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sur 467 notes
MURÈNE de Valentine Goby

C'est l'histoire d'un miracle et c'est admirablement bien écrit. Je crois cependant que d'introduire le narrateur dans le récit (à deux reprises) n'est pas très judicieux pas plus que le choix du nom de François Sandre pour un grand brûlé... Je recommande néanmoins la lecture de ce roman à la fois captivant et bouleversant.

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Au cours du terrible hiver 1956, François est victime d'un terrible accident qui le prive de ses deux bras. Terrible handicap, difficilement appareillable, il doit composer avec le handicap, la terrible dépendance, le rejet. Il n'est pas vivant mais pas mort non plus.
François choisit néanmoins la vie et trouve la résilience par le sport, la natation (d'où le titre dont nous découvrons l'explication). Cela ne se fait pas du jour au lendemain bien au contraire et rien n'est facile.
Valentine Goby s'est beaucoup documentée sur les appareillages et le handisport dont nous découvrons à la fin des années 1950 les prémices.
Réflexion sur la résilience, les parcours humains bouleversés, le handicap, la différence et le rejet qu'elle implique.
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Depuis longtemps, Valentine Goby a l'art d'émouvoir ses lecteurs, aussi bien adultes qu'en littérature Jeunesse, où elle poursuit depuis des années une oeuvre importante, en abordant des sujets graves dans des histoires qui retiennent, inquiète, l'attention jusqu'à la fin et hantent l'esprit du lecteur longtemps après la fermeture du livre. Et l'on se souvient encore de Kinderzimmer (2013), l'évocation terrifiante de cet univers des femmes enceintes, de leurs bébés et des exactions dont ils étaient victimes dans le camp de concentration de Ravensbrück. Dans Murène, la voici s'attaquant à nouveau à des thèmes difficiles, la mutilation d'un corps et la vie handicapée qui s'ensuit, nous entraînant au bout de quelques pages dans l'espace angoissant d'un hôpital et d'une vie à reconstruire. En 1956, François, un jeune homme de 22 ans, plein de vie, monte, suite à une panne de camion dans la neige, sur un wagon pour observer le paysage alentours et repérer un village où il pourrait trouver de l'aide. Mais il n'a pas vu la caténaire suspendue au-dessus de lui, et le voici, soudain frappé par la foudre d'un arc électrique, tombant dans le coma, défiguré et les bras emportés… C'est le début d'une terrible descente aux enfers, d'une amnésie dont il mettra du temps à sortir et, surtout, d'un corps affreusement diminué dont il va falloir apprivoiser les faiblesses. Autour de lui, certains s'éloignent, comme son amoureuse d'avant, d'autres, comme une infirmière particulièrement attentionnée, l'entourent de soins et de prévenance. Et puis, un jour, la contemplation d'une murène – l'animal moche, par excellence, celui qui fait peur, que l'on n'a pas envie de voir, une métaphore, somme toute, de l'être handicapé… et qui, néanmoins, vit et nage, d'une coulée fluide dans l'eau –, à travers la vitre d'un aquarium, crée un déclic : François apprendra à nager sans ses bras, retrouvera dans cet exercice le goût de vivre qui lui échappait, participant, comme l'un de ses pionniers, à l'émergence du handisport, avec en ligne de mire les Jeux paralympiques de Tokyo en 1964… On peut ne pas être, lecteur, un grand amateur de sport, l'on n'en reste pas moins complètement fasciné par cette histoire de résilience, magnifiée par la prose vivante de Valentine Goby. Sans évoquer la fin, signalons cependant cette belle image d'un vase japonais de céramique kintsugi, veinée de fines lignes, récompensant João le nageur vainqueur, le kintsugi, cet art, comme il est dit, des « cicatrices précieuses », une belle image aussi peut-être pour désigner l'écriture subtile et réparatrice de Valentine Goby ?

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Poignant, relevé, mature, ce roman est un témoignage clé contre l'adversité. Il incite à l'espoir, au plausible réveil dans un autre espace vital. Il bouscule et arpente les cimes ténébreuses, brouillard opaque irréversible. Ce récit est le parchemin de la vie d'un jeune homme en l'occurrence François en sève de jours heureux. Jusqu'au jour où un drame va s'abattre sur ses ailes papillon, briser son envol vers une jeunesse riche d'insouciance, anéantir la beauté frémissante de son corps de jeune battant. L'écriture est pragmatique, précise, quasi chirurgicale parfois. Rien n'est laissé de côté, tout est dit. François l'authentique n'est plus. Son corps dans cette trame devient substance. Après de longues années de souffrances, de fuites, de rejet de lui-même et des autres, il va peu à peu à pas prudents s'avancer vers le sombre, chercher sa voie. Murène emblématique chutant dans l'espace marin, défiant la peur, la honte, il va tourner le dos à l'étrange (er) son double à jamais. Lire ce récit, c'est devenir murène. Valentine Goby est douée. Elle écrit en lâcher prise et fait acte des faits avec quasi une froideur salutaire. Sans pathos, « Murène » fait pourtant hurler le lecteur de douleur. Il lui faudra du temps, le même que François pour accepter l'image de ce corps mutilé. Ce récit à double lecture incitative est une bouée de sauvetage. Ecrire sur le Handicap avec un grand H c'est une loyauté déployée en plein ciel. Plus que cela, « Murène » est un message. Un livre superbe d'altruisme où le Vivre-Ensemble est un plongeon rédempteur dans une eau résiliente. François est l'anti modèle du mythe de Sisyphe. Ce roman est un coup de fouet contre les différences. Un hymne au courage, une formidable leçon de vie. Publié par les Editions Actes Sud « Murène » de Valentine Goby est en lice pour le Prix des Lecteurs Landerneau 2019 et c'est une grande chance.
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Hiver 1956, François est électrocuté. Les médecins l'assurent il n'est pas mort. Ils ne disent pas qu'il n'y a pas d'espoir. Ce qu'ils ne savent pas c'est qu'il y a Mum, Sylvia et Nadine. Qu'il y a un chirurgien téméraire. Qu'il y a la force et l'énergie du désespoir. Qu'il y aura l'inventivité du quotidien. Qu'il y aura les rencontres. Qu'il y a toujours de l'espoir.
Valentine Goby signe un magnifique roman qui parle de courage, d'histoire, de handicap et de résilience. Tout cela sans le préchi-precha du développement personnel mais avec la réalité aigre-douce du quotidien.
Ce titre m'a moins secouée que "Kinderzimmer" ou "Un paquebot dans les arbres" mais en le finissant j'ai été fort triste de laisser François et les autres de côté tant je m'y étais attachée.
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On ne sort pas indemne de cette lecture : suivre le parcours de François est un véritable parcours du combattant. Certes je l'avais pressenti : ce personnage est fort, mais il fait ressentir au lecteur ses moments de doute, ses angoisses, l'absurdité d'une vie lorsqu'on est dépossédé de son corps.
En effet un accident effroyable, que le jeune homme a oublié, distillé en petits bouts par les témoins et participants de cet accident, un accident aux conséquences irréversibles et horribles, va transformer le corps de François, le privant des deux membres supérieurs. François va survivre, et devoir réinventer sa vie avec ce lourd handicap.
Les émotions m'ont submergée : l'espoir de le voir vivre, le doute de le voir en vie, mais tronqué d'une partie de lui et de sa vie d'avant, la pitié face à ce corps et à la réduction au rang d'objet, la déception face à ses tentatives vaines, la déception face à ce que la société de l'époque (les années 60) propose comme appareillage, encore tâtonnant. Après l'acceptation ou l'obligation de faire avec ce corps, les luttes quotidiennes, il faut au personnage encore subir les douleurs de l'âme, accepter le regard des autres. Je n'ai pu qu'admirer la force vitale de cet homme, et finalement de tous les handicapés.
« Rien de ce qui est humain ne m'est étranger » a dit Térence, et c'est exactement ce qu'on ne peut s'empêcher de penser. D'autant que l'expérience vécue par François tend à l'universel et va dessiner l'historique de ce qu'on n'appelle pas encore le handisport. L'auteure l'avoue elle-même, ce roman est un travail sur « le pari de vivre, les métamorphoses qu'il engendre ».
C'est un roman éprouvant qui interroge sur nos capacités, sur la reconstruction de soi, sur le dépassement de soi, et le sport permet au héros et aux personnes handicapées, de guerre ou civils, dans un premier temps une rééducation puis d'atteindre des performances, voire d'égaler les valides.
C'est un combat multiple auquel nous convie cette lecture : celui de ce personnage François pour sa vie, celui de tous les handicapés présents dans le roman quel que soit le handicap (amputé tibial, fémoral, paraplégique, polio…) et celui de la pratique, de la reconnaissance du sport pour les handicapés. J'ai été touchée par ce livre et je le conseille vivement à ceux qui s'intéressent à la résilience.

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" le plus cruel, ce n'est pas le vide, c'est l'absence. le manque. le chagrin gît dans l'empreinte"

Hiver 1956. François Sandre est un jeune homme de vingt-deux ans bourré d'énergie et un peu casse-cou qui travaille sur les chantiers. Un jour, dans les Ardennes, François marche dans la neige puis croise une voie ferrée qui semble désaffectée et grimpe sur un wagon oublié. La neige... une ligne à haute tension... et le voilà victime d'un dramatique accident électrique.

Pour sauver la vie de ce jeune homme très gravement brûlé, le chirurgien va devoir l'amputer de ses deux bras carbonisés mais aussi de ses épaules. Il devient un homme tronc sans moignons à l'image des mannequins Stockman que connait bien sa mère couturière. En 1956, le recours au coma artificiel n'existe pas encore, François doit affronter d'atroces souffrances exacerbées au moment des pansements, souffrances auxquelles s'ajoutent d'insupportables douleurs dans ses membres fantômes."Il décrète son corps étranger à lui-même".

Valentine Goby nous raconte le parcours de François, son bref séjour à l'hôpital où il créera un très beau lien avec une infirmière Nadine, sa détresse, ses multiples frustrations, la découverte de la multitude de gestes qui lui sont devenus impossibles, la nécessité de devoir tout réapprendre, marcher, manger, s'habiller... La tentation d'en finir... Puis c'est le retour à la maison, entouré de ses parents et de sa jeune soeur de quinze ans qui le soutiennent inlassablement chacun avec leurs armes. Il doit vivre la dépendance, "Il y a celle qui le lave... celle qui le nourrit...celui qui l'appareille... l'écrivain public qui devient sa bouche ...", affronter les regards de pitié dans la rue, tenter d'apprivoiser seul l'appareillage rudimentaire que les médecins lui proposent, des prothèses qui lui permettent au mieux de retrouver une apparence normale, de disparaître, de ne plus être l'objet de tous les regards "une armure prothèse d'apparat, une alliée esthétique qui terrasse les fantômes et le protège des regards".

La rencontre avec une murène dans un aquarium sera décisive pour François, il se lancera alors le défi fou d'apprendre à nager. Faire la murène, nager pour nager... La murène, une créature d'apparence monstrueuse mais magnifiquement gracieuse quand elle se déplace... Ensuite son adhésion à l'Amicale sportive des mutilés de France le mènera sur le chemin d'une belle renaissance.

Valentine Goby dit avoir été frappée par l'image de Zheng Tao, un nageur chinois, médaille d'or aux jeux Paralympiques de Rio en 2016. Cette image lui a donné envie de partir avec cette fiction à la découverte de l'histoire du handisport.
Avec François Sandre elle brosse le portrait d'un héros que je ne suis pas près d'oublier. Son endurance, sa combativité, sa résistance à la douleur, son ingéniosité pour adapter son environnement, pour assouplir son corps, pour gagner pas à pas un maximum d'autonomie puis sa volonté de dépassement de soi forcent l'admiration. Valentine Goby ne cache pas ses moments de doute, de découragement et de dépression. le tout à une époque où n'existent ni soutien psychologique pour lui et pour ses proches, ni accompagnement à la rééducation pour les blessés civils des membres supérieurs. Les personnages secondaires sont tous plus attachants les uns que les autres, que ce soient les membres de sa famille ou certains handicapés que François côtoie, corps mutilés et âmes blessées.
J'ai souffert avec François à l'hôpital puis tout au long de son parcours car Valentine Goby nous immerge au plus près de ses sensations physiques et morales, analyse avec une extrême finesse la psychologie de chacun. On sent qu'elle s'appuie sur une solide documentation pour traiter ce sujet grave sans jamais tomber dans le pathos ou le voyeurisme, elle a le don de parler du corps avec infiniment de justesse en évoquant avec beaucoup de pudeur les problèmes les plus intimes de son héros.
Histoire d'une résilience, d'une renaissance, de la transformation profonde d'un homme qui va développer le potentiel qui lui reste, prendre conscience de la condition du handicap et s'engager dans le combat contre l'exclusion des handicapés, ce roman dépasse l'histoire de François pour nous amener dans les coulisses des débuts du handisport jusqu'aux Jeux paralympiques de Tokyo en 1964. "Le handisport qui substitue à l'idée de déficience celle de potentiel"
J'ai aimé le mode de narration très fluide dans laquelle l'auteure s'introduit par moments en interpellant le lecteur. Mon intérêt n'a faibli à aucun moment dans ce récit très vivant et éminemment romanesque parsemé de passages sublimes, l'auteure m'a régalée avec son écriture précise, très détaillée dans laquelle émergent des fulgurances poétiques. Un roman passionnant, sensible, pudique, bouleversant que j'ai lu lentement pour mieux en apprécier toute la saveur.
Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Etonnant et très bien fait.
Valentine Goby ménage son héro et ses lecteurs.
Quand cela risque d'être trop difficile, elle nous fait sortir de la chambre, nous fait rejoindre la petite soeur et son cour de danse, le papa dans l'atelier de couture et elle fait de longues listes pour que notre esprit et notre coeur puisse prendre du repos, tout comme Nadine, l'infirmière, demande à François de suivre le violon ou le piano dans le symphonie, pour supporter les soins douloureux.
Petit à petit, à mesure que François accepte ce corps, le style s'allège et notre regard aussi.
Un beau livre, sur un sujet difficile.
Lien : https://www.babelio.com/monp..
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"Murène"
Valentine Goby
Édition Actes Sud

Difficile d'enfermer un tel roman dans un commentaire...
Commençons par le factuel : Années 50. François a un peu plus de 20 ans et la vie devant lui. Il a une famille, une fille qui l'aime et qu'il aime, des boulots qu'il fait bien et qui le laissent libre.
Et puis un jour, c'est l'accident.

L'auteur tire les ficelles de ce destin fracassé de main de maître. Au sens propre d'ailleurs, puisque à plusieurs reprises, sous les yeux du lecteur, l'écrivain commente l'acte d'écrire. Et ses choix de narration. Ce n'est évidemment pas là l'essentiel, mais c'est l'un des ingrédients qui donnent à ce roman un tour absolument différent.
Et il se trouve que ce récit est justement l'épopée de cet homme que la Vie, écrivain omnipotent et implacable des destinées humaines, a rendu différent.

La langue que manie Valentine Goby est incroyable de beauté et de maîtrise. Ses énumérations font images comme je l'ai rarement - jamais! - lu... Et donnent à voir le réel. Et les métamorphoses dont l'Homme est capable.

Une pépite.
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Voici un livre qui ne laisse pas indifférent: L'histoire de ce jeune homme de 22 ans, fauché par un accident électrique improbable, et qui va devoir réapprendre à vivre après avoir été amputé des deux bras est prenante. On s'identifie à François, on vit avec lui sa détresse, sa colère, ses espoirs déçus et sa reconstruction progressive grâce à la natation handisport, une activité balbutiante au début des années 60.

Valentine Goby a un style, et même du style, ce qui est la marque des grands auteurs! Un style fait d'alternances de longues phrases évocatrices au vocabulaire élaboré et précis, suivies de phrases courtes et rythmées, jamais sèches et qui m'a embarqué tout au long du livre. C'est grâce à cette écriture que j'ai même ressenti physiquement la douleur et l'anxiété de François lors de l'épisode de la baignade du lac, près de Méribel.

Le livre n'est cependant pas exempt de défauts. le premier est ce début à la Faulkner où n'y comprend rien sur qui est qui, on a l'impression d'un exercice de style... qui m'a rebuté au point d'avoir failli abandonner au bout de 20 pages. Pourquoi ce début? le livre aurait dû commencer à la page 35! le second sont ces 2-3 apparitions de l'auteure qui veut s'excuser auprès de ses personnages des tourments qu'elle leur fait subir et les flash forwards inutiles. Mais pourquoi Valentine, pourquoi??? Je vois cela comme une coquetterie d'intello qui n'apporte rien à l'histoire et qui m'en a au contraire sorti, alors que j'étais complètement pris.

Même avec ces défauts, Murène reste une de mes grandes lectures de l'année 2020, et dont certains aspects resteront gravés dans ma mémoire encore longtemps.
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