d'Hiv du 18 juillet.



Valentine Goby signe un roman multi sensoriel, traversé d'une explosion de couleurs, plein d'empathie pour son héros qui doit s'adapter à sa nouvelle identité et apprivoiser les paysages de Haute Savoie. On retrouve les constantes de l'écrivaine : le corps, le handicap, la solidarité. Son écriture cinématographique incarne les mouvements des protagonistes ( travelling, plongée, contre-plongée…).
Sa plume poétique, ses comparaisons « gourmandes » tissent des paysages dignes de grands peintres comme «  Friedrich ». Paysages d'une beauté époustouflante.


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