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Critique de DreamBookeuse


Boris Golzio a recueilli, il y a de cela quelques années, le récit de Francine R. cousine de la grand-mère paternelle de Boris. le récit de Francine est celui d'une résistante et d'une déportée, arrêtée avec sa soeur, Lucienne, par la gestapo le 6 avril 1944. Ce roman graphique nous conte cette histoire, récit d'une mémoire parmi des milliers de cette grande guerre.

Mon avis

Je n'imagine pas combien il fut difficile pour Boris Golzio de mettre des images sur ce qui avait été dit, relaté, peut-être avec une émotion palpable, peut-être avec le vide caractéristique des personnes qui ont décidé d'occulter leur douleur ou de l'accepter. Peut-être avec l'intimité que procure le sentiment d'avoir retrouvé sa famille. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'il ait pu nous / me la faire ressentir.

Je reviendrai un peu plus tard sur son dessin pour m'attacher d'abord au scénario et à l'écrit. le petit désagrément de chroniquer ce genre d'ouvrage c'est aussi de se faire à l'idée que des phrases comme « ce scénario n'est pas original » ne passeront pas. Parce que oui, sachons le, les récits sur la seconde guerre mondiale on en voit beaucoup. Et pour autant, dire que celui-ci n'est pas original ne serait pas vrai. Vous lirez des choses que vous avez déjà lues. Vous imaginerez des horreurs que vous avez déjà imaginées. Mais c'est une mémoire que vous ne connaissez pas encore. Des propos dont vous ne vous êtes pas encore imprégnés. Et moi, c'est ainsi que je prends les récits de cette grande guerre. Des témoignages uniques, individuels, personnels. Et à ce titre, cette plongée dans la mémoire de Francine est remarquable d'intimité et de vraisemblance.

En faisant le choix de garder les dissonances de son discours, Boris Golzio nous la rend authentique et vivante. Certaines oralités restent là. L'aspect un peu décousu aussi. Il y a une chronologie mais de nombreuses ellipses ponctuent le récit. Elaboration scénaristique ? Absence mémorielle ? On ne sait plus où commence le travail de Boris et où s'arrête le témoignage de Francine.

Ce travail de mémoire s'accompagne également de « notes » qui ne sont pas là pour corriger les propos de la résistante mais pour y apporter des nuances et de l'objectivité. Un bon moyen de nous rappeler que les discours sont tous subjectifs et individuels et qu'ils ne racontent qu'une partie de la vérité. Ces notes sont également un bon moyen pour nous de comprendre un peu plus le personnage de Francine et on comprend assez vite que Boris Golzio a non seulement travaillé à partir de son récit oral mais aussi grâce à des recherches précises et des documents (procès verbaux, biographie, étude de la géographie des chemins de fer, etc.) Finalement cette double narration : mémorielle et documentée, nous offre un récit extraordinairement riche, tendre et intime.

J'aime aussi assez l'idée qu'il ne présente pas cette femme extraordinaire comme une victime de la grande guerre (même si s'en est une) mais comme une survivante. Une femme forte, volontaire et tenace. Son récit nous annonce clairement qu'elle n'échappe pas aux coups : « le 16 septembre 1945, Francine R. faisait une déposition sur procès-verbal, où elle déclarait avoir été harcelée de questions pendant 4 heures, recevant coups de poings et de canne pointue, injures et menaces ». Et pourtant jamais on ne verra le corps ou le visage de cette femme anéantis.

Une excellente transition pour vous parler du dessin ! le dessin de Boris Golzio dans cette bande dessinée est très rond avec des personnages esquissés de quelques traits. Beaucoup n'ont pas de bouches voire pas de visages. Il y a donc énormément de choses qui passent par de petits traits, des gribouillis ou des « flash » afin d'exprimer les émotions ce qui rend, pour le meilleur ou pour le pire, son dessin assez lisse. Pour autant, de nombreuses choses passent par les mouvements, la matraque levée, la posture des soldats, le corps tordu ou amaigri des femmes (puisque Francine était dans une prison pour femmes).

Le noir et blanc est un choix qui corrobore aussi l'époque que Boris Golzio et Francine dépeignent. Un monde de boue, de gris, de fumée et d'armes, un monde triste et maussade, dérangés par les coups qui pleuvent, les tac tac tac des mitraillettes et les hurlements allemands. Un monde où la télévision était aussi, encore, en noir et blanc. L'absence de couleur semble également atténuer l'horreur, en tout cas pour ma part. Les choses se confondent d'autant plus. La couleur ne fera son apparition que pour nous monter les différents triangles identifiant les prisonnières, et à la fin, lors de la libération, par petites touches. Les touches les plus importantes peut-être.

En résumé

Chroniques de Francine R. résistante et déportée de Boris Golzio est un roman graphique remarquable d'intimité, de tendresse et de vraisemblance. Entre mémoire et notes historiques nous revivons de façon très sobre cette grande guerre. La quasi absence de sang ou de marqueurs physiques importants nous enjoint à voir ces déporté.e.s non plus seulement comme des victimes mais aussi comme des survivant.e.s. A travers un dessin en noir et blanc oscillant entre simplicité et détail, Boris Golzio livre là un récit unique, empli d'un respect palpable dont j'ai apprécié chaque planche. A mettre entre toutes les mains, dès l'adolescence, pour que cette mémoire là ne s'éteigne jamais.
Lien : https://lesdreamdreamdunebou..
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