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Critique de LaBiblidOnee


« La liberté et la justice qui sont vantées dans les tribunaux ne sont qu'une façade. Ce poison, cette infection que constitue une justice fonctionnant selon deux façons différentes, cette hypocrisie raciste qui submerge nos tribunaux sont des faits bien établis. »


Et l'auteur étant passé plusieurs fois par la case prison, il sait de quoi il parle. Publié en 1973 mais traduit pour la première fois en France en 2001, voici une lecture très réaliste dont le héros porte le nom de Chester Hines, hommage à peine masqué à l'écrivain noir Chester HIMES. Chester est en prison pour une infraction mineure. Ces quelques jours d'enfermement nous donneront l'occasion de pénétrer la vie des prisons et les conditions de détention, de mieux connaître Chester et surtout, à travers lui, de mieux appréhender cette justice à deux vitesses qui reflète les mentalités racistes de l'époque ; Cette justice blanche enlisant la misère noire à tel point que seules la délinquance ou la criminalité restent envisageables.


« Les hommes en robe noire qui dispensait leur prétendue « justice » du haut de leurs bancs l'emplissaient de frayeur. (…) Il craignait leur autorité, le pouvoir de vie et de mort qu'ils tenaient entre leurs mains.»


Si le sujet est sombre, Donald Goines parvient, de sa plume simple et efficace, à raconter les injustices et les immondices avec ce détachement dont seuls sont capables les prisonniers contraints de se blaser pour supporter.


« Dans cette petite cellule, la mort était au milieu d'eux, marchait avec eux, aussi proche qu'elle peut l'être chaque fois que des hommes violents sont emprisonnés. »


Pourtant, si ce livre raconte le racisme et la ségrégation, il raconte aussi la lente évolution des mentalités, la possible complicité entre Blancs et Noirs. Mais ces derniers ne peuvent jamais se permettre d'être aussi naïfs que les Blancs : En effet, les Noirs se font souvent arrêter et tabasser pour rien, leurs cautions sont bien plus élevées et disproportionnées par rapport à celles des Blancs, les jugements sont plus sévères. Et il me revient ces vers de Jean de LA FONTAINE dans « Les animaux malades de la peste », « Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cours vous feront blancs ou noirs ».


« C'est une petite Allemagne, pour un Noir. Il y a plein de Noirs qui s'en rendent peut-être pas compte, mais moi je le sais. Hitler ne devait pas être bien pire que ces inspecteurs blancs. Ici, j'ai la trouille de vivre dans une maison de cinquante mille dollars que j'ai presque fini de payer. »


Parfois, ce roman donne toutefois l'impression que la prison inverse la donne car les Noirs ont l'air d'y avoir l'avantage : Plus nombreux, plus coutumiers des bagarres, de se défendre, de faire corps, ils ont le dessus sur les Blancs pour qui il est dur de survivre dans cet environnement hostile. Les Noirs profitent des cellules surchargées du comté, où les détenus s'entassent à 20 au lieu de 14 et où, surtout, ils sont plus nombreux à être envoyés avec ou sans raisons, pour régler leurs comptes et faire éclater la haine qu'on ne leur permet pas à l'extérieur. Ici la loi du silence, la proximité, les jeux de pouvoirs le leur permettent. Les Blancs y sont violés, exclus, bataillés.


Mais ne nous y trompons pas : Jusqu'à la fin nous aurons la preuve de la persistance de cette « justice » blanche à deux vitesses, blanche ou noire, jamais grise. Jamais juste. C'est un roman que je vous conseille autant pour les thèmes abordés que pour la plume. Et pour la question qu'il incite à se poser : 40 ans plus tard, la justice a-t-elle progressé ? Pour finir, si le milieu carcéral d'aujourd'hui vous intéresse, vous pouvez lire dans un autre genre "Longues peines" de Jean Teulé. Certains d'entre-vous ont-ils lu Chester HIMES ? Quels titres me conseilleriez-vous ?


« Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur. » (LA FONTAINE)


Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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