AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782226320032
224 pages
Albin Michel (04/05/2016)
3.5/5   14 notes
Résumé :
Je selfie donc je suis. Au bout de ma perche, au bord d’une falaise, devant la Joconde ou les chutes du Niagara, auprès de mon acteur préféré… Et sur les clichés que je poste aussitôt sur le net, c’est : moi, et moi, et moi…
Crise de narcissisme aigu ? Symptôme d’un égoïsme surdimensionné ? Jeu quelque peu névrotique avec son image ?
L’auteur, en philosophe et en psychanalyste, y voit l’indice d’une modification radicale de notre perception du temps et... >Voir plus
Que lire après Je selfie donc je suisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
A force de photographier son visage, est-ce que l'on ne perd pas un peu la tête ?


Avec le selfie, je me mets en scène, acteur sans scénario, je suis ce que je montre, plus question de m'envisager autrement. Je maîtrise mon image grâce à un codage : bouche en cul de poule, tête penchée, vue en plongée, moue rigolote. Ne m'exprimant qu'avec l'un des 1 200 emojis censés couvrir toute la palette émotionnelle, gommant ma singularité, encourageant le néo-analphabétisme, l'appauvrissement du langage, la pauvreté de la pensée.


Qui suis-je ?

Un exhibitionniste obligeant son public à jouer les voyeurs, dont le nombre de like conforte ma bonne opinion de moi-même ? Un solitaire obligé de réaliser un egoportrait pour exister, faute d'un ami réel près de lui pour lui tirer (le portrait) ? Un idéal usurpé de moi-même, un simulacre retouché ? Un Narcisse subjugué par son image, propre objet de son amour, se désirant lui-même, dans l'impossibilité d'assouvir cet amour ? Une image éphémère se substituant aux mots, aux récits, aux phrases, qui n'a ni le temps ni la place de dire ou raconter, de désirer, de rêver ? N'y a-t-il pas dans mes selfies une part d'ombre dans le poids de solitude qu'il peut dissimuler, dans ses excès pathologiques ? Faire semblant d'exister ne résout pas le vide de nos vies, ni sa perte de sens.


Je selfie donc je suis est un essai passionnant de la première à la dernière ligne, dans lequel Elsa Godart – deux fois Docteur, en psychologie et en philosophie - offre au lecteur un aperçu de ses recherches sur les mutations engendrées par l'hypermodernité. Dans cet opus, elle s'intéresse à la révolution virtuelle du selfie, à ce qu'elle révèle d'émotionnel et peut-être surtout à ce qu'elle cache. D'une rigueur scientifique, l'auteure a choisi 8 domaines, parmi lesquels « Une révolution sociale et culturelle », «Une révolution esthétique », « Une révolution érotique », « Une révolution pathologique », etc.


Même si de nombreux sujets sociétaux m'intéressent, je renonce souvent à la lecture d'essais universitaires, souvent techniques et arides, réservés à un lectorat spécialisé. N'étant justement spécialiste en rien, je remercie Elsa Godart pour son effort de vulgarisation dans sa plus noble acception, qui réussit à traduire simplement des notions complexes, accessible à un large public curieux de mieux appréhender notre monde. Son style dynamique et limpide, ses connaissances intégrées en douceur et non assénées, les traditionnelles notes de bas de page reléguées en fin de chaque chapitre pour ne pas étouffer le lecteur, rendent la lecture agréable et facile, le mythe de Narcisse raconté et expliqué dans ses détails servant bien évidemment de fil rouge à l'ensemble. J'ai également apprécié que son discours ne se contente pas – comme c'est souvent le cas – de tirer à boulets rouges sur les réseaux sociaux et autres habitudes virtuelles. L'auteure rappelle que ce n'est pas à internet qu'il faut s'en prendre, mais à nous mêmes, et à nos pratiques possiblement dévoyées dans une egosphère décomplexée. Dans sa conclusion, elle propose d'accepter la mutation des liens, plutôt que de la nier ou la rejeter, et grâce aux infinies possibilités offertes par la technologie, de recréer une humanité qui transcende l'hyper-individu pour retrouver du sens, en créant une self'éthique.


Au terme de la lecture de cet essai lucide - donc sévère - mais néanmoins porteur d'espérance, la question vertigineuse est  : « Etre sur écran ou ne pas être. » Shakespearien et riche de réflexion et de réponses. Merci à Elsa Godart.
Commenter  J’apprécie          50
Ecran, Ô mon bel écran, dis-moi qui je suis

Elsa Godart s'attaque au « stade du selfie », nouveau stade d'évolution de l'être humain (pris dans sa plus large acceptation possible de l'individu à l'ensemble de la société), qui vient après le « stade du miroir » qui permet à l'enfant de se découvrir et donc de se construire.

On passe d'une image à une autre de celle du miroir à cette de l'écran, et pourtant, rien n'est aussi simple, au contraire.

A travers sept révolutions liées au selfie (révolution technologique, humaine, moïque [donc d'identité de soi et des autres], sociale et culturelle, érotique, pathologique et esthétique), Elsa Godart dresse un état de l'individu et de la société à travers l'usage et l'abus du selfie, nouvelle idole virtuelle et pourtant tellement présente dans les relations entres les personnes.

Le constat le plus cruel établi par Elsa Godart est celui, une fois de plus, de la disparition du langage, fondement même de la construction de soi et des relations aux autres, au profit d'une image, passée du statut d'icône au statut d'idole, dont la caractéristique fondamentale n'est pas la sincérité.

Elle en arrive à la conclusion que le stade du selfie exige que l'on repense la société dans son ensemble et surtout du point de vue éthique, sans oublier de nous questionner sur notre propre relation au selfie (attrait narcissique, besoin de s'exposer, d'être reconnu, quête identitaire, cure de notre pathos, de notre rapport à la mort aussi, à l'eros et au corps à travers la recherche de la satisfaction de nos désirs de manière immédiate…). Elle note d'ailleurs que le selfie inscrit l'être, le sujet, dans un présent immédiat (disparition de la temporalité) et proche de nous à travers l'écran (disparition de l'espace). le soi a perdu en dimensions…

Autant de questions à traiter pour parvenir à faire cohabiter le nouveau sujet (nous) avec ses « moi » identitaires : moi conscient, moi inconscient et moi virtuel pour créer un soi digital qui puisse cohabiter avec l'autre et ne pas rester dans la dépendance à l'autre, ce qu'Elsa Godart nomme l'altrisme.

Lien : http://wp.me/p2X8E2-Gi
Commenter  J’apprécie          30
Un livre très actuel qui permet de remettre en perspective la mode du selfie qui envahit nos vies.

Finalement la question du selfie est presque un prétexte pour s'intéresser à l'évolution de notre société. le narcissisme est très révélateur d'un individualisme forcené forgé par le repli sur soi devant un monde qui se délite.

Une lecture qui permet de prendre du recul sur une pratique devenue banale.
Commenter  J’apprécie          20
Un essai stimulant sur ce que révèle notre rapport au selfie, sur différents plans : est-ce pathologique ? Ou au contraire porteur de nouvelles voies artistiques ? Quelles sont les conséquences sur notre représentation de soi, des autres, du monde, et sur nos relations ? Ne faut-il pas accepter cette révolution - nous n'avons plus le choix - et construire un "humanisme numérique" ?
Commenter  J’apprécie          20
Un essai sur les évolutions que le Net et nos connexions entrainent sur nos mode de vie et de penser. Tout (j'exagère, mais pas tant) est dans le titre, qui percute et semble promettre de ratisser large. Je m'attendais à de la psychologie, voire une études de moeurs. J'ai trouvé de la philo pure et dure, universitaire, psychanalytique. Quelques fulgurances, beaucoup de sauce autour et des envolées difficiles à suivre - en tout cas pour moi, lectrice lambda...
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
(…) le selfie est questionnement identitaire, expression d’un corps métamorphosé qui échappe inlassablement à la saisie objective de son auteur. Le selfie se présente comme une tentative de réponse aux troubles que constitue la représentation de soi. Cette mise en scène du corps est aussi révélatrice des manques du sujet, ou de ce que nous pourrions appeler ces "ratages". Dans sa difficulté à exister, son impossibilité à affirmer sa singularité, le sujet se disloque, s’éparpille, se perd lui-même. L’acte selfique vient alors, en quelque sorte, rassembler le sujet morcelé, éclaté, l’écran se substituant au cadre contenant capable de le maintenir dans sa position. Cela passe par le corps. Un corps chosifié, réduit à sa pure représentation, tout entier dédié à la jouissance narcissique et au self-ego.
Commenter  J’apprécie          50
(…) ce n’est plus la réalité qui inspire l’appareil photo mais l’appareil photo-téléphone-connecté qui la crée et la restitue par l’image. Ce n’est plus l’oeil de l’homme qui tente de rendre compte de sa vision du réel ; mais l’oeil de la camera, de la technique, qui organise la vue et réinvente le réel qui va avec.
Commenter  J’apprécie          80
Il y a dans le fait de publier un selfie sur les réseaux sociaux quelque chose de l’ordre de l’exhibition et du voyeurisme : l’auteur du selfie s’exhibe dans le but d’être vu, d’être perçu, amenant son public, celui à qui s’adresse ce selfie, à jouer le rôle du voyeur. Un comportement qui favorise et alimente le fantasme. Et c’est peut-être là l’une des perversions les plus caractéristiques de notre société hypermoderne : la substitution du fantasme à l’imaginaire, illustrée par cette recherche continue du rapport exhibition/voyeurisme.
Commenter  J’apprécie          30
Ô selfie magique, dis-moi que je suis la plus belle… Mes mille amis Facebook, assurez-moi ce matin que mon existence est bien réelle par vos like à répétition." À cause de ce besoin de reconnaissance, nous avons perdu une liberté : celle qui consiste à être librement nous-mêmes sans chercher à plaire par peur de décevoir ou d’être rejetés ; d’être disliked, comme nous serions disqualifiés dans ce théâtre des représentations.
Commenter  J’apprécie          40
Le destinataire [du selfie] peut être une personne particulière, mais plus souvent, il s'agit de l'autre aux multiples visages que constitue l'ensemble de nos "amis" sur les réseaux sociaux. Ainsi les acteurs des réseaux sociaux deviennent des juges au regard implacable, dont le pouvoir de "liker" ou pas renforce ou fragilise notre narcissisme. En quelque sorte, s'inscrire sur un réseau social, c'est accepter - en même temps qu'exhibitionniste de notre propre vie privée - d'être un "voyeur", un "censeur", un "juge". Un voyeurisme qui participe à notre jouissance en nous conférant un certain pouvoir - représenté par la libre appréciation " sur l'autre.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Elsa Godart (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Elsa Godart
Elsa Godart vous présente son ouvrage "Les vies vides : notre besoin de reconnaissance est impossible à rassasier" aux éditions Armand Colin.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2681052/elsa-godart-les-vies-vides-notre-besoin-de-reconnaissance-est-impossible-a-rassasier
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : psychologieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (42) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..