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EAN : 9782070389315
611 pages
Gallimard (23/11/1995)
4.33/5   21 notes
Résumé :

Le Journal de Gombrowicz a été publié pour la première fois en Pologne en 1986 dans son Oeuvre complète. Interdit pendant le régime communiste, il avait toutefois pénétré en Pologne sous le manteau, apportant à ses lecteurs l'oxygène de la liberté.
Le Journal est l'oeuvre de Gombrowicz la plus personnelle, la plus polonaise mais aussi la plus universelle. La défense de son moi n'est autre que la défense de l'individu à une époque où l'on niait son ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Extrêmement intéressant, ce 'journal' propose une entrée plus qu'intéressante dans l'univers et la pensée de Gombrowicz.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
ce qui se passe de nos jours en matière d'intellect et d'intellectuels est tout simplement un scandale - et une mystification, une des plus grandioses de l'histoire. L'intellectuel a longtemps servi à "démystifier", jusqu'au moment où il est devenu lui-même l'instrument d'un monstrueux mensonge. Le savoir et la vérité ont depuis longtemps déjà cessé d'être le souci principal de l'intellectuel - remplacés tout simplement par celui de ne pas laisser voir qu'on ne sait pas. L'intellectuel, qui étouffe sous le poids des connaissances qu'il n'a pas assimilées, biaise comme il peut pour ne pas se laisser attraper. Quelles précautions prend-il ? Formuler les choses astucieusement pour ne pas se laisser coincer sur des mots. Ne pas pointer son nez au-delà de ce qu'il maîtrise plus ou moins. Employer des notions sans développer, comme si elles étaient connues de tous mais en fait pour ne pas trahir sa propre ignorance. Laisser entendre qu'il sait. On a vu naître un art particulier : celui de s'escrimer habilement avec des idées qu'on ne possède pas, en faisant mine d'avoir des bases solides. Une façon particulière de citer et de faire usage des noms. Parmi les milliers d'exemples qui me viennent à l'esprit, je n'en prendrai qu'un : un des plus violents débats intellectuels de l'après-guerre fut la polémique provoquée par l'exigence de Sartre que l'intellectuel " s'engage", qu'il "choisisse". Aucun écrivain ne pouvait dans la pratique éviter de se déclarer pour ou contre. Mais pour comprendre les postulats énoncés par Sartre dans ses Situations, il fallait d'abord saisir sa conception de la "liberté", ce qui supposait que l'on ait étudié les sept cent pages de L'être et le néant (un vrai pensum), et "L'être et le néant", développant une ontologie phénoménologique, supposait la connaissance de Husserl, sans parler de Hegel ni de Kant... Combien, je me le demande, parmi ceux qui ont discuté les thèses de Sartre, auraient eu le courage de se présenter devant un jury d'examen ?.
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Lundi.
   Je ne suis pas un rustre. Je ne cherche pas la bagarre dans la rue. Je ne braille pas non plus dans un élan de démagogie, je ne cherche pas à faire peur, je n'exagère pas - non, je n'exagère pas - j'ai toujours cherché la force dans la modération.
   Je ne perds pas de vue que la science ( bien qu'inhumaine ) est notre espoir, que ( bien que déformante ) elle nous délivre de milliers d'autres déformations et que, toute cruelle qu'elle est, elle est une mère protectrice. Que cette malédiction est aussi une bénédiction pour nous.
   J'incite l'art à donner un coup de pied - pan! - non pour que le savant sente qu'il l'a reçu mais pour que l'artiste sente qu'il l'a donné. Je ne cherche pas à enfoncer la science mais je veux restituer à l'art sa propre vie, avec sa spécificité. Que le caniche, au lieu de faire le beau, se mette enfin à mordre ! Quand j'écoute un concert "moderne", quand je visite une exposition, quand je lis un livre d'aujourd'hui, je suis pris de faiblesse, j'ai l'impression d'avoir affaire à une capitulation et à une mystification. On ne sait plus qui parle : un poète, ou un "homme éduqué, cultivé, averti et informé" ? Le créateur, qui récemment encore parlait d'une voix divine, crée aujourd'hui comme s'il fabriquait. Il crée comme un élève. Comme un spécialiste. Comme quelqu'un qu'on a instruit. Assez de ce scandale ! ...

Mardi.
   Un coup dans le ventre ! Et pan dans les gencives !

Mercredi.
   Un coup sur la gueu...

Jeudi.
   Pan ! Et allons-y gaiement !

Vendredi
   Du calme. Fi de cette rhétorique de blousons noirs !
   Et pourtant, quelle autre solution pour vous, artistes ?...

Dimanche
   (...) La science est libre de courir après l'utilité. Mais que l'art soit le gardien de la forme humaine !...
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Or, pour moi, chaque fois que l'homme tente de sortir de lui-même, - qu'il s'agisse d'esthétique pur, de pur structuralisme, de religion ou de marxisme - il sacrifie à une naïveté condamnée à l'échec. C'est là un genre de mysticisme relevant du martyr. La tendance à se déshumaniser (que je cultive d'ailleurs moi-même) doit nécessairement s'accompagner de la tendance contraire qui consiste à s'humaniser ; sinon, le réel croule tel un château de cartes, et nous voilà menacés de sombrer au fond d'un verbalisme totalement irréel. Eh non ! jamais ces formules ne pourront rassasier personne ! Vos constructions et tous ces édifices que vous dressez resteront vides tant que quelqu’un ne viendra pas les habiter. Plus l'homme devient pour vous insaisissable, inaccessible, relevant de l'abîme, plongé dans d'autres éléments, prisonnier des formes, articulé si l'on peut dire par une bouche qui n'est pas la sienne, plus brûlante et plus impérieuse devient la présence de l'homme normal, tel que nous le proposent notre quotidienne expérience et notre sentiment quotidien, bref, l'homme de la rue et du bistrot, concrètement donné. Le fait d'atteindre aux frontières de l'humain doit sur le champ être équilibré par une retraite précipitée dans la norme humaine; dans l'humain moyen. Il vous est permis de plonger dans  le gouffre de l'humain, mais à condition de faire à nouveau surface.

   Si toutefois on me demandait une définition - la plus profonde, la plus difficile qui soit - de ce quelqu'un qui doit, à mon avis, habiter toute cette kyrielle de structures et constructions diverses, je dirais tout simplement que c'est la Douleur. Car la réalité est ce qui nous résiste, c'est-à-dire ce qui fait mal. Et l'homme réel est celui qui a mal.
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Jadis en Argentine, il m’est arrivé de naviguer sur le haut Parana — fleuve aux méandres largement étalés — accueillant en moi avec un sentiment de tension atroce des paysages que chaque tournant du cours d’eau renouvelait — comme s’ils avaient pu m’affaiblir ou me rendre plus puissant, et ce n’est pas autrement que, durant les longues années de mon travail littéraire, je scrutais du regard le monde, cherchant à savoir si mon Temps me confirme ou au contraire m’abolit.
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Et je ne doute pas qu'il recevra le Nobel. Hélas, hélas... oui, on dirait qu'il est fait précisément pour cela. Si quelqu'un doit l'avoir, c'est bien Borges! Une littérature pour littéraires, spécialement écrite, dirait-on, pour les membres du jury, un candidat sur mesure, abstrait, scolastique, métaphysicien, suffisamment peu original pour trouver le chemin déjà frayé, suffisamment original dans son manque d'originalité pour faire figure de nouvelle, et même inventive variante de quelque chose de connu et de reconnu. Ce maître queux est aux petits oignons! Une vraie cuisine pour les gourmets!
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Videos de Witold Gombrowicz (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Witold Gombrowicz
Witold Gombrowicz : Entretiens avec Gilbert Maurice Duprez (1967 / France Culture). Diffusion sur France Culture du 14 au 20 janvier 1970. Photographie : L'écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969), portrait daté de 1967. - Sophie Bassouls/Sygma/Sygma via Getty Images. Ces entretiens avec le grand écrivain polonais, disparu en 1969, ont été enregistrés en 1967 et diffusés pour la première fois du 14 au 20 janvier 1970. Witold Gombrowicz a enregistré cette série d'entretiens avec Gilbert Maurice Duprez en juin 1967 alors qu'il venait de se voir décerner le prix international de littérature "Formentor". Plutôt que d'y voir une tentative d'exégèse de son œuvre par lui-même, il faut plutôt considérer ces entretiens comme une suite d'esquisses en vue d'un autoportrait que l'on pourrait intituler : Witold Gombrowicz par Witold Gombrowicz. L'écrivain polonais est mort en 1969 des suites d'une grave affection cardiaque. Gombrowicz n’a jamais pu jouir pleinement du succès de son œuvre, notamment à l’étranger. C’est en France, grâce notamment au vif succès des représentations du "Mariage" au théâtre Récamier en 1964 et de "Yvonne Princesse de Bourgogne" au théâtre de France en 1965, que son œuvre trouve l’un des retentissements les plus rapides. Polonais mais antipatriote visant une forme d’universalité humaine, il était important pour Gombrowicz que son œuvre dépasse les frontières de son pays. Witold Gombrowicz : « Mon histoire est celle-ci : j'ai quitté la Pologne en 1939, après j'ai passé vingt-trois ans en Argentine, puis après une année à Berlin je me suis établi ici, à Vence, à cause de ma santé qui n'est pas très bonne. Exilé ? Oui, premièrement je suis un exilé politique à cause du régime communiste en Pologne, mais aussi dans un sens spirituel. C'est-à-dire que je veux être un écrivain universel et dépasser ma situation particulière de Polonais, même je ne voudrais pas être un écrivain européen. Ma philosophie est de dépasser la nation. Je suis dans un certain sens un antipatriote. » Grâce à ces entretiens, enregistrés en juin 1967, soit un an et demi avant sa mort, on découvre un Gombrowicz certes fatigué, à la voix enrouée, mais toujours plein de la vivacité intellectuelle et de cette lucidité presque déconcertante qui irrigue son œuvre. Posant un regard critique sur la société et notre façon d’être au monde, on y découvre un Gombrowicz qui exècre beaucoup de ses contemporains et la littérature moderne en général, déclarant la guerre à Joyce ou au nouveau roman, dont la forme trop complexe brouille toute possibilité d’une vraie expérience de lecture. Ces enregistrements sont des ressources rares et précieuses qui permettent aux auditeurs et auditrices d’entrevoir les mouvements intimes de l’un des esprits les plus excentriques et fascinants de la littérature européenne du XXe siècle.
Source : France Culture
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