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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Petite. Noire. Pauvre. Vieille. Seule.
Comme un Roi Mage , elle serre sur son coeur une offrande: un pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- on dirait un gâteau, dit-elle.

Guerrière casquée de chagrin, mater dolorosa sans prière, coccinelle têtue sur la grand' route du destin, Ana Paücha marche. le baiser furieux du soleil, la morsure sauvage des pierres, les cailloux qu'on lui jette au passage, les mains brutales qui l'immobilisent , parfois, ou qui la chassent, toujours, rien ne l'arrête : elle suit obstinément les traverses du chemin de fer.

Vers le Nord. Vers la Mort. Elles ont rendez-vous, toutes les deux.

Mais d'abord, elle doit voir le petit et lui donner son pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- un vrai gâteau, dit-elle. Elle marche vers la prison où est enfermé, depuis 30 ans, le petit, son dernier fils. le petit… Il doit avoir cinquante ans. La guerre le lui a pris vivant celui-là, comme elle a pris, et tué, ses trois autres hommes, son mari et ses deux fils aînés.

Loin des libres routes de la mer, loin des vagues vineuses et des barques de pêche aux filets bariolés. Loin de la barque abandonnée qui porte son nom: Ana- la --joie -du - retour.

Elle n'est plus rien, Ana. Elle n'a plus rien, Ana Paücha. Même son nom s'évapore dans le soleil brûlant, se perd dans la poussière du ballast. Rien d'autre qu'Ana non.

Parfois une chienne galeuse, un aveugle qui chante l'égalité, un cirque pouilleux partagent sa route. Mais partager c'est éprouver encore plus durement la solitude quand, immanquablement, on la retrouve, très vite, très brutalement au détour du chemin.

Parfois elle croise aussi les fêtes barbares de ceux qui ont gagné la guerre- aye, cette terrible guerre civile espagnole . Fête ostentatoire de la charité, où les riches s'offrent le luxe d'honorer un jour, un jour seulement, les misérables qu'ils chassent tous les jours de leurs églises pavoisées. Valle de los Caidos où, sous la croix énorme, se dresse la crypte des Tombés et où pas un nom ne parle de sa souffrance à elle, de ses Tombés à elle. Et enfin, manifestation mercenaire d'un soutien populaire factice au Vieux Vainqueur, gâteux, mais tenant toujours sous sa griffe sa «Patrie » schizophrène..

Fêtes barbares de l'or, du sabre et du goupillon, où on tente de l'enrôler, elle, la fourmi noire, minuscule , misérable, irréductible et si forte. Ana la rouge. Ana non

Ana non qui a toujours contre elle ce pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- même s'il ressemble de moins en moins à un gâteau, trouve-t-elle.

Et nous, nous attachons nos pas à ses pas, pleurons quand on lui arrache ceux qui, très rares, lui apportent un peu de bien-être ou de joie.

Ah ! si seulement nous pouvions donner à ses pieds martyrisés les caresses de l'eau, à son coeur affamé la chaleur parfumée d'une grillade sur la braise , le réconfort du café chaud, à sa mémoire blessée l'ivresse oublieuse du vin, à ses vieilles épaules l'enveloppante douceur d'un châle de laine …

Ah ! la prendre dans nos bras, la bercer, la consoler, cette vieille Ana non, qui serre sur son ventre vide un pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, qui n'a plus rien d'un gâteau, maintenant, dit-elle.

Je n'ai pas pu faire une critique de ce livre bouleversant, unique et puissant, écrit directement en français par son auteur- et Prix Inter en son temps- Je n'ai pu que dire mon émotion, essayer de rendre un faible écho de la puissance de sa langue et de ses images.

Non, Ana non ne me sortira jamais du coeur, de la tête, de la mémoire.

Elle y marchera encore longtemps, toute droite, et fière, et seule, avec son pain aux amandes…

Huilé, anisé , fortement sucré - un gâteau de l'âme ou de larmes, je dirais…
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CIEL ! Qu'est-ce que je vois ? Comment est-ce possible ? Je n'ai pas encore donné un avis sur Ana non, le livre le plus beau, le plus poignant, le plus émouvant, dramatique, inouï, le livre le plus humain, sublime, cruel, le livre que je garde toujours au coeur depuis plus de 35 ans, l'inoubliable Ana non, Ana Paücha !! Miséricorde !

Histoire d'amour, viscéral, animal, amour de Mère. Ana est vieille, son mari et ses deux fils aînés sont morts à la guerre et son petit dernier est emprisonné à l'autre bout de l'Espagne depuis la fin de la guerre. Sentant sa mort prochaine elle décide d'aller l'embrasser une dernière fois. Elle prépare pour lui un « pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, un vrai gâteau » (cette appellation revient sans cesse tout au long du livre comme un leitmotiv…toutes les fois qu'elle le vérifie sur son ventre ..), ferme sa maison et s'en va, suivant la voie ferrée et commence un long voyage, une errance plutôt, car peu à peu, le voyage initiatique et libérateur se transforme en dépouillement, du dépouillement en dégénérescence, en indignité, de l'indignité à la survie, de la survie à la place vitale, jusqu'au rien…, au non. Ana Non.

Ce roman parle aussi que dis-je ,est aussi ,l'histoire de la guerre d'Espagne, en toile de fond mais j'avoue qu'à l'époque, il y a plus de 35 ans de cela, mon jeune âge et mon ignorance n'ont pu en comprendre l'importance …. Sans doute Ana en était-elle une sorte de symbole, de déchéance, de broyage…. Mais j'avoue qu'à l'époque bien qu'ayant pressentie cette dimension j'étais bien incapable de la mesurer. Mais quelle force tout de même qui m'a fait ne serait qu'en en percevoir la portée …

Enfin bref, pour tout dire, je me vois, et vous me voyez bien, embarrassée pour parler intelligemment de ce roman lu il y a fort longtemps, à une époque où je ne disposais pas peut être de toutes les clés pour en comprendre tout le sens et la portée, mais qui pour autant reste et restera celui qui, je ne dirais pas m'a le plus apporté, mais m'a le plus ébranlée au sens humain, et qui, en un mot m'a pris aux tripes quoi !

C'est pourquoi aussi je suis chagrine de voir qu'il y a à peine une centaine de babeliotes qui le comptent dans leur bibliothèque… et parmi eux une pincée d'avis, un tel chef d'oeuvre, j'avoue ne pas comprendre…..
Aussi j'aimerais vous faire ce cadeau de Noël : vous faire lire ce livre et vous offrir ce « pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, un vrai gâteau » !
dont je sais que la saveur vous restera en bouche et ne vous quittera plus pour de longues années.
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« Ana Non », l'Andalouse…

« Ana » non, c'est l'histoire d'une vieille femme. Une vieille femme, ana Paücha, qui s'est elle même surnommée Ana Non par négation de sa vie antérieure…Elle est veuve et la vie lui a déjà enlevé deux de ses fils à la guerre ; le troisième croupit en prison pour un bail, dans l'Espagne des années soixante, celle de Franco.
Ana décide de fermer sa porte derrière elle et d'entreprendre son dernier voyage : à plus de soixante dix ans, elle décide de traverser l'Espagne du sud au nord pour aller embrasser son fils incarcéré avant le passage de la faucheuse qu'elle sent imminent.

« Ana Non », un texte puissant, bouleversant, attachant… comme cette vieille femme qui entreprend comme un voyage initiatique alors que « le vent du soir vient de se lever »…Remarquable.

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Un livre bouleversant. Inoubliable et encore et à jamais présent dans ma mémoire de lectrice malgré les années (je l'ai lu il y a 20 ans environ !). Je ne saurais trop vous le recommander. Je ne le relirai pas car je veux garder intact, comme un écrin dans ma mémoire, le souvenir de ces émotions qu'a suscité chez moi la lecture de cette pépite !
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Magnifique livre que ce voyage initiatique sans retour qu'entreprend Ana à travers l'Espagne franquiste qui lui a pris son mari et ses fils , sauf le benjamin emprisonné depuis de trop longues années. Alors, elle marche pour tenter de le voir une dernière fois et, au long de son parcours souvent douloureux, elle refait le voyage de sa pauvre vie et de l'amour qu'elle a connu avec "son homme". Emotion pour le lecteur au long de cette marche vaine, dégoût pour cette guerre civile et pour ceux qui ont adhéré au dictateur dont la fin de règne approche mais qu'Ana ne verra pas. En la suivant, on est pénétré par la saveur du pain aux amandes qu'elle transporte et c'est toute l'Espagne de la liberté qui marche à ses côtés.
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Une guerre, c'est toujours une fin du monde pour quelqu'un. Souvent même c'est une fin du monde qui se prolonge longtemps après, surtout pour une mère.
"Ana Non" est un portrait de femme inoubliable. La littérature n'en manque pas, pourtant de ces femmes dont la personnalité attire l'attention (en bien ou en mal, d'ailleurs) : de la Maheude ("Germinal" d'Emile Zola) à Pilar ("Pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway), de Madame Lepic ("Poil de carotte" de Jules Renard) à Folcoche ("Vipère au poing" d'Hervé Bazin), de Pélaguée Nilovna Vlassova ("La Mère" de Maxime Gorki) à Augustine Pagnol ("Le château de ma mère" de Marcel Pagnol), en passant par Mina Kacew ("La Promesse de l'aube" de Romain Gary) ou Louise Judith Cohen ("Le Livre de ma mère" d'Albert Cohen)...
Ana Paucha, essentiellement est une mère. Dans une autre vie elle a été à la fois femme, épouse et mère. Mais la guerre d'Espagne est passée par là. Elle lui a pris son mari et deux de ses fils. La guerre est finie, mais les bourreaux sont toujours là. le troisième fils, le dernier, le petit, est en prison quelque part dans le Nord. Il est tout ce qui lui reste. Maintenant elle n'est plus qu'une vieille mère de soixante-quinze ans. Alors quoi ? On laisse tomber ? Non. Non, et encore non, elle ne va pas leur faire ce plaisir, à eux les bourreaux , les assassins, ni à lui, ce Dieu qui tourne le dos aux pauvres gens. Elle dit non, elle s'appelle Non, Ana Non. Et avant de mourir, elle décide d'aller embrasser son petit, là-haut, dans le Nord, et de lui apporter son gâteau préféré, un pain aux amandes. La route est longue, dure, douloureuse, dangereuse... Elle se trouve une compagne de route, une chienne qui est comme elle vieille et rejetée de partout, et des rencontres de chemin qui la laissent à chaque fois un peu plus seule, un peu plus vieille, un peu plus désemparée, mais pas moins motivée ...
"Ana Non" est l'histoire d'une obstination. Comme Antigone, si on veut, mais encore plus viscéral : Antigone n'était pas mère. Ana Paücha l'a été trois fois. Sa volonté naît dans sa tête, mais aussi de ses tripes. Est-ce de l'amour ? Est-ce de la haine ? A ce stade l'un et l'autre se mêlent, son petit incarne tout l'amour de sa vie, présent et passé, celui de sa famille, de son mari, de ses fils perdus... la prison qui le retient prisonnier est l'image de l'abomination représentée par ce petit homme replet et abject qui se fait appeler Caudillo...
Et nous que pouvons-nous faire ? Nous marchons avec elle, nous souffrons avec elle, nous pleurons avec elle, parce que sa douleur nous la comprenons avec beaucoup de compassion, mais nous ne pouvons pas la partager, si grande est sa solitude. "Ana non" est un roman bouleversant, par l'émotion profonde qu'il déclenche chez le lecteur, et aussi par ce sentiment de terrible impuissance qu'on a parfois devant le malheur.
Ana Non, son visage ridé, ses yeux fixés obstinément au-delà de l'horizon, ses mains crispées sur son maigre bagage et son gâteau qui s'effrite un peu plus à chaque kilomètre, Ana Non vous poursuivra encore longtemps, bien après que vous ayez refermé le livre.
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Anna Paücha est seule maintenant
Anna Paücha ne veut pas mourir sans avoir revu son petit dernier
Anna Paücha laisse sa maison et part rejoindre son dernier fils emprisonné au nord
Anna Paücha ne prend que la brioche favorite de son fils qu'elle porte là sur son ventre
Anna Paücha chemine, chemine, chemine,chemine..........
Anna Paücha dit non, Anna Non

ah si le fragile Non d'ANNA PAUCHA pouvait devenir un grand NON de l'Humanité

ANNA PAUCHA : un personnage essentiel de la littérature

superbe
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Ana est vieille. Il y a longtemps qu'elle est seule. La guerre civile espagnole l'a privée de tous ceux qu'elle aimait, son mari et deux de ses fils sont morts, le dernier est en prison et n'en sortira pas. Ana veut mourir, mais avant cela, il lui faut voir une dernière fois son petit dernier, emprisonné dans le Nord.
Un magnifique récit, plein de sensibilité et de sincérité, où le désespoir des petites gens est empreint de pudeur , de dignité et de courage. Un dernier voyage pour Ana qui sera confrontée à l'indifférence , l'humiliation des charités organisées, la solitude, la faim et la douleur. Mais un dernier voyage fait aussi de belles rencontres, d'espoir et de courage. Un magnifique roman, qui n'a pas besoin de multiplier les péripéties et les drames pour émouvoir, où l'on voyage, souffre et espère avec Ana, même si comme elle, on sait qu'il n'y a pas d'histoire heureuse pour les oubliés des hommes, de l'histoire et de Dieu.
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un livre bouleversant que j'ai déjà lu à deux reprises. Nous suivons le poignant voyage d'Anna Paücha qu'elle entreprend seule et à pied, de son village côtier d'Andalousie jusqu'au Nord de l'Espagne, là où est emprisonné son fils pour appartenance au parti communiste. Elle n'a pour seul bagage qu'un modeste gâteau qu'elle a confectionné avant de partir pour lui, lui qu'elle n'a pas vu depuis 30 ans.
Ce roman est un poignant réquisitoire contre la guerre civile, contre le franquisme et ses alliés que furent les classes privilégiées et l'église catholique. C'est aussi un très bel hommage à une vieille dame très digne dans la douleur, la solitude et la pauvreté.
De très belles pages d'écriture.
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Ana Paucha, surnommée Ana Non, entreprend un voyage pour revoir son fils (le petit) qui est emprisonné dans le nord.
Son voyage, l'auteur nous le relate à travers des mots justes et poétiques. Ana Non rencontre des compagnons de route, pas mieux lotis qu'elle, et qui feront un bout de chemin avec la vieille dame.
Par ce périple c'est toute une société qui est racontée, ce sont des désillusions, l'écart entre les pauvres et les riches.
A lire.
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