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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Roman historique, récit d'apprentissage ou fiction artistique, ce livre
est aussi difficile à saisir que l'oiseau de la mythologie, le fabuleux
« kérylos », qui donna son nom à la villa du banquier Théodore Reinach.
Telle une hirondelle blanche, cette demeure construite en 1908 par
l'architecte Emmanuel Pontremoli, aujourd'hui propriété de l'Institut de
France, surplombe toujours la Méditerranée, entre Nice et Monaco. Elle
est la véritable héroïne du dernier ouvrage d'Adrien Goetz, même si
plusieurs personnages s'y croisent, tels des fantômes d'un passé révolu :
celui où le grec et le latin étaient non seulement les langues ordinaires de
l'érudition mais aussi celles de l'ascension sociale des jeunes clercs de
la Troisième République. L'un d'entre eux est le narrateur du livre, adoles
cent fantasque, qui deviendra un peintre à succès. L'auteur l'a évidemment prénommé Achille. Moins bien né que son homonyme homérique, le jeune garçon est le fils de la cuisinière de Gustave Eiffel, qui finit ses jours sur la Côte d'Azur. Achille apprend le grec sous la férule des frères Reinach, les accompagne dans leurs expéditions et leurs croisières, surveille le chantier de Kérylos et finit par être l'aède de cette villa, qu'il considère un peu comme la sienne.

Dans ce roman « vrai », tout est exact. Théodore Reinach fut bien un banquier numismate, musicologue, mathématicien et juriste, ainsi qu'un helléniste distingué, comme ses deux frères Joseph et Salomon. Mécène fastueux, il expertisa en toute bonne foi l'un des plus célèbres faux de l'histoire de l'art, la tiare en or de Saïtapharnès, à présent déposée dans les réserves du Louvre. Il fut encore un archéologue à l'envers, qui au lieu de fouiller, préféra construire une villégiature grecque fantasmée, à la pointe de la modernité technique de 1900. le mobilier, les mosaïques, les frises, les statues, les colonnes, les pavements, le décor peint et jusqu'au piano Pleyel de la maîtresse des lieux, Fanny Reinach, ont ainsi été conçus « à la grecque » grâce à de minutieuses reconstitutions qui tiennent autant du fantasme que de la restitution.

À la fin du livre, la fiction reprend ses droits. le vieil Achille revient à Kérylos comme le chantre désabusé d'un monde englouti, que l'on avait cru un nouveau siècle de Périclès et qui ne fut que celui des destructions. L'atmosphère élégiaque des derniers chapitres, dans lesquels le héros pleure ses amours passées, évoquent parfaitement le luxe et le charme ambigus du monde méditerranéen. On pourrait les lire soi-même sous le péristyle de Kérylos que tout un chacun peut visiter pour mieux en goûter les charmes et en accepter les augures. Dans la mythologie, l'oiseau kérylos est porteur de bonnes nouvelles : ce fut le cas pour l'auteur, élu peu après la parution de son roman à l'Académie des beaux-arts. Pour le lecteur, qui pénètre avec ce texte dans le monde de l'otium antique, c'est le gage d'un loisir estival à la fois délectable et studieux.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 536, juillet-août 2017
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Ce livre est une parenthèse érudite et raffinée entre deux gros »Blockbuster » si j'ose m'exprimer ainsi.
Adrien Goetz est féru d'art , hellénique en particulier, d'après la lecture de ce roman, qui en fait est plutôt un parcours initiatique ,la trame romanesque étant assez mince.
La Villa Kérylos ( traduire par » alcyons » , oiseaux qui ont la folie de bâtir leur nid sur l'eau) est l'exemple même de ces superbes maisons construites au début du XXe sur la Côte d'Azur ; Celle ci se trouve à Beaulieu, et a germé dans la tête d'un des frères Reinach , Théodore.
Ces familles extrêmement riches , instruites et raffinées,dont les Rothschild , les Ephrussi, les Camando, passaient là , dans leur maison les hivers ,avec énormément de discrétion.
C'est un peintre septuagénaire, Achille (le bien nommé) qui revient visiter incognito cette maison devenue musée . Il est le fils de la cuisinière de G.Eiffel, illustre voisin des Reinhar.
Pris en amitié par Théodore, il a passé sa jeunesse dans la villa, traité de la même manière que les enfants de la famille.Plus tard, il pensera quand même avoir été dupé par ses protecteurs. Mais dans cette famille, la civilisation grecque fait partie de la respiration, et Achille comme les autres s'attellera au grec ancien.Il est le témoin principal de la construction de la villa,et autant dire que la lecture terminée, on rêve en grec(ou du moins ce qu'il en reste) .
Cette lecture est très agréable, et bien qu'en fait la construction du roman semble un peu nébuleuse, elle nous emmène bien loin de notre dite modernitè .
Je pense quand même que des « Humanités » même lointaines ou un amour immodéré pour la Grèce Antique est nécessaire pour apprécier vraiment ce texte.
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Un livre tout à fait délectable, mais bien sûr c'est une question de goût. Le rythme lent, l'absence totale d'"action", l'élitisme, diraient certains, ou plutôt la subtilité du fil conducteur, peuvent rebuter.
J'y verrai pour ma part une délicate initiation aux choses d'une époque, dans cette époque à celle d'une famille, et dans cette famille à la démarche intellectuelle et artistique d'un personnage aujourd'hui bien oublié, peut-être parce qu'il avait alors le double handicap d'être à la fois helléniste distingué et juif.
La villa Kérylos fait revivre un monde englouti (en partie du fait de la Shoah), ressuscite par petites touches délicates un raffinement et des plaisirs que nous avons fini par oublier. Le récit est parfaitement maîtrisé, la langue un plaisir, et l'on ne peut que ressortir à la fois charmé et un brin mélancolique d'une évocation aussi originale.
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Au mont Ida, il y avait trois déesses, à la Pointe des Fourmis, il y avait trois frères : Joseph, Salomon et Théodore, ironiquement surnommés J.S.T. Je Sais Tout. Théodore Reinach est celui qui a fait construire la Villa Kérylos au début du XX° siècle sous la conduite de l'architecte Emmanuel Pontremoli. Un somptueux palais en hommage à la Grèce antique et où les hirondelles de mer peuvent aller se poser… Mais qui dit histoire grecque, dit mythologie. Et qui dit mythologie, pense Homère. C'est donc un vaillant Achille, parfois en colère, qui nous ouvre les portes de la Villa lors d'un retour sur les lieux de son enfance. La scène est montée, l'opéra littéraire peut commencer. Rideau.

Sensation étrange dès les premières pages lues, celle de vouloir fermer les yeux pour s'offrir un mirage de beauté : humer les effluves méditerranéens, entendre la voix de la mer, sentir la pierre comme si sa main se posait sur une divinité, écouter battre l'histoire, suivre le héros, Achille, qui semble dérouler un long fil, non pas jusqu'à Naxos ou sur l'île de Dia, mais dans l'antre d'une demeure où ses amours semblent s'être perdues avec Ariane.

Mais qui est Achille, qui est ce bouillant Achille ? Il est le fils de la cuisinière des voisins de la villa, dont le nom est celui d'une dame de fer. Oui, Eiffel, Gustave Eiffel qui va permettre au jeune Achille de pénétrer dans le cénacle des Reinach, en particulier celui de Théodore qui va lui faire découvrir l'art et lui apprendre le grec ancien. Bouillonnant d'intelligence, l'enfant, puis l'adolescent va devenir un proche de la famille, avoir pour Patrocle le fils de Joseph Reinach, Adolphe, qui rendra l'âme au début de la première guerre mondiale.

Les présentations étant faites, vous pouvez commencer la visite et traverser une époque où le meilleur côtoie le pire, où la beauté de l'art qui remonte aux calendes grecques fait face aux laideurs de l'affaire Dreyfus et à deux guerres mondiales. Une telle dichotomie laisse d'ailleurs perplexe, surtout que s'ajoute la mystérieuse disparition d'Ariane, et, soudain ce sont presque les vers de l'opéra Benvenuto Cellini qui s'immiscent dans la lecture

« de l'art splendeur immortelle,
Rayons à peine entrevus,
Mes yeux ne nous verront plus,
Non, mes yeux ne nous verrons plus. »

Puis, progressivement comme aurait clamé Werther, oublions tout. Et seulement se laisser transporter par la magie de l'écriture, celle où s'accouplent mots et notes, ce qui renvoie aux conférences de Théodore Reinach sur la place de la musique dans la civilisation des anciens Grecs « c'est la musique qui conduisait à la victoire ». Villa Kérylos est donc non seulement un hymne à Apollon, une quête de la couronne d'Alexandre, c'est une valse qui entraîne le lecteur dans les flots de la Méditerranée avec l'harmonie de la sémantique et tous les arts de l'instrumentation des civilisations.


Lien : https://squirelito.blogspot...
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Une nostalgie douce amère ressort de ce livre magnifiquement écrit. On est transporté dans la bourgeoisie de la Côte d'Azur à la fin du 19 ème siècle et tout au début du 20ème. Cette bourgeoisie aisée, cultivée, lettrée, savante mais qui donne sa chance à un jeune homme brillant et curieux bien que fils de la cuisinière des voisins. Les trois frères Reynardt construisent la Villa Kérylos à Beaulieu sur Mer et un jeune homme, grâce à son talent de dessinateur pourra les approcher. Mieux, il va être aimé d'eux ... Puis il y a cette superbe histoire d'amour ... Mais je n'en dis pas plus. Sinon, que c'est un des plus beaux livres de ces dernières années !
Lien : https://www.jamano-editeur.fr
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