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Critique de michfred


Subversif. Révolté ...révoltant? 

L'Agneau Carnivore est une provocation de la première à la dernière ligne.

Imaginez une famille-tombeau: Carlos, le père, un zombie républicain atteint de "mort chronique",  réfugié dans son bureau d'avocat quasi déserté par les clients et  buvant jusqu'à la lie le calice de sa défaite aux accents triomphaux d'une radio franquiste qui lui serine les discours du général honni; Mathilde, la mère, "morte-née ",  théâtrale  et glaciale, jaune comme ses rosiers maudits, qui surjoue la convention, la dévotion, la protection, pour mieux en souligner la dérision, et enfin Clara,  Clara-à- tout- faire, , Clara-à-tout-être, Clara,  robot domestique et dévoué, mais aussi Clara anticléricale virulente et veuve "rouge"dévorée de ressentiment.

Et dans ce tombeau familial, les deux fils , Antonio le grand, le brun, le fort,  et Ignacio, le petit, le blond, le faible- également  Narrateur de ce huis-clos "carnivore".

Deux fils, comme une bombe de scandale contre la norme, un feu  de subversion contre la loi, une proclamation sensuelle contre la mort, un cri contre l'indifférence, une ruade contre la soumission.

Deux fils dynamitant  la règle, la loi, la foi, par la seule arme en leur pouvoir :  l'amour...

...L'inceste!  Une passion cumulant les outrages:  homosexualité et pédophilie-le petit est initié très jeune, par le grand,  au sexe  interdit .

Mais pourtant, dès que cet amour se frotte au monde extérieur,  le scandale est vite étouffé sous peine d'en éveiller d'autres: celui des moeurs d'un clergé tout-puissant dont cet inceste pédophile n' excite pas que  le zèle; celui  des moeurs machistes des couples "normaux" dont les pratiques sexuelles n'ont rien à  reprocher à celles des deux frères amoureux, celui des moeurs de tous les petits collégiens espagnols mis sous cloche  dans des institutions non-mixtes...

Finalement,  l'amour assumé,  éclatant,  provocant des deux frères a presque quelque chose de sain et, en tout cas, de vivant à côté de toute cette hypocrisie,  de cette cagoterie empoisonnée. ..


Ajoutons que ce terrorisme sexuel, un peu anar', un peu surréaliste,   n'a rien d'une métaphore : les scènes de profanation - le baptême, la communion, le mariage- "sentent le soufre", comme dit la mère, pas dupe, et même nettement complice, comme tous les adultes- référents de la maison,  la mère elle-même de plus en plus subversive...

Agustin Gomez-Arcos parle de lui, dans ce livre incendiaire.

De son enfance, de ses amours, de sa famille, de l'Espagne franquiste dont il a dû fuir la censure. L'agneau carnivore est son premier livre écrit directement en français. .même si par ses thèmes,  ses couleurs, ses mots et ses maux, il est si terriblement espagnol.

On pense à un Garcia Lorca enragé,  à un Luis Buñuel romancier.

La langue est beĺle, musicale avec son  leit-motiv- "Elle, maman.. " ou baroque, avec les mille variations des épithètes désignant Clara, l'âme du logis:  Clara-esclave, Clara-muette, Clara-sorcière, Clara-Numance..

Oui, décidément, après avoir été conquise par Ana non, je reste aficionada d'Agustin Gomez-Arcos, même s'il faut dire que ce n'est pas un livre consensuel ...et s'il est même plutôt clivant!

Un grand écrivain espagnol de langue française à découvrir !
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