A l'évidence, il y a quelques incompréhensions à avoir intitulé ce livre (
William Goldman, 1974) et ce film
Marathon Man.
Tout d'abord,
Marathon man alias Thomas Babington Levy (Dustin Hoffman) alias Babe n'est pas marathonien mais un boursier en histoire sociale à l'
Université d'Oxford travaillant sur sa thèse « L'usage de la tyrannie dans la vie politique américaine » afin de restaurer l'image de son père Homère Virgile Levy, célèbre historien poussé au suicide par la chasse aux sorcières de Joseph McCarthy.
Ensuite, Babe n'a jamais couru un marathon, épreuve reine des coureurs de fond. Sa meilleure distance avoisine à peine les 20 km contre 42 km 195 mètres exactement. Il en est d'ailleurs honteux de le confesser. On se fout vraiment de notre gueule. C'est un peu comme si la série 24 heures chrono n'en durait que 10, vous voyez. Certes, Babe voue un culte sans fin pour deux idoles du marathon Paavo Nurmi (9 médailles d'or JO Anvers, 1920 – JO Paris 1924 – JO Amsterdam 1928 mais aucune en marathon, allez comprendre…) et Abebe Bikila le coureur aux pieds nus (2 médailles d'or JO Rome, 1960 – JO Tokyo, 1964). Un simple amateur en somme.
Ainsi,
Marathon man n'a rien d'un film narrant les exploits sportifs d'un prodige de la course. Et finalement tant mieux !
Marathon man, c'est l'histoire d'un mec qui court mais on s'en fout un peu.
Marathon man, c'est plutôt l'histoire d'un accident – la mort d'un inconnu d'origine allemande, en réalité le père de Christian Szell, après une course poursuite hilarante avec un juif dans le quartier israélite de Manhattan – qui désorganise un réseau mystérieux reliant un coffre-fort rempli de diamants dans une banque américaine à Christian Szell, l'un des derniers dignitaires nazis encore en vie, l' « Ange blanc » du bloc expérimental de Auschwitz[1], caché en Amérique du Sud. Obligé par la force des choses de sortir de sa tanière sud-américaine, Christian Szell n'a qu'une peur : qu'on le vole alors qu'il tentera de récupérer ses précieux diamants. D'où la célèbre réplique « Is it safe ? » répétée de façon angoissante…
Comparé au livre, le film nous déçoit sur deux points.
Premièrement, la scène de la torture – au cours de laquelle Christian Szell nous démontre qu'après une vingtaine d'années d'inactivité en tant que dentiste, il n'a rien perdu l'usage de la chignole – dure en tout et pour tout une poignée de secondes. On ne voit strictement rien. Sauf un halo de lumière blanche. On n'entend rien. Sauf un bruit de perceuse. On apprend alors que la scène originale a été coupée car elle aurait effrayé le panel de spectateurs lors de la projection-test. C'est donc à cause d'une dizaine de pisseuses que l'humanité ne verra jamais cette scène[2]. le monde du cinéma vous dit : « merci ».
Deuxièmement, car le film n'insiste pas assez sur l'aspect antihéros de Babe : naïf, crédule, peureux – c'est quand même un mec qui dit « sauvez moi », « à l'aide » et « au secours » quand des nazis déboulonnent sa porte de salle de bains –, incapable de draguer une nana – le coup de la drague dans bibliothèque passe encore mais celui de « tu as une clope ? » alors qu'il ne fume pas et qu'il est pris en flagrant délit de crapoter – ; bref un mec ri-di-cule. Qui pourtant se mue en homme de sang-froid lorsqu'il s'agit de venger l'honneur de sa famille.
Malgré ces deux regrets, courez le voir et le lire !
F.G.
[1] On lit fréquemment que Christian Szell serait en réalité inspiré du Dr Mengele mais il n'en ait rien pour ceux qui ont dévoré le livre : « La raison pour laquelle ils ont survécu est très simple. Ils étaient plus intelligents que les autres. On les a toujours appelés les « anges jumeaux ». On appelait Mengele, l' « Ange de la Mort » et Szell était l' « Ange Blanc », parce qu'il avait cette incroyable tête couronnée de magnifiques cheveux prématurément gris. Mengele avait un doctorat en philosophie plus un doctorat en médecine, et des deux il était considéré comme le crétin » (p. 218-219
Marathon Man, le livre de Poche, Ed. Denoël, 1976).
[2] Ne cherchez pas dans les bonus, il n'y a rien à se mettre sous la dent… Ceci est d'autant plus regrettable que le livre nous apprend que sept nerfs – la fameuse « pulpe » – se font réduire en bouillie (p. 235-238, op. cit.)
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