Espagne, années 60, une bourgeoisie décrépie et corrompue, un couvent contenant un microcosme de la société franquiste… et
Maria Republica, prostituée dont le nom est déjà une provocation en soi.
Livre ayant été écrit (en français) 40 ans après la guerre civile,
Gomez-Arcos ne traite pas le conflit dans son instantanéité mais critique les phases qui l'ont suivi avec une violence qui vous gifle dès la première page et jusqu'à la dernière. Pas besoin d'être un expert de cette période de l'histoire espagnole pour pouvoir être embarqué par ce roman relativement court (une petite 250aine de pages) et qu'on lâche difficilement.
Le livre est très orienté sur la notion de mémoire et ses enjeux dans une dictature. Si tout le monde tente de lui faire perdre son identité, lui faire oublier ce qu'elle est et d'où elle vient pour en faire un modèle de rédemption,
Maria Republica, elle, compte bien utiliser sa mémoire, comme instrument de vengeance acharnée.
Aucun temps mort, à peine de quoi respirer entre des moments tantôt crus, tantôt rocambolesques, toujours destructeurs. On est confronté à des phrases à la longueur assez variable, à une narration qui passe de la deuxième personne à la troisième selon qu'on évoque respectivement le passé ou le présent, ou encore à un personnage principal qui vous noie sous sa personnalité. Bref, tout est là pour vous faire perdre pied et vous donner l'impression d'être dans la tête de
Maria Republica, presque comme sa conscience. Pour autant, on ne s'y attache pas complètement à ce personnage : elle n'est pas là pour qu'on la plaigne ou qu'on éprouve de la compassion mais nous prend à témoin et nous entraîne dans son combat.
Et si vous n'avez pas envie de refermer le livre après l'avoir fini, quatre autres romans sur le même thème ont été écrits par
Gomez-Arcos et ne demandent qu'à être ouverts.