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EAN : 9782220096261
300 pages
Desclée de Brouwer (23/10/2019)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Notre avenir sera si riche que nous n'avons pas à nous soucier des dettes qui s'accumulent : elles seront effacées par les performances du futur. Et si l'homme est un être nuisible qui a dévasté la planète, il pourra sans problème être régénéré et «augmenté » par les miracles de la technologie. Telles sont les promesses que nous fait le capitalisme spéculatif.
Depuis près d'un demi-siècle, cet esprit malin a saisi la sphère financière, puis l'économie réelle,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Cet essai mériterait de devenir une lecture obligatoire dans les business schools. Avec un sens aigu de la pédagogie, il explique comment notre capitalisme, qui a élevé remarquablement le niveau de vie en nos pays, s'est dévoyé d'une approche accumulative vers une obsession spéculative. Nous vivons à crédit, avec une montagne de dettes, qui ne nous offre que la fuite en avant pour répondre aux attentes des spéculateurs. L'auteur date au jour près le moment de cette dérive, càd la promulgation de l'ERIS Act aux USA en 1974. Les fonds de pension, alors affectés à l'entreprise qu'ils servaient, sont devenus autonomes et ont diversifié leurs placements. Cela a déversé massivement des capitaux en bourse, laquelle en France représentait alors moins de 20% du PIB et est valorisée en 2018 à 110% du PIB.

C'est de cette époque qu'est née cette obsession de la croissance, promesse ultime pour attirer les capitaux, avec son lourd tribut environnemental et social. Demain sera meilleur et remboursera les dates d'aujourd'hui. Tout devient spéculation (cfr la valorisation boursière de Tesla qui ne gagne pas un dollar, tant de fois supérieure à celle de Renault, largement bénéficiaire). Cela a entrainé une transformation radicale du travail, où le travail réel a cédé le pas au travail de pilotage (mbo, reportings, budgetisation, forecast, reforecast,...)

La financiarisation, l'esprit spéculatif ont abrogé les projets industriels et le travail porteur de sens et de reconnaissance. Les investisseurs ont guidé le pilotage des entreprises (à court terme) davantage que les actionnaires propriétaires (qui pensaient à long terme).

PY Gomez explique le mythe du marché, la nature de l'approche neo-libérale, l'impact sur la gestion des ressources humaines (le nom dit beaucoup...) : mbo, rémunération variable, open spaces pour réduire les couts immobiliers, ...)

Le propos clair est convaincant. La démarche académique, qui repose sur ses travaux de recherches et ceux de collègues de différentes universités, renforce le crédit de la plaidoirie. Toutefois, il ratisse parfois large et donne à penser que ce capitalisme spéculatif est la mère de tous les maux de notre société (la valorisation de soi-même (p 113) a ses origines en mai 68 me semble-t-il, les développements technologiques ou informatiques sont apparus avec les premiers ordinateurs lors de la 2e guerre mondiale (et pas avec la digitalisation, p 130), le client qui travaille à la place du commerçant ne date pas des technologies bancaires, mais déjà de l'invention du supermarché où le client se sert lui-même à la place du commerçant (p 187),...

Cela dit, le récit est particulièrement éclairant sur la globalisation, la marchandisation de l'économie privée (le service gratuit à autrui : auto-stop remplacé par Blablacar, la chambre d'ami désormais louée sur AirBnb,...) et ses effets sociaux comme ce qu'il appelle à juste titre la "grève individuelle" (désengagement, démotivation, absentéisme, burn out qui remplacent le conflit collectif,..) et grève qui mobilise des pratiques ésotériques pour endiguer le mal (bonheur au travail, chief happiness officers,...).

Loin d'être un appel nostalgique aux théories qui ont échoué (communisme, socialisme,..) cet ouvrage après avoir attiré l'attention sur les dérives de notre système capitaliste, explique en quoi ces recettes surannées ne sont pas une solution pour gérer cette complexité. Il en appelle à cultiver le doute, la démarche critique et la recherche, non pas d'une solution miracle unique (anticapitalisme révolutionnaire, réaction conservatrice, écologie hétéroclite p 261) mais d'une parole libre, qui crée des liens, recrée des communautés, fait émerger des pratiques nouvelles et surtout porte à nouveau l'idéal humaniste.

Outre quelques expressions stimulantes autant qu'humoristiques ("malice au pays des merveilles p 257) l'auteur a vu juste dans ce livre sorti bien avant la pendémie du covid19, sur ces contretemps qui viendront perturber le récit apparemment implacable du capitalisme spéculatif (p 279) et tout ce que nous avons cédé à la Chine, de production de biens précieux à nos besoins (cfr. les masques de protection face au virus).

Une lecture particulièrement éblouissante qui s'achève par la promesse d'une suite, consacrée à ce travail souterrain qui permettra de concevoir un monde plus serein que notre monde actuel qui croule sous les dettes financières, écologiques et sociales. Impatient de la découvrir.
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A quoi contribuons-nous au quotidien ? Empilons-nous des pierres, construisons-nous un mur, bâtissons-nous une cathédrale ?
Le sens que nous donnons aux choses reflète une part de notre espérance donc de notre prospérité. Quelle philosophie dirige donc notre vie ? Qu'est-ce que la vie bonne ?
J'ai lu l'esprit malin du capitalisme dans l'optique de mieux comprendre la finalité poursuivie pour l'humanité.
Pour ce faire, je me suis rappelé ce qu'écrit Wilian Rosen dans The most powerful idea in the world - A story of Steam, Industry & Invention - au sujet de Thomas Malthus et de son Essay on the Principle of Population (1798). Ce démographe explique pour la première fois pourquoi le niveau de vie a stagné du VIIème au XVIIème siècle. Ce phénomène connu sous le nom de Piège de Malthus consiste à constater que les richesses croissent linéairement alors que leurs consommations croissent exponentiellement.
La première révolution industrielle nous a sorti pour la première fois de l'ornière en décuplant la puissance de production des richesses. Elle a ainsi montré qu'il était possible de travailler sur l'évolution des richesses plutôt que sur la régulation de la population. Par conséquent, j'ai décidé d'adopter comme grille de lecture l'hypothèse suivante : "nos systèmes économiques tendraient à nous exfiltrer de la chausse-trappe de Malthus d'une manière durable." Avec cette perspective, nous pouvons comprendre pourquoi la loi de Moore est aussi marquante que la révolution de la machine à vapeur. Quel phénomène pourrait donc durablement succéder à la loi de Moore et mettre en oeuvre un passage à l'échelle réussie ?
Nous constatons ainsi que la malignité ou l'écueil du capitalisme, dans sa forme actuelle, réside principalement dans l'échec du passage à l'échelle.
L'Oxfam illustre ce fait par la nécessité de mettre en oeuvre une économie au service des 99% et ajoute : "Il est temps de construire une économie centrée sur l'humain qui profite à tous, et non à quelques privilégiés." Pour l'heure, l'économie socialiste que nous avons connue tendait à se focaliser sur la clé de répartition des richesses plus juste, mais sans se soucier de produire des richesses avec suffisamment de puissance. Elle a prouvé son inefficacité enrayer le piège de Malthus.
En effet, il s'agirait de vaincre le goulet d'étranglement permettant le passage à l'échelle. Il s'agit de la difficulté de l'économie financière à investir avec pertinence dans l'économie réelle sans générer de risque inacceptable. Il s'agirait notamment de supprimer les intermédiaires entre les entreprises et les investisseurs tout en délivrant des garanties. C'est l'un des enjeux du private equity. A l'instar des paiements, les investissements des private equity pourraient devenir instantanés. En effet, un changement de processus est possible : une autorité de certification garantirait la crédibilité de l'entité non cotée selon un mécanisme de notation pertinente puis une blockchain permettrait les transactions d'investissement. Une telle méthode augmenterait considérablement la capacité d'irrigation de l'économie réelle par la finance. Il s'agirait donc d'augmenter, par un effort d'automatisation, la productivité des investissements dans l'économie réelle. Cet aspect des choses semble aussi crucial que l'augmentation de la puissance de traitement de l'information ou que l'augmentation de la productivité du travail par robotisation.
En s'inspirant de réussites des scale-up, nous pourrions imaginer que les crises pourraient servir à gérer la résilience donc l'aspect durable. Cette économie du chaos, à l'instar de l'approche chaos monkey engineering, nécessite de bénéficier des bons outils pour aborder un monde qui, à l'instar de la vie, est fondamentalement non linéaire. C'est en ce sens que les technologies digitales seraient les plus porteuses d'avenir.
Je recommande vivement la lecture de cet ouvrage qui fait réfléchir.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Dans les années 1970, les théoriciens de l’École de Chicago étaient marginaux et assez largement méprisés du fait de l'indigence de leur conception de la vie en société. Ils prônaient un retour à une anthropologie élémentaire : l’être humain considéré comme un individu rationnel et maximisateur; prémisses débouchant sur une science politique basique : la société peut se lire comme le produit des comportements et des ajustements individuels. Les efforts intellectuels des sciences humaines et sociales pour comprendre les institutions et leurs rôles, les mouvements sociaux ou les phénomènes communautaires étaient écartés au profit d’un retour critique à un libéralisme individualiste idéal de stricte obédience : d’où le terme néolibéralisme.

L’accent mis sur la liberté absolue de l’individu a d’abord trouvé une oreille attentive chez les intellectuels critiques des années post-68, en rupture avec les grandes technocraties du Plan et les idéologies de masse. Le néolibéralisme, dans sa radicalité même, proposait un discours alternatif, corrosif et stimulant. Michel Foucault n’y fut pas insensible et ses épigones influents dans les années 1980-1990 ont été ambigus sur le sujet. Une large part de la postmodernité est une reformulation enrichie des hypothèses néolibérales individualistes les plus basiques. De ce côté, la résistance intellectuelle a donc été plutôt molle.
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L’extension du domaine de la spéculation n’est pas une pathologie d’un capitalisme (accumulatif) vertueux soudain dévoyé par des gens avides et des excès. La spéculation va au-delà de simples emballements cupides. C’est une nouvelle manière de « rationaliser » la création de valeur économique. L’économie reste, certes, fondée sur la concentration de capital dans l’économie, notamment dans de très grandes entreprises. Mais la nouvelle gestion des financements a opéré une séparation décisive entre l’accumulation par les uns et l’utilisation par les autres. Les acteurs qui accumulent sagement et préalablement le capital ne sont pas ceux qui les investissent « rationnellement » dans des entreprises. C’est une technocratie spécifique qui assure la gestion des flux et des choix qui sont spéculatifs. La « rationalité » consiste à créer les conditions de ruptures et de miser sur l’explosion de valeur qu’elles produiront. D’où le mouvement brownien, les innovations incessantes, le changement comme art de gouverner et la course au résultat.

Le capitalisme spéculatif a modifié la manière dont notre société définit la « performance » et se régule : chaotique, dynamique, non linéaire, non planifiée mais supposée apporter une prospérité sans fin à mesure que le financement permet l’invention de l’Avenir. Chacun, petit ou gros spéculateur, y prend sa part de travail. Tous rêvent de s’enrichir mais à des échelles et dans des proportions fort différentes. Et c’est donc un nouveau capitalisme qui s’est mis en place, il y a près de cinquante ans.
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Je prédis donc, sans grand risque de me tromper, la fin prochaine du cycle de la digitalisation à mesure que la promesse des gains liée notamment au Big Data s'avéreront inférieures aux attentes et que la digitalisation ne produira pas autant de richesses qu'elle en a consommé.
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Il n'est pas acquis que la destruction massive des ressources nécessaires au rythme de l'intense innovation qui est la nôtre, produise plus de richesses qu'elle en déduit.
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