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EAN : 9782234006645
310 pages
Stock (22/03/1977)
4.31/5   124 notes
Résumé :
A soixante quinze ans Ana Non ferme la porte derrière elle pour entreprendre un fabuleux voyage : elle va ,en marchant, aller embrasser son fils en prison ; voyage vers le nord de l'Espagne, voyage d'amour et de mort, d'initiation et de connaissance.
Avec Anna Non, Agustin Gomez-Arcos, dont le talent avait déjà été reconnu dans son premier roman : "L'agneau carnivore, nous offre l'un des plus beaux personnages de femme de la littérature contemporaine. "Ana No... >Voir plus
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Petite. Noire. Pauvre. Vieille. Seule.
Comme un Roi Mage , elle serre sur son coeur une offrande: un pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- on dirait un gâteau, dit-elle.

Guerrière casquée de chagrin, mater dolorosa sans prière, coccinelle têtue sur la grand' route du destin, Ana Paücha marche. le baiser furieux du soleil, la morsure sauvage des pierres, les cailloux qu'on lui jette au passage, les mains brutales qui l'immobilisent , parfois, ou qui la chassent, toujours, rien ne l'arrête : elle suit obstinément les traverses du chemin de fer.

Vers le Nord. Vers la Mort. Elles ont rendez-vous, toutes les deux.

Mais d'abord, elle doit voir le petit et lui donner son pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- un vrai gâteau, dit-elle. Elle marche vers la prison où est enfermé, depuis 30 ans, le petit, son dernier fils. le petit… Il doit avoir cinquante ans. La guerre le lui a pris vivant celui-là, comme elle a pris, et tué, ses trois autres hommes, son mari et ses deux fils aînés.

Loin des libres routes de la mer, loin des vagues vineuses et des barques de pêche aux filets bariolés. Loin de la barque abandonnée qui porte son nom: Ana- la --joie -du - retour.

Elle n'est plus rien, Ana. Elle n'a plus rien, Ana Paücha. Même son nom s'évapore dans le soleil brûlant, se perd dans la poussière du ballast. Rien d'autre qu'Ana non.

Parfois une chienne galeuse, un aveugle qui chante l'égalité, un cirque pouilleux partagent sa route. Mais partager c'est éprouver encore plus durement la solitude quand, immanquablement, on la retrouve, très vite, très brutalement au détour du chemin.

Parfois elle croise aussi les fêtes barbares de ceux qui ont gagné la guerre- aye, cette terrible guerre civile espagnole . Fête ostentatoire de la charité, où les riches s'offrent le luxe d'honorer un jour, un jour seulement, les misérables qu'ils chassent tous les jours de leurs églises pavoisées. Valle de los Caidos où, sous la croix énorme, se dresse la crypte des Tombés et où pas un nom ne parle de sa souffrance à elle, de ses Tombés à elle. Et enfin, manifestation mercenaire d'un soutien populaire factice au Vieux Vainqueur, gâteux, mais tenant toujours sous sa griffe sa «Patrie » schizophrène..

Fêtes barbares de l'or, du sabre et du goupillon, où on tente de l'enrôler, elle, la fourmi noire, minuscule , misérable, irréductible et si forte. Ana la rouge. Ana non

Ana non qui a toujours contre elle ce pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- même s'il ressemble de moins en moins à un gâteau, trouve-t-elle.

Et nous, nous attachons nos pas à ses pas, pleurons quand on lui arrache ceux qui, très rares, lui apportent un peu de bien-être ou de joie.

Ah ! si seulement nous pouvions donner à ses pieds martyrisés les caresses de l'eau, à son coeur affamé la chaleur parfumée d'une grillade sur la braise , le réconfort du café chaud, à sa mémoire blessée l'ivresse oublieuse du vin, à ses vieilles épaules l'enveloppante douceur d'un châle de laine …

Ah ! la prendre dans nos bras, la bercer, la consoler, cette vieille Ana non, qui serre sur son ventre vide un pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, qui n'a plus rien d'un gâteau, maintenant, dit-elle.

Je n'ai pas pu faire une critique de ce livre bouleversant, unique et puissant, écrit directement en français par son auteur- et Prix Inter en son temps- Je n'ai pu que dire mon émotion, essayer de rendre un faible écho de la puissance de sa langue et de ses images.

Non, Ana non ne me sortira jamais du coeur, de la tête, de la mémoire.

Elle y marchera encore longtemps, toute droite, et fière, et seule, avec son pain aux amandes…

Huilé, anisé , fortement sucré - un gâteau de l'âme ou de larmes, je dirais…
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CIEL ! Qu'est-ce que je vois ? Comment est-ce possible ? Je n'ai pas encore donné un avis sur Ana non, le livre le plus beau, le plus poignant, le plus émouvant, dramatique, inouï, le livre le plus humain, sublime, cruel, le livre que je garde toujours au coeur depuis plus de 35 ans, l'inoubliable Ana non, Ana Paücha !! Miséricorde !

Histoire d'amour, viscéral, animal, amour de Mère. Ana est vieille, son mari et ses deux fils aînés sont morts à la guerre et son petit dernier est emprisonné à l'autre bout de l'Espagne depuis la fin de la guerre. Sentant sa mort prochaine elle décide d'aller l'embrasser une dernière fois. Elle prépare pour lui un « pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, un vrai gâteau » (cette appellation revient sans cesse tout au long du livre comme un leitmotiv…toutes les fois qu'elle le vérifie sur son ventre ..), ferme sa maison et s'en va, suivant la voie ferrée et commence un long voyage, une errance plutôt, car peu à peu, le voyage initiatique et libérateur se transforme en dépouillement, du dépouillement en dégénérescence, en indignité, de l'indignité à la survie, de la survie à la place vitale, jusqu'au rien…, au non. Ana Non.

Ce roman parle aussi que dis-je ,est aussi ,l'histoire de la guerre d'Espagne, en toile de fond mais j'avoue qu'à l'époque, il y a plus de 35 ans de cela, mon jeune âge et mon ignorance n'ont pu en comprendre l'importance …. Sans doute Ana en était-elle une sorte de symbole, de déchéance, de broyage…. Mais j'avoue qu'à l'époque bien qu'ayant pressentie cette dimension j'étais bien incapable de la mesurer. Mais quelle force tout de même qui m'a fait ne serait qu'en en percevoir la portée …

Enfin bref, pour tout dire, je me vois, et vous me voyez bien, embarrassée pour parler intelligemment de ce roman lu il y a fort longtemps, à une époque où je ne disposais pas peut être de toutes les clés pour en comprendre tout le sens et la portée, mais qui pour autant reste et restera celui qui, je ne dirais pas m'a le plus apporté, mais m'a le plus ébranlée au sens humain, et qui, en un mot m'a pris aux tripes quoi !

C'est pourquoi aussi je suis chagrine de voir qu'il y a à peine une centaine de babeliotes qui le comptent dans leur bibliothèque… et parmi eux une pincée d'avis, un tel chef d'oeuvre, j'avoue ne pas comprendre…..
Aussi j'aimerais vous faire ce cadeau de Noël : vous faire lire ce livre et vous offrir ce « pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, un vrai gâteau » !
dont je sais que la saveur vous restera en bouche et ne vous quittera plus pour de longues années.
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« Ana Non », l'Andalouse…

« Ana » non, c'est l'histoire d'une vieille femme. Une vieille femme, ana Paücha, qui s'est elle même surnommée Ana Non par négation de sa vie antérieure…Elle est veuve et la vie lui a déjà enlevé deux de ses fils à la guerre ; le troisième croupit en prison pour un bail, dans l'Espagne des années soixante, celle de Franco.
Ana décide de fermer sa porte derrière elle et d'entreprendre son dernier voyage : à plus de soixante dix ans, elle décide de traverser l'Espagne du sud au nord pour aller embrasser son fils incarcéré avant le passage de la faucheuse qu'elle sent imminent.

« Ana Non », un texte puissant, bouleversant, attachant… comme cette vieille femme qui entreprend comme un voyage initiatique alors que « le vent du soir vient de se lever »…Remarquable.

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Une guerre, c'est toujours une fin du monde pour quelqu'un. Souvent même c'est une fin du monde qui se prolonge longtemps après, surtout pour une mère.
"Ana Non" est un portrait de femme inoubliable. La littérature n'en manque pas, pourtant de ces femmes dont la personnalité attire l'attention (en bien ou en mal, d'ailleurs) : de la Maheude ("Germinal" d'Emile Zola) à Pilar ("Pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway), de Madame Lepic ("Poil de carotte" de Jules Renard) à Folcoche ("Vipère au poing" d'Hervé Bazin), de Pélaguée Nilovna Vlassova ("La Mère" de Maxime Gorki) à Augustine Pagnol ("Le château de ma mère" de Marcel Pagnol), en passant par Mina Kacew ("La Promesse de l'aube" de Romain Gary) ou Louise Judith Cohen ("Le Livre de ma mère" d'Albert Cohen)...
Ana Paucha, essentiellement est une mère. Dans une autre vie elle a été à la fois femme, épouse et mère. Mais la guerre d'Espagne est passée par là. Elle lui a pris son mari et deux de ses fils. La guerre est finie, mais les bourreaux sont toujours là. le troisième fils, le dernier, le petit, est en prison quelque part dans le Nord. Il est tout ce qui lui reste. Maintenant elle n'est plus qu'une vieille mère de soixante-quinze ans. Alors quoi ? On laisse tomber ? Non. Non, et encore non, elle ne va pas leur faire ce plaisir, à eux les bourreaux , les assassins, ni à lui, ce Dieu qui tourne le dos aux pauvres gens. Elle dit non, elle s'appelle Non, Ana Non. Et avant de mourir, elle décide d'aller embrasser son petit, là-haut, dans le Nord, et de lui apporter son gâteau préféré, un pain aux amandes. La route est longue, dure, douloureuse, dangereuse... Elle se trouve une compagne de route, une chienne qui est comme elle vieille et rejetée de partout, et des rencontres de chemin qui la laissent à chaque fois un peu plus seule, un peu plus vieille, un peu plus désemparée, mais pas moins motivée ...
"Ana Non" est l'histoire d'une obstination. Comme Antigone, si on veut, mais encore plus viscéral : Antigone n'était pas mère. Ana Paücha l'a été trois fois. Sa volonté naît dans sa tête, mais aussi de ses tripes. Est-ce de l'amour ? Est-ce de la haine ? A ce stade l'un et l'autre se mêlent, son petit incarne tout l'amour de sa vie, présent et passé, celui de sa famille, de son mari, de ses fils perdus... la prison qui le retient prisonnier est l'image de l'abomination représentée par ce petit homme replet et abject qui se fait appeler Caudillo...
Et nous que pouvons-nous faire ? Nous marchons avec elle, nous souffrons avec elle, nous pleurons avec elle, parce que sa douleur nous la comprenons avec beaucoup de compassion, mais nous ne pouvons pas la partager, si grande est sa solitude. "Ana non" est un roman bouleversant, par l'émotion profonde qu'il déclenche chez le lecteur, et aussi par ce sentiment de terrible impuissance qu'on a parfois devant le malheur.
Ana Non, son visage ridé, ses yeux fixés obstinément au-delà de l'horizon, ses mains crispées sur son maigre bagage et son gâteau qui s'effrite un peu plus à chaque kilomètre, Ana Non vous poursuivra encore longtemps, bien après que vous ayez refermé le livre.
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Une veuve, 75 ans, pendant le franquisme. Son mari et 2 de ses fils ont été « perdus à la guerre, » comme on dit perdus en mer. Car ce sont tous des pêcheurs andalous, leurs idées n'ont pas plu au pouvoir, c'est leur seul crime. Elle cherche son 3· fils, emprisonné dans le Nord du pays, pour les mêmes raisons.
Agustin Gomez-Arcos , andalou de naissance, poursuivi par le pouvoir de Franco, part à Londres puis à Paris, et écrit ce livre en français, en un français poétique et tendre. Il nous entraine dans un voyage initiatique, ainsi qu'il le dit lui même, voyage où Ana non, celle qui a décidé définitivement d'oublier Dieu, car il ne lui sert à rien, rencontre un chien galeux certes, mais amical. Elles feront route ensemble, elles marchent, les deux vieilles, elles traversent l ‘Espagne du Sud au Nord, l'une « agite prudemment la queue, incertaine quant à l'intensité à donner à ses élans d'amitié »l'autre lui parle, sachant qu'elle comprend. Les gardes civils lui ont demandé de la vacciner, car c'est une possible terroriste, cette vieille chienne qui se traine. Ana s'en fiche, de la menace terroriste, les gardes civils ne sont pas des anges de douceur. Commence alors une amitié pure entre elles deux et la splendeur de la nature leur confirme la beauté du monde.
Voilà, ce roman qui aurait pu être sans espoir, est en fait un hymne à la bonté de certains hommes (pas des franquistes, sûr), à la beauté du monde, à l'amitié entre une vieille femme et un guitariste aveugle qui lui apprend à lire et à écrire.
Avec retenue, sans lyrisme,opposant aux mots de haine de Franco « A mort l'intelligence ! Vive la mort ! »la réponse de Miguel de Unamuno « Vous vaincrez, vous ne convaincrez pas «, Agustin Gomez Arcos note comment la peur du communisme fait réagir le commun des espagnols.
A quoi s'opposent les souvenirs d'Ana, le bonheur vécu avec son mari au bord de la plage, son amour charnel pour lui, sa fierté d'élever ses fils, dont le dernier sait lire et écrire.
La dictature peut tuer, certes mais pas empêcher de penser et de vivre heureux. Ana non décide de s'appeler Ana oui.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
La neige se remet à tomber, sereine, fidèle, enveloppant dans son suaire le cadavre d’une femme nommée Ana Paücha, soixante et quinze ans, qui fut épouse, mère et veuve de quatre hommes Paücha, fauchés par la guerre civile espagnole et ses prisons de la haine. Nulle pierre tombale ne perpétue ces cinq noms :
Ana Paücha
Pedro Paücha
Jose Paücha
Juan Paücha
Jesus Paücha dit le « petit »
Nul œil ne les pleure.
Nul mémoire n’en garde trace.
Ce ne sont que les noms de cinq saints sans église. Des anti-noms.
Des non.
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La main qu'elle tend vers la charité n'est pas sa main. Caressée par les mains fortes de son mari, elle avait mis au monde trois autres paires de mains, fortes elles aussi, qui auraient su toujours porter à sa bouche le pain du travail, garnir ses poches de l'argent nécessaire pour se procurer le feu et les chaussures, le lit de la nuit et la lumière du jour. Mais la guerre a amputé ces prodigues mains d'hommes. La main qu'elle tend maintenant lui a été greffée par la guerre. La fière Ana non n'a pas une âme de mendiante. Sans cette amputation sa main aurait continué de confectionner les filets pour ses hommes de mer.
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Ma solitude, c'est quatre lits où s'épanouissaient quatre corps d'hommes, jadis. Vides, les lits. Morts, les hommes. Ma solitude, c'est une barque blessée dans son corps , qui se dessèche au bord de la mer, barque désertée que n'accueille plus le salut des mouettes tous les petits matins de la joie du retour. Ma solitude, c'est ce nom heureux que je ne pourrai pas donner à mes petits-enfants, morts avant d'être nés. Ma solitude, c'est ce nom de grand-mère que je n'entendrai jamais, sauf dans le trou noir de mes rêves.
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Quatre noms à prononcer : Pedro, Juan, José, Jésus, à modeler dans sa bouche comme quatre globes terrestres, à articuler selon ses humeurs, avec amour ou colère, et d'un seul coup, plus personne à appeler, plus rien à dire. Trente ans de silence, au jour, à l'heure, à la minute près. Trente ans de nuits. Bien sûr, elle disait bonjour et au revoir, que c'est gentil à vous et merci bien. Mais ça, ce n'est pas parler. C'est aggraver le silence.
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Petite fille, j'ai toujours eu les joues parsemées de petits boutons provoqués par la barbe de mes douze pères*… qui ne se rasaient pas très souvent. Quand j'y pense maintenant, je sais que ce n'était que l'éruption d'un trop-plein de bonheur.


*(son père et ses 11 frères ainés)
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