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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Germinie Lacerteux défini en une phrase, ce serait l'anti Assommoir.
En effet, là où Zola semble se délecter de la déchéance de Gervaise, les frères Goncourt, quant à eux, proposent un portrait de fille du peuple – malheureuse –nettement plus nuancé, fin et empathique ; ce qui ne laisse pas d'étonner lorsque l'on sait, par ailleurs, avec quelle piquante cruauté ils brossaient les portraits de leurs contemporains, dans leur fameux Journal.
Sans doute, l'inspiration du personnage de Germinie n'est-elle pas étrangère à l'humanité que recèle leur roman. Car derrière Germinie se dessine en filigrane leur servante Rose qui, elle aussi, avait une double vie, ainsi que les auteurs le rapportent dans leur Journal : « Elle entretenait des hommes, le fils de la crémière, auquel elle a meublé une chambre, un autre auquel elle portait notre vin, des poulets, de la victuaille… Une vie secrète d'orgies nocturnes, de découchages, de fureurs utérines […] Une passion, des passions à la fois de toute la tête, de tout le coeur, de tous les sens, et où se mêlaient les maladies de la misérable fille, la phtisie qui apporte de la fureur à la jouissance, l'hystérie, un commencement de folie. […] Et à l'égard de ces hommes, c'était une ardeur si extravagante, si maladive, si démente, qu'elle — l'honnêteté en personne autrefois — nous volait, nous prenait des pièces de vingt francs sur des rouleaux de cent francs, pour que les amoureux qu'elle payait ne la quittassent pas.
Or, après ces malhonnêtes actions involontaires, ces petits crimes arrachés à sa droite nature, elle s'enfonçait en de tels reproches, en de tels remords, en de telles tristesses, en de tels noirs de l'âme, que dans cet enfer, où elle roulait de fautes en fautes, désespérée et inassouvie, elle s'était mise à boire pour échapper à elle-même, se sauver du présent. »
Mais on n'écrit pas une grande oeuvre avec juste du vrai, et les innombrables romans-témoignage, qui nous infligent aujourd'hui leur indigence littéraire, sont là pour le démontrer. Ce qui fait la grandeur – tragique – de Germinie Lacerteux c'est non seulement son style mais encore sa force évocatrice, comme dans ce passage significatif entre tous : « Les jours succédaient aux jours pour Germinie, pareils, également désolés et sombres. Elle avait fini par ne plus rien attendre du hasard et ne plus rien demander à l'imprévu. Sa vie lui semblait enfermée à jamais dans son désespoir : elle devait continuer à être toujours la même chose implacable, la même route de malheur, toute plate et toute droite, le même chemin d'ombre, avec la mort au bout. »
Sur le fond, on pardonne tout à Germinie et l'on accable sans retenue les instruments de son malheur, tout en remerciant la Providence de lui avoir accordé une femme qui, elle aussi, a eu son compte de souffrances : mademoiselle de Varandeuil, sa maîtresse, qui, sa colère passée après découvert l'autre vie de sa domestique, comprendra que le malheur de Germinie était cause de ses agissements insensés et désespérés.
Car pour mademoiselle de Varandeuil, Germinie, « ce n'est pas une bonne, ce n'est pas une domestique pour moi, cette fille-là : c'est comme la famille que je n'ai pas eue !... » Aveu déchirant qu'il eût été bon de faire plus tôt à l'intéressée en mal d'amour au point de se jeter dans les excès les plus dévastateurs, dans les bras de créatures malintentionnées qui écumeront toujours le monde à la recherche d'âmes sincères à pervertir et détruire.
Tout cela est raconté avec une acuité psychologique qui me fait dire – ainsi qu'à d'autres ! – que Freud n'est pas tombé du Ciel. D'autres avant lui avaient pensé les souffrances psychiques…

De Germinie Lacerteux je ressors avec une indéfinissable tristesse et j'en remercie ses auteurs car, ainsi qu'ils l'ont écrit dans leur préface : « le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre, avec sa triste et violente distraction, est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène. »
C'est la définition même de la littérature, je crois…

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LE VIOL DE GERMINIE


Dans l'établissement il ne resta que Germinie et Joseph, le vieux garçon. Joseph était occupé dans une petite pièce noire à ranger du linge sale. Il dit à Germinie de venir l'aider. Elle entra, cria, tomba, pleura, supplia, lutta, appela désespérément…
La maison vide resta sourde.

Voyez avec quelle sobriété et quelle économie de moyens les deux frères évoquent le viol de Germinie. Tout est suggéré et laissé à l'imagination de lecteur. Certains (es) de nos écrivains (es) modernes qui se complaisent à nous décrire crûment et avec force détails -plus ou moins croustillants - de telles scènes auraient bien fait de s'en inspirer. Encore eût-il fallu qu'ils connaissent cette oeuvre, ce dont on peut douter !
le roman des Goncourt est l'analyse « scientifique » du cas de Germinie . Sans cesser de se dévouer à sa patronne, elle connaît l'ivresse, le vol, le viol, la débauche, la dépravation, la maladie, la mort et enfin la fosse commune. Mais « ce n'est pas l'histoire qui fait un bon roman, c'est le style » disait D Ormesson. Et comme vous pouvez le constater dans l'extrait présenté, chez les Goncourt, le style n'est pas un vain mot. Et tout est à l'avenant. Un vrai régal.
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Je constate que ce roman a hélas reçu des critiques peu élogieuses… Cependant les Goncourt sont parmi les plus grands écrivains de la littérature française, et quand je pense à certains romans contemporains, qui récoltent des couronnes de laurier alors qu'ils sont assez désolants à tout point''de vue, j'ai envie de rire à gorge déployée. Mais voici donc ma critique et mon résumé de ce splendide roman,.
Les frères Goncourt avaient une bonne qui leur était tout attachée depuis de longues années et pour laquelle ils éprouvaient une grande tendresse. Quand celle-ci mourut, ils en furent bouleversés. La maîtresse de Jules de Goncourt leur apprit cependant que Rose (le prénom de leur bonne) était une personne à la vie plutôt tourmentée, voire invraisemblable... Les bras en tombèrent aux malheureux frères quand ils apprirent que celle en qui ils avaient toute confiance les avait volés et menait une vie dépravée, qui fut la cause de sa déchéance avancée.

Aussi décidèrent-ils de raconter la vie de leur chère Rose et Germinie Lacerteux vit le jour.

C'est une écriture fine, admirable, qui n'épargne aucun détail, qui va au fond des choses tout en explorant la psyché humaine. Vous y lirez des scènes remarquables par leur intensité dramatique, où l'émotion est toujours présente, sans oublier les descriptions minutieuses, parfois amusantes, parfois sordides. On s'étonne toujours en lisant ces lignes travaillées, avec ce ton à la fois naturel et avec un je ne sais quoi d'aristocratique, de distingué, et ce curieux mélange des genres rend ce roman tout à fait attachant et unique.

On dit que Zola s'en inspira à maintes reprises, mais il y a chez les Goncourt une grande finesse et une retenue qui ne se retrouve pas, par exemple, dans Thérèse Raquin ou dans d'autres romans de ce dernier. En revanche, on pourra faire beaucoup de rapprochement avec l'atmosphère qui règne dans Madame Bovary, quand on sait que les Goncourt étaient des amis et admirateurs de Flaubert. Bref, pour le lecteur qui aime cette époque et ces écrivains, il y a un réel plaisir à lire ces pages et cette vie d'une pauvre fille qui ne peut lutter contre ses "instincts" et qui se donne du plaisir, mais qui se voit tout de même la victime d'une certaine société de petites gens, détestée par ailleurs des Goncourt, qui semble tenir au bout d'un fil la marionnette qu'est Germinie.

Germinie qui a un coeur d'or et qui aime les enfants, n'en ayant pas eu, et va jusqu'à s'occuper d'un jeune garçon qui la fera glisser, lui comme d'autres hommes, sur la pente de la déchéance. On ressent de la pitié pour cette jeune femme qui est attachée à sa vieille maîtresse (autrement dit les Goncourt) et qui n'ose pas la quitter dans la crainte de la rendre malheureuse. Cependant, elle la vole, pour aider son jeune amant (ce qu'elle fit aux deux frères...).

Le récit est absolument magnifique, vivant, et il y a des pages remarquables, qui nous emportent dans un Paris en train de changer peu à peu, les moeurs devenant lâches et floues, où les repères ne sont plus les mêmes qu'auparavant, du fait de la liberté accordée aux gens de service ou aux arrivistes de toutes sortes.

La mort de Germinie à l'hôpital, se déroulant dans une simplicité remarquable, est à l'image de la bonne des Goncourt, elle qui sembla accepter son mal, comme si, par là, elle payait le prix de sa trahison envers ses maîtres.

De temps à autre, j'aime à me replonger dans ces atmosphères un peu oubliées, désuètes (en apparence) mais finement et justement analysées par des "connaisseurs" de la psychologie humaine, qui ont, durant des années, approché les plus grands politiques, journalistes, auteurs et peintres de cette dernière partie du XIXème siècle.

C'est un roman que l'on prend plaisir à relire, et qui dit la misère des petites gens, qui souffrent elles aussi, dans l'ombre, et qui, pour la première fois, s'étaient vues devenir le sujet d'un nouveau genre de roman, que les frères Goncourt avaient pour ainsi dire, lancé dans les milieux littéraires et qui a inspiré par la suite E. Zola.
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Le roman nous fait revivre le Paris de la moitié du XIX-ème siècle.
Germinie, une paysanne née à la campagne est envoyée à Paris, à l'âge de 14 ans pour y gagner sa vie. D'abord dans un café, après elle travaillera toute sa vie comme bonne pour une vieille fille de la noblesse. Les joies et les malheurs se succéderont, la feront sombrer dans la misère, dans l'alcoolisme jusqu'à devoir emprunter pour ses besoin, puis sombrer dans la maladie et s'éteindre bien trop vite.
Comme l'a écrit Zola lors de la parution : " Cette oeuvre a un charme provocant; elle monte à la tête comme un vin puissant, on s'oublie à la lire, mal à l'aise et goûtant des délices étranges".
Une grande première pour moi de découvrir ma première oeuvre des frères Goncourt.
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