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Critique de Woland


Rites of Passage
Traduction : Marie-Lise Marlière

ISBN : 9782070421466


William Golding est surtout connu, en tous cas dans notre pays, pour "Sa Majesté des Mouches", roman initiatique d'une cruauté subtile et rare qui met en scène un groupe d'enfants et de jeunes adolescents mâles naufragés, abandonnés à leur sort sur une île où, très vite, avec un naturel qui aurait désespéré notre malheureux et ineffable Jean-Jacques, ils mettent au point une société dominée par la violence et la loi du plus fort - bref, une dictature, primaire peut-être mais dictature assurément. J'ai le roman sur l'une de mes étagères - cela fait des lustres que je l'ai lu pour la première fois, au lycée, je pense - et nous en reparlerons sans doute un jour ou l'autre. Mais pour l'instant, tenons-nous-en à cette "Trilogie Maritime" où ce sont les adultes qui font des leurs sur un voilier anglais des années 1814-1815, en partance pour cette terre promise qu'était alors l'Australie.

Que dire de ce premier volume sans se montrer injuste envers les suivants ? J'ai lu le second mais n'ai pas encore achevé le troisième et il m'est donc un peu difficile d'être tout-à-fait impartiale. Car "Rites de Passage" reste, à ce jour, à mes yeux, un livre d'une rare intensité dramatique. Tout repose sur le contraste entre le "Journal" que tient, par égard pour son riche parrain qui lui a procuré une excellente situation dans l'administration, à ,Sydney, le jeune Edmund Talbot, membre très éclairé et très élégant de la gentry, et le récit que donne de son côté, des événements traités par le jeune homme, le révérend Colley, lequel, pour sa part, écrit à l'intention de sa soeur, restée en Angleterre.

Précision importante : pas plus Talbot que Colley n'invente ni ne ment. Quand il découvrira la lettre du malheureux Colley, après la mort de celui-ci, Talbot sera d'ailleurs effondré, bouleversé, honteux d'avoir jugé sur les apparences sans avoir cherché à mieux connaître et comprendre le défunt. Et cette erreur, qu'on peut imputer en partie à sa jeunesse et à son manque d'expérience, n'a pas fini de le hanter même si, dans le second tome, avec une insouciance en apparence retrouvée, il met provisoirement sous le coude tous ces souvenirs importuns.

Dès le début de la traversée, Talbot prend Colley non pas en détestation mais en mépris. Il y a quelque chose, chez lui, qui ne lui convient pas. Il le juge trop humble, trop pleurnichard, etc, etc ... de l'autre côté au contraire, Colley ne dit que du bien de Talbot. Mal servi par son physique et ses manières, véritablement haï par le capitaine Anderson, seul maître à bord après Dieu, parce qu'il appartient à une religion que lui, Anderson, ne supporte pas, et portant en lui des goûts sexuels qu'il combat avec ardeur mais dont il risque toujours d'être la victime, Colley est un bouc-émissaire inconscient mais de haute qualité.

Un bouc-émissaire parfait à l'inquiétude des marins sous la tempête, aux problèmes existentiels du capitaine, aux jalousies privées qui rongent le carré des officiers, au mal-être des migrants de troisième catégorie, au snobisme qui égare parfois les passagers de première classe (Colley est pourtant des leurs, soulignons-le), à l'égoïsme sans malice et aux lubies d'un Edmund Talbot qui, dans le fond, n'en reste pas moins un brave garçon mais que, indiquons-le là encore à sa décharge, un mal de mer virulent va priver provisoirement de tout sens de l'analyse au moment où, justement, l'attitude de Colley en aura le plus besoin.

De la première à la dernière page, la tension monte, monte ... La mort de Colley ne l'apaise pas. La remise traditionnelle de son cadavre à l'océan encore moins. Talbot en tous cas est marqué à vie. L'Affaire Colley le poursuivra longtemps - même s'il la mettra parfois sous le boisseau. Elle le fait grandir en sorte et contraint ses pensées, trop souvent comparables à celles d'une tête de linotte qui a été élevée dans le luxe et la sécurité, à mûrir, à évoluer. C'est un début, certes mais un début qui compte.

Il n'est pas jusqu'au capitaine Anderson qui, malgré lui, ne se dise que, s'il avait montré plus de douceur et moins d'arrogance envers le pauvre ecclésiastique ...

Un premier tome qui accomplit sa tâche avec un sens aigu du drame et vous donne envie de lire la suite de cette "Trilogie Maritime." Toutefois, si vous n'aimez ni la mer, ni ce que Talbot appelle, de manière drolatique, "le parler loup-de-mer", évitez l'escale. Et maintenant, bonne route à vous ! ;o)
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