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Critique de Woland


Fire Down Below
Traduction : Marie-Lise Marlière

ISBN : 9782070421459


Le troisième et dernier tome de la "Trilogie Maritime" de William Golding repose pourrait-on dire exclusivement sur l'affrontement, plus ou moins larvé, entre le lieutenant Benét, venu de "L'Alcyone", et le premier lieutenant Charles Summmers. Si leur condition sociale oppose déjà les deux hommes - le premier est issu d'un milieu relativement aisé, le second a accédé au plus haut grade des lieutenants alors qu'il avait débuté simple matelot - leurs caractères sont aussi en totale opposition. Séduisant, versificateur à ses heures, toujours occupé de quelque intrigue féminine - il ira, après lady Somerset sur "L'Alcyone", jusqu'à courtiser Miss Granham, devenue Mrs Prettiman, laquelle lui répondra par un vigoureux soufflet - Benét ne doute de rien. Surtout, il est de la race des opportunistes, des intrigants. Il est si doué en ce domaine qu'on peut lui prédire une carrière étincelante. La meilleure preuve n'en est-elle pas qu'il est devenu en quelque sorte le "chouchou" du terrible et redoutable capitaine Anderson ? Oui, il a conquis celui-ci. Lentement. Patiemment. Et, désormais, Anderson ne jure que par lui, lui parlant avec une relative courtoisie dont, jusque là, les autres officiers n'ont jamais pu bénéficier.

De l'autre côté, Summers est grave, un peu triste, ne paraît guère se soucier des femmes, encore moins du libertinage et de l'amour et possède un sens du devoir totalement étranger à son rival. Benét est astucieux certes mais superficiel. Summers, lui, pense beaucoup trop et méprise les apparences. S'il aime la précision dans son travail, il a aussi un faible pour la complexité des idées et pour certaines questions que l'on se pose, peu importe sa condition sociale mais pourvu qu'on ait un minimum de coeur et d'intelligence, quand on est en quête d'absolu.

Afin de permettre au navire qui se traîne avec ses mâts réduits au minimum de reprendre de la vitesse, Benét propose de boulonner des plaques de fer rougies à la base du mât principal. L'idée présente cependant un danger, que Summers perçoit tout de suite et qu'Anderson lui-même relève : en agissant ainsi, on risque d'introduire le feu à l'intérieur du mât et, en le laissant couver, une explosion à plus ou moins long terme. Qu'à cela ne tienne ! Aidé par le forgeron du bord, Benét dresse une petite maquette et effectue une démonstration impeccable. Anderson applaudit, Summers conteste toujours mais se soumet.

Néanmoins, le principe Benét donne de bons résultats. Si le danger reste toujours présent, le navire file maintenant sept ou huit noeuds. Tant mieux pour les passagers et l'équipage - qui sont pour ainsi dire rationnés, en tous cas en vivres. Talbot, qui s'est lié d'amitié avec Summers dès "Rites de Passage", ne sait plus trop quoi penser. Il sait combien Summers est sensible à l'idée qu'on puisse s'éloigner de lui parce qu'il vient d'une famille de petites gens : c'est son talon d'Achille alors que, très sincèrement, en dépit de ses défauts, Talbot est vraiment au-dessus de pareille mesquinerie. Finalement, le jeune aristocrate choisit plus ou moins le "camp" Summers. Mais celui-ci lui reproche alors de s'être rapproché du couple Prettiman - elle, une ancienne gouvernante très rigide, lui un libre-penseur qui rêve de sauver les bagnards déportés en liberté et vénère Voltaire.

Bon garçon, apprenant de ses échecs et cherchant avant tout l'impartialité la plus absolue, Talbot se maintient tout de même auprès de Summers. (Certains lecteurs subodoreront peut-être dans cette amitié virile si exigeante un vague soupçon d'homosexualité. C'est possible mais je ne me prononcerai pas et je suis sûre et certaine que, s'il existe, Talbot n'en a nulle conscience.) Lorsque l'on touche enfin terre, à Sydney Cove, il obtient même de ses relations une promotion pour Charles. Hélas ! Alors que celui-ci surveillait le vieux bateau assoupi dans la rade, ce qu'il avait prévu il y a plusieurs mois se produit : le feu qui couvait dans le mât se déclare et les flammes se répandent partout.

On ne retrouvera jamais le corps de Charles Summers. Grimpant à bord à sa suite, Edmund Talbot avait pourtant essayé de le sauver. Mais il n'avait rien pu faire. Un mort de plus par conséquent à ajouter au compte de cette traversée vers l'Australie qui en aura connu un nombre assez important.

Sinon, Edmund retrouve Miss Chumley, qu'il épousera, bien sûr. Les Prettiman partent pour le bush - et on n'entendra plus parler d'eux. le capitaine Anderson regagne l'Angleterre et emmène dans son sillage le sémillant lieutenant Benét.

Outre les scènes impressionnantes du boulonnage du mât, le morceau de bravoure de "La Cuirasse de Feu" reste la rencontre du navire avec un gigantesque iceberg que les courants lui permettent d'éviter par miracle alors que, sur le pont, tout le monde s'est résolu à rendre son âme à Dieu. Un iceberg aux reflets verts, de ce vert particulier que la mer seule sait prendre à certains moments, en certains lieux. Une vision grandiose, hallucinante, merveilleuse. Qui vous gèle tout d'une pièce. Mais, malgré cela, je le répète une fois encore, je n'ai pas trouvé dans "La Cuirasse de Feu", cette folie dramatique qui présidait à "Rites de Passage." Et pourtant, force est de reconnaître, dans la mort de Charles Summers, comme un écho de la triste fin du Révérend Colley. Une chose est sûre : mieux vaut que le pauvre vieux navire ait explosé - on aurait fini par chuchoter dans les ports que sa vieille carcasse portait la poisse. ;o)
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