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Georges Nivat (Préfacier, etc.)Gustave Aucouturier (Traducteur)Sylvie Luneau (Traducteur)Henri Mongault (Traducteur)
EAN : 9782070406227
320 pages
Gallimard (01/10/1998)
4.04/5   942 notes
Résumé :
« L'assesseur de collège Kovaliov se réveilla d'assez bonne humeur. Il s'étira et se fit donner un miroir dans l'intention d'examiner un petit bouton qui, la veille au soir, lui avait poussé sur le nez. À son immense stupéfaction, il s'aperçut que la place que son nez devait occuper ne présentait plus qu'une surface lisse ! Tout alarmé, Kovaliov se fit apporter de l'eau et se frotta les yeux avec un essuie-mains : le nez avait bel et bien disparu!... Il s'habilla sé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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Quel coup de poing formidable dans l'édifice parfois poussiéreux de la littérature ancienne que ce recueil! Moi qui ne suis normalement guère adepte de nouvelles, celles-ci m'ont ravi au plus haut point. Cinq nouvelles à la fois cohérentes entre elles et toutes bien singulières.On pourrait les définir dans l'ensemble comme fantastiques, ironico-caustiques et le plus souvent avec une belle pointe de drôlerie. On pourrait dire que Gogol fait de la nouvelle fantastique engagée, car il est notamment très virulent à l'égard des fonctionnaires (de l'époque, c'est-à-dire du Tsar) et des hautes classes de la société en général. Comme leur nom l'indique, elles ont toutes pour cadre la ville de Pétersbourg, actuelle Saint-Pétersbourg.
Ma préférence va probablement à celle intitulée "Le manteau". Dans cette nouvelle, Nicolas Gogol nous accoquine au quotidien d'un modeste copiste, fonctionnaire mal payé d'un ministère, qui arbore un manteau si élimé qu'il laisse presque voir le jour, ce qui n'est pas sans conséquence quand on connait le climat de cette ville (surtout à l'époque, le réchauffement n'était pas encore passé par là!). le grand événement de sa petite vie va donc être l'acquisition d'un nouveau manteau, qui représente une fortune pour sa maigre bourse.
"Le journal d'un fou" est une nouvelle où au travers du journal intime d'un fonctionnaire on assiste à son naufrage dans la folie, par touches, par degrés successifs.
"Le nez", peut-être la plus corrosive de toutes, est vraiment comparable à du Kafka (en plus drôle et plus caustique), où l'absurde tient une place prépondérante. On pourrait hasarder beaucoup d'interprétations à propos de cette nouvelle à la signification ambiguë. J'y vois pour ma part une dénonciation de la société des apparences et de la superficialité, on dirait aujourd'hui "le monde bling-bling". Néanmoins (je sais, c'est facile le coup du nez en moins!), bien malin celui qui pourrait se vanter de déceler l'ampleur que l'on peut faire porter à un tel texte où si peu de notions sont explicitement assumées et où tant sont suggérées.
"La perspective Nevsky" traite du destin de deux jeunes hommes frappés au même instant par la vue d'une femme (différente) dans cette rue qui se nomme la perspective Nevsky. L'un, peintre, romantique, l'autre, militaire, irrévérencieux.
"La calèche" est une toute petite nouvelle, qui étonnamment ne se déroule pas à Pétersbourg mais dans une bourgade peu engageante et où l'on assiste à une bouffée d'esbroufe d'un citoyen peu tenace à l'alcool, ce qui est un péché lorsqu'on est russe!
Enfin, "le portrait" est une nouvelle plus symbolique, très personnelle sur le monde artistique, où l'auteur livre manifestement un certain nombre de ses convictions sur l'art. le destin d'un jeune peintre malheureux va être bouleversé par l'acquisition d'une toile à quatre sous achetée chez un marchand de croûtes.
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Je l'avoue, les auteurs russes me font peur. Quand sont évoqués les grands noms de la littérature russe, ce sont les mots austérité et froideur qui me viennent à l'esprit. J'avais bien fait quelques rares tentatives dans mon adolescence, toutes soldées par des échecs. Il faut dire que "souvenir de la maison des morts" de Dostoïevski n'est sans doute pas le choix le plus judicieux pour se familiariser avec cette littérature. Les années passant, j'ai grandi, j'ai mûri. J'ai donc décidé de retenter l'aventure russe. Pour débuter en douceur, mon choix s'est porté sur "nouvelles de Petersbourg" de Nikolai Gogol. D'une part parce que le format cour des nouvelles permet une mise en bouche plus facile et d'autre part parce que Gogol me parait plus accessible que les géants Dostoïevski ou Tolstoï. Cette nouvelle tentative a été un succès. J'ai beaucoup aimé cette lecture.

Si "la calèche" m'est apparue comme très anecdotique et si "Rome" ne m'a pas emballée, j'ai en revanche adoré les autres nouvelles qui composent le recueil. "La perspective Nevski", "le nez", "le portrait", "le manteau" et "les carnets d'un fou" sont de formidables récits bénéficiant du grand talent de Gogol.

On pourrait louer sans fin la justesse de la caractérisation des personnages, la profondeur psychologique de ces hommes et femmes qui en quelques pages prennent vie. On pourrait louer sans fin la finesse de la peinture sociale de ces récits et la qualité des descriptions de la ville. Elles sont d'une telle précision que c'est comme si le lecteur arpentait lui-même ces rues, ces quartiers.

Gogol est surtout et avant tout un formidable conteur. Il parvient à happer le lecteur à partir d'un rien. Et il est à l'aise dans tous les registres. le drame, bien sûr. Comment ne pas être ému par le destin de Piskariov ou de Akakiévitch.
Mais aussi la comédie. Et oui, Gogol est drôle, très drôle même. Même les récits les plus tragiques sont illuminés de petites touches humoristiques savamment distillées ça et là. Que dire de la nouvelle "le nez" ?! C'est tout simplement un bijou d'humour absurde et nonsensique qui aurait presque pu être adapté par les Monty Python. de même la nouvelle "les carnets d'un fou" est très drôle, démarrant de façon assez classique puis évoluant en un crescendo complètement fou.
Gogol tâte aussi du fantastique, par petites touches subtiles et très efficaces dans plusieurs récits. La nouvelle "le portrait" offre même un passage absolument formidable dans lequel un personnage sort d'un tableau. Cette séquence terrifiante est tellement bien racontée que j'en ai eu des frissons. Gogol, maître du suspense et de l'épouvante...

Bref, ces "nouvelles de Petersbourg" m'ont fait ressentir toutes sortes d'émotions, de sensations et surtout m'ont permis de découvrir un auteur dont je ne manquerai pas de lire d'autres oeuvres. Et puis maintenant, j'ai moins peur des russes. Alors, qui sait, peut-être bientôt oserai-je Dostoïevski ou Tolstoï.

Challenge Multi-défis 2017 - 10 (item 27 : un livre d'un auteur russe)
Challenge XIXème siècle 2017 - 2
Challenge ABC 2016-2017 - 15/26
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Nicolaï Gogol tranche avec les autres écrivains russes. Son humour et sa verve, on ne les retrouve guère que dans quelques courtes nouvelles de Tchekov, qu'il inspira visiblement. Les textes rassemblés dans ce recueil montrent également l'étendu de son imagination, et des domaines qu'il abordait.

« le journal d'un fou » est la plus humoristique. Comme son nom l'indique, elle est écrite à la première personne par l'intéressé, dont les réflexions nous montrent le glissement de son esprit dans l'absurde. Comme beaucoup de personnages de Gogol, c'est un petit fonctionnaire, une catégorie sociale dont les écrivains russes adoraient se moquer. Leur solennité, leur respect de la hiérarchie et leur caractère tatillon faisaient leur miel.

Et pourtant, une certaine affection à leur égard transparaît dans « le manteau ». Car malgré l'emballage d'humour, c'est bien leur condition sociale à la limite de la misère qu'y illustre Gogol.

A l'inverse, « le Portrait » introduit des touches de fantastique à la Edgar Poe. La malédiction qui s'abattrait sur l'artiste qui oserait sacrifier son art à l'argent est également étonnante, au vu de la précarité dans laquelle il vivait, comme la majorité des artistes du XIXème.

« le nez », l'une des plus célèbres, réunit un peu les caractéristiques précédentes pour un texte fantastique où l'humour confine à l'absurde. Un matin en se réveillant, un haut fonctionnaire constate que son nez a disparu. Ayant acquis sa personnalité propre, ce dernier n'a pas du tout envie de réintégrer le visage de son propriétaire !

Se mêlent de fines observations sur la société russe. Elles culminent dans « la perspective Nevski », véritable inventaire des différentes classes sociales de Saint-Pétersbourg.

Gogol n'est pas un naturaliste. Il décrit avec un soin comparable les catégories d'individus et leurs défauts, mais il le fait avec humour. Au fond c'est de la sympathie qu'il éprouve, aussi bien pour les peintres naïfs que les officiers libertins. Il trouve touchant, ces personnages qui se croient très malins et très importants, leurs petites ruses et leurs espoirs, leurs grosses ficelles et leurs ambitions. Là où Maupassant choisirait d'en faire des êtres détestables, il prend le parti d'en rire.
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N'ayez pas peur des russes !

Autant le dire de suite, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en ouvrant cet ouvrage de Gogol. Etant un parfait profane en littérature russe (voire même un béotien littéraire ?), j'ai récemment réentendu parler de cet écrivain lors d'échanges sur Sens Critique. de plus, le fait qu'il soit souvent cité parmi les inspirations de Dostoïevski et ayant quelques points communs avec Franz Kafka qu'il a précédé, je ne pouvais qu'être attiré par ce bon vieux bougre de slave. Et pour commencer son oeuvre, avoir une première approche du style de l'auteur, j'ai freiné mon envie débordante d'avaler goulûment Les âmes mortes et jeté mon dévolu sur un recueil de quelques unes de ses nouvelles.

Comme l'indique assez clairement le titre du recueil, chacune des nouvelles prend place dans la ville de St Pétersbourg, sorte de Babylone moderne, lieu mystérieux, dangereux où sont condensés les vices, les malheurs et les drames humains et où l'imaginaire prend souvent le pas sur la réalité.

On pourra louer le recueil de nous proposer, contrairement à beaucoup de regroupement de nouvelles, des histoires d'une qualité homogène, et étant clairement dans le haut du panier de ce que j'ai pu lire, chacune pouvant être un bonne place d'un top sens critique sur les nouvelles. Bon, en même temps, avec 5 nouvelles assez « longues » on est loin du foisonnement des recueils De Maupassant par exemple, d'où une lassitude sans doute plus difficile à atteindre.
Mais entre le Nez, où un homme recherche son nez disparus et qui se retrouve ostracisé, Lettre d'un fou le récit d'un homme sombrant dans la folie, le Manteau où un individu ne vie que pour son brave vêtement ostentatoire, la perspective Nevsky sur deux tentatives de… drague pourrait on dire déçues par le jeu des apparences, ou encore le Portrait où un artiste met de côté ses principes sous une influence mystérieuse. Bref il y a de quoi faire !

Je ne sais pas si les romans de Gogol ressemblent à ses nouvelles, mais si c'est le cas, je suis conquis d'avance. Et ceci, tant pour la forme que le fond ! Tout d'abord, contrairement à un pressentiment d'une lecture, d'un style assez terne et maussade, j'ai été agréablement surpris, que nenni mes chers amis d'un tel pressentiment ! L'univers de Gogol est d'un foisonnement rarement vu, développe un environnement fantastique en plein milieu d'un style réaliste. C'est le mélange des genres. Et ça marche. D'autant plus, qu'en parallèle de son univers déluré, surréaliste et parfois complètements absurde, les nouvelles sont la plupart du temps d'une drôlerie assez déstabilisante au départ mais qui fait mouche continuellement. Ajoutez à cela à cela une acceptation complète de l'irréel de la part des personnages pour rendre le tout encore plus cocasse et décalé.
Pour ce qui est de son écriture, Gogol a une plume très fine et légère, on ne s'ennui pas, et l'émotion ressort du style du russe, pour notre plus grand plaisir. Et ça reste assez différent du style de Dostoïevski (tout en ayant quelques points communs)
A noter aussi dans certaines nouvelles un sens du récit atypique où les points de vues de la narration changent régulièrement, nous déstabilisant un peu par moment mais nous mettant un petit sourire aux lèvres tant cela est bien trouvé (passant de la première personne, à un point de vue omniscient à un narrateur d'adressant directement au lecteur !).

Le fond, très social, est aussi accrocheur que la forme dans ces écrits de Gogol. Et notre cher auteur russe a la critique acerbe, les dents bien aiguisées, une vision sombre, pessimiste, quand il décrit les personnages de ses histoires et les péripéties que ceux-ci rencontrent. L'Homme est rarement vertueux dans ce recueil, tant il est dominé par ses passions, vices et les facilités, au mépris de certains idéaux et principes pourtant affichés au départ.
Un peu comme dans le Double de Dostoïevski, Gogol croque de manière caustique le côté sombre de la bureaucratie (et oui mon cher Weber), ce petit monde des fonctionnaires où la hiérarchie est reine, les instincts de jalousie, d'ambition dominent et où l'apparat, le paraître est roi, et cela tant du côté du bas de l'échelle qu'en haut de la pyramide.
J'ai aussi été conquis par ses écrits sur le monde de l'art, dans la nouvelle le Portrait, qui révèle bien la difficulté de vivre, d'être pleinement soi dans ce milieu. Où l'on voit le jeune peintre, atypique dans son style et ses toiles, novateur même pourrait on dire qui ne parvient pas à percer et vit dans une grande promiscuité. Alors qu'il connaît la gloire en adoptant le style mainstream pourrait on dire, qui plait tant aux grands bourgeois superficiels, qui se traduit par la production de portraits idéalisés au contraire de son style plus réaliste. Il cède à la facilité, mais au bout du chemin, c'est bien une impasse qu'il rencontre pour avoir agit de la sorte. L'argent est roi dans ce monde vain.
A noter aussi des passages d'une rare « poésie », hypnotiques, comme ce début de la nouvelle la perspective Nesvky où l'auteur nous décrit, nous narre selon les heures de la journée toute la faune humaine qui passe et repasse dans ce lieu, chaque heure ayant son propre bestiaire.
Gogol, grand révélateur de l'absurdité humaine, entre cynisme et burlesque, pour un parcours semé de surprises et d'un résultat pétillant, qui nous fait frétiller les papilles. A table !

Enfin bref, pour en finir avec cette critique un peu foutraque, je veux juste dire que je conseille ce recueil à tous, et notamment aux jeunes padawans littéraires ayant quelques a priori négatifs sur l'auteur. Je n'en doute pas un seul instant, vous serez conquis …
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Je n'avais encore jamais lu Gogol. Ces nouvelles constituent une entrée en matière idéale pour se familiariser avec cet auteur russe.
J'ai été surprise par l'humour qui se dégageait de ces nouvelles. Lorsque Gogol décrit ses personnages, c'est toujours avec une certaine ironie, notamment lorsqu'il parle des fonctionnaires.
Le point commun de ces nouvelles c'est leur caractère fantastique. Au départ, tout est normal, réaliste puis on bascule doucement dans un univers fantastique. Cela fait un peu penser aux nouvelles d'Edgar Allan Poe ou Maupassant.
J'ai été touchée par la nouvelle "Le manteau", dans laquelle un petit fonctionnaire doit se priver de dîner pendant plusieurs mois pour s'acheter un nouveau manteau plus chaud qu'il se fait très rapidement voler.
J'ai été amusée par le fonctionnaire dont le nez a disparu !
J'ai aimé aussi le basculement dans la folie du fonctionnaire du "Journal d'un fou", il se prend même pour le roi d'Espagne !
La nouvelle "Le portrait" est assez différente, il s'agit plutôt d'une réflexion sur l'art, les modes et les artistes.
Une belle découverte. Je pense que je lirai des romans de cet auteur. C'est agréable entre deux romans contemporains de lire un classique russe.
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Citations et extraits (101) Voir plus Ajouter une citation
L’aube importune glissait par sa fenêtre le déplaisant regard de sa terne lueur.
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Bon nombre de tableaux gisaient pêle-mêle parmi les meubles et les livres marqués au chiffre de leur ancien possesseur, quoique celui-ci n’eût sans doute jamais eu la louable curiosité d’y jeter un coup d’œil. Les vases de Chine, les tables de marbre, les meubles neufs et anciens avec leurs lignes arquées, leurs griffes, leurs sphinx, leurs pattes de lions, les lustres dorés et sans dorures, les quinquets, tout cela, entassé pêle-mêle, formait comme un chaos d’œuvres d’art, bien différent de la stricte ordonnance des magasins. Toute vente publique inspire des pensées moroses ; on croit assister à des funérailles. La salle toujours obscure, car les fenêtres encombrées de meubles et de tableaux ne filtrent qu’une lumière parcimonieuse ; les visages taciturnes ; la voix mortuaire du commissaire-priseur célébrant, avec accompagnement de marteau, le service funèbre des arts infortunés, si étrangement réunis en ce lieu ; tout renforce la lugubre impression. (Le Portrait p.140)
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Au ministère de... Non, mieux vaut ne pas le nommer. Personne n'est plus susceptible que les fonctionnaires, officiers, employés de bureau et autres gens en place. A l'heure actuelle, chaque particulier croit que si l'on touche à sa personne, toute la société en est offensée. Dernièrement, paraît-il, le capitaine-ispravnik de je ne sais plus quelle ville a exposé sans ambages dans une supplique que le respect des lois se perd et que son nom sacré est prononcé "en vain". A l'appui de ses dires, il a joint à la pétition un gros ouvrage romantique où, toutes les dix pages, apparaît un capitaine-ispravnik, parfois dans un état d'ébriété prononcée. Aussi, pour éviter des désagréments, appellerons-nous le ministère dont il s'agit tout simplement un certain ministère.
Donc, il y avait dans un certain ministère un employé. Cet employé ne sortait guère de l'ordinaire : petit, grêlé, rousseau, il avait la vue basse, le front chauve, des rides le long des joues et l'un de ces teints que l'on qualifie d'hémorroïdaux... Que voulez-vous, la faute en est au climat pétersbourgeois! Quant au grade (car chez nous, c'est toujours par cette indication qu'il faut commencer), c'était l'éternel conseiller titulaire dont se sont amplement gaussés bon nombre d'écrivains parmi ceux qui ont la louable habitude de s'en prendre aux gens incapables de montrer leurs crocs. Il s'appelait Bachnmatchkine, nom qui provient, cela se voit, de bachmak, savate; mais on ignore comment se produisit la dérivation. Le père, le grand-père, le beau-frère même, et tous les parents de Bachmatchkine sans exception, portaient des bottes qu'ils se contentaient de faire ressemeler deux ou trois fois l'an. Il se prénommait Akaki Akakiévitch. Mes lecteurs trouveront peut-être ce prénom bizarre et recherché. Je puis les assurer qu'il n'en est rien et que certaines circonstances ne permirent pas de lui en donner un autre.
(Le manteau)
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Un phénomène inexplicable venait d'avoir lieu sous ses yeux. Un carrosse s’était arrêté devant l'entrée, la portière s'était ouverte ; se pliant en deux, un monsieur en uniforme avait sauté dehors et avait gravi le perron en courant. Quelle fut l'horreur et en même temps la stupéfaction de Kovalev quand il constata que c'était là son propre nez ! À ce spectacle extraordinaire, sa vue fut bouleversée. Il sentait qu'il ne pouvait pas se tenir debout, mais, tout tremblant comme dans un accès de fièvre, il décida d'attendre à tout prix que l'autre regagnât son carrosse.
En effet, deux minutes plus tard, le nez ressortit.
Il portait une tunique brodée d'or, avec un grand col officier et un pantalon de daim ; au côté, une épée. Son chapeau à panache lui donnait le rang de conseiller d’État. Tout indiquait qu'il allait rendre visite à quelqu'un. Il regarda des deux côtés, cria "Avance !" au cocher, monta et disparut.
Le pauvre Kovalev faillit devenir fou. Il ne savait que penser d'un événement aussi étrange. Comment était-il possible, en vérité, qu'un nez qui, hier encore figurait sur son visage, ne pouvant ni marcher ni rouler en carrosse, se retrouvât en uniforme ?

Le nez

Traduction de Vladimir Volkoff
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À trois heures se produit un nouveau changement. Soudain le printemps arrive sur la perspective Nevski : elle se recouvre entièrement de fonctionnaires en uniforme vert. Des conseillers titulaires, auliques ou autres, affamés, essayent de toutes leurs forces d'accélérer le pas. De jeune régistrateurs de collège, des secrétaires de district et de collège, s’empressent de profiter du temps qu'il leur reste pour baguenauder sur la perspective Nevski avec une prestance qui indique qu'ils ne sont absolument pas restés six heures dans leur bureau. Mais les vieux secrétaires de collège, les conseillers titulaires et auliques marchent rapidement, tête baissée : peu leur importe de s'occuper à examiner les passants ; ils ne sont pas encore complètement arrachés à leurs soucis, leur tête est plein d'un chaos et d'archives entières d'affaires entreprises et inachevées ; longtemps encore, au lieu d'une enseigne, ils perçoivent un carton rempli de papiers ou le visage replet d'un chef de chancellerie.

La perspective Nevski

Traduction : Bernard Kreise
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Pour en savoir plus : http://ateliershenrydougier.com/moscou.html Lire un extrait : https://fr.calameo.com/books/005553960838d5c676209 A commander en ligne : https://www.interforum.fr/Affiliations/accueil.do?refLivre=9791031204802&refEditeur=155&type=P
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