Qu'y-a-t-il après la mort ? Cet ouvrage ne prétend pas apporter une réponse définitive à cette question, mais explore au contraire comment la mort a été perçue au fil du temps dans différentes régions du monde. Des historiens et des anthropologues ont été réquisitionnés pour présenter les rites funéraires, les craintes et les espoirs quant à l'au-delà de leur peuple favori. On passe ainsi en revue les cinq religions principales de notre époque : judaïsme, christianisme, islam, bouddhisme et hindouisme ; la Grèce et la Rome antique ; des tribus amazoniennes et des peuples d'Océanie (seul petit regret : l'Afrique est aux abonnés absents).
Ces voyages s'avèrent dépaysant, et remettent en question pas mal de concepts qui paraissent évidents en Occident. Ainsi, dans certaines régions, si on se préoccupe de vénérer des « ancêtres » qui forment une masse indistincte, on se désintéresse totalement de son propre sort une fois passé dans l'autre monde. Certains peuples accordent une grande importance à garder la mémoire de leurs défunts, d'autres tentent d'effacer toute trace de leur passage pour que rien ne les retienne ici-bas.
Malgré toutes ces différences, on note tout de même une série de points communs : le mythe de l'homme qui perd son immortalité en fautant (généralement à cause d'une femme d'ailleurs) ; la mort opposée non pas à la vie, mais à la naissance : un certain nombre d'âmes s'unissent à la matière pour former un individu, et se séparent à nouveau à son décès.
Les rites funéraires remplissent également des rôles similaires. Tout d'abord, faire en sorte que le défunt soit dans les meilleures conditions possibles pour accéder à l'au-delà (d'autant plus si un jugement l'attend à l'entrée), et surtout, faire en sorte qu'il y reste : les histoires de revenants le prouve, la plus grande peur des vivants est de voir un mort venir réclamer des comptes à des descendants indélicats qui n'ont pas accompli les rites correctement. Ensuite, la période de deuil impose aux personnes ayant été en contact avec la mort de rester à l'écart de la société un petit moment, et de se purifier avant de pouvoir réintégrer le monde normal.
Une constatation frappante est de voir à quel point la mort est devenue invisible dans nos sociétés. Les tâches d'accompagnement des mourants, traditionnellement réalisées par les proches, sont désormais aux mains des professionnels de la santé. Les cérémonies sont réduites au strict minimum, et les périodes de deuil, qui pouvaient durer plusieurs mois, ont désormais disparues. Est-ce dû à une diminution des superstitions, qui rend ces rites désormais vides de sens ? Ou une mise au placard forcée qui prive les proches d'un soutien utile ?
J'apprécie particulièrement ce type de livres desquels vous sortez avec plus de questions dans la tête qu'en l'ouvrant ! L'essai est suffisamment court pour s'intéresser au sujet sans se lasser, et propose une solide liste de références pour approfondir certains points. Quant à moi, je garderai un oeil ouvert sur CNRS Éditions à l'avenir, les quelques livres que j'ai pu découvrir de chez eux me semble d'excellente qualité.
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Le fait que le bouddhisme ait progressivement mais profondément imprégné la culture chinoise au cours de près de deux millénaires n'a pu que laisser des traces au sein des représentations de l'élite comme dans les pratiques populaires. Il existe théoriquement une contradiction entre l'ancienne conception chinoise où le devenir des esprits des morts est avant tout gouverné par la rectitude rituelle (qui permet une survie en tant qu'ancêtre) et la conception bouddhiste où le salut de l'âme individuelle est gouverné par ses actes ici-bas, selon le principe de la rétribution. Dans la perspective propre au bouddhisme, le mort ne peut espérer une réincarnation favorable que s'il satisfait à l'examen moral de ses actions, de son karma passé.
[...]
À ne considérer que les dogmes, il existe théoriquement une incompatibilité entre une telle religion de salut et une religion largement fondée sur l'interaction continue des vivants et des morts. Pourtant, les rituels peuvent parfaitement les associer[.]
Pourquoi cet intérêt pour les "ultima verba" ? Parce que pour Suétone, mais cela est valable pratiquement pour tous les auteurs antiques, « la mort est comme le reflet de la vie, ou du moins comme sa sanction, belles morts pour les belles vies, laides morts pour les laides vies ». Les derniers mots et les derniers moments résument celui qui meurt, peuvent racheter une vie mal conduite et la sauver de l'opprobre, ou au contraire l'y enfermer. Ils forgent donc l'image que le mort laissera aux générations futures, une image qui importe au plus haut point pour le Romain.
Anthropologue de réputation mondiale, médaillé d'or du CNRS, lauréat du prix international Alexander von Humboldt en sciences sociales et du prix de l'Académie française, Maurice Godelier est l'auteur, entre autres classiques, de "La Production des Grands Hommes", des "Métamorphoses de la parenté", et de l'ouvrage "Au fondement des sociétés humaines".
Au cours de cette rencontre, Maurice Godelier nous parle de son nouvel ouvrage, "Quand l'Occident s'empare du monde". Mettant à profit une vie de recherches sur le fonctionnement des sociétés, il propose une relecture de la naissance et de l'essor du monde moderne, et un bilan sans concession sur le rôle et la place de l'Occident. Il nous dit également quelques mots des Baruyas, tribu de Papouasie-Nouvelle Guinée au sein de laquelle il a vécu pendant 7 ans en cumulé entre 1966 et 1988, et dont il a suivi des rituels d'initiation.
Pour retrouver son livre, c'est ici : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21978412-quand-l-occident-s-empare-du-monde-xve-xxie--maurice-godelier--cnrs-editions
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