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sur 696 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cher ami babeliote, auras-tu la flemme de lire cette critique ?

Oblomov, lui, n'eut sans doute pas l'énergie de venir à bout d'un tel ouvrage. Presque 700 pages dédiées au parti du moindre effort, où les péripéties se résument à se tourner sur le flanc lorsque l'on était jusqu'alors allongé sur le dos, où l'on rêve que l'on dort, où le « héros » ne finit par se désengourdir dans son lit qu'après 65 pages, où l'on n'en finit pas de compter les grains de poussière dans la chambre etc. Alors pourquoi, à l'heure où nous n'avons plus le temps de rien, se plonger dans une telle torpeur littéraire ?

Bien sûr, si vous avez déjà succombé au bovarysme alors vous avez quelques prédispositions pour l'oblomovisme. Comme Emma Bovary, Ilya Ilitch Oblomov est en décalage avec la vie. Mais là où Emma Bovary fuit l'ennui, Ilya Ilitch le recherche.

D'ailleurs jamais il ne s'ennuie. Il s'agit plutôt d'une quiète flânerie onirique que rien ne doit troubler, nous dirions aujourd'hui qu'Oblomov psychosomatise – son corps accuse les maux de son âme - et se fait une montagne des petits soucis du quotidien, de cette vie qui ne le laisse jamais en paix, à tel point que son atonie le pousse toujours davantage dans la fuite de la vie en société, du travail, de la vie familiale etc. Oblomov passe à côté de sa vie précisément car il se l'imagine trop, il se noie dans les tréfonds de cet imaginaire aigre-doux et perfide - celui-là même dont son ami Stolz se méfie.

La vie de Gontcharov (en caméo dans son propre roman !) attise bien des curiosités, au-delà des comparaisons a posteriori avec une Emma Bovary ou un Frédéric Moreau, antihéros un peu branleur et mondain de l'Education Sentimentale (encore Flaubert, toujours Flaubert), comment l'auteur russe a-t-il pu trouver une si singulière inspiration ?

Schématiquement, le personnage d'Oblomov est l'incarnation de ce que l'on appelle, en psychologie clinique, l'aboulie, la défaite de la volonté. Pour lui toute tentative de vie sociale, mondaine, d'agitation, de labeur, d'épargne ou de curiosité n'est que vanité et stérile agitation comme si in fine cela ne faisait pas grande différence. Que pourrait t on lui opposer ? (Aidez-moi à le convaincre dans vos commentaires peut être…).

Zakhar, le valet clampin d'Oblomov, véritable tire au flanc, est une autre déclinaison de la paresse et apporte une tension comique précieuse à l'oeuvre. Là où Oblomov admet son état - qu'il le revendique ou le blâme – Zakhar se cherche constamment des excuses, n'assume jamais sa fainéantise, il a toujours une « bonne » raison de ne pas avoir fait ce pourquoi on le paye et entretien scrupuleusement son déni comme une armure.

Stolz représente une forme d'anti Oblomov. C'est un personnage volontaire, raisonné, en perpétuel mouvement. Face au contraste entre les deux amis, le narrateur invoque l'attraction des contraires.

Les interventions de Tarantiev dévoilent une autre facette de la paresse, après l'aboulie léthargique d'Oblomov et le déni de fainéantise de Zakhar, c'est le parasitisme. Tarantiev tente de vivre au crochet des autres, et notamment d'Oblomov, à force de le tourmenter et de le culpabiliser, mais lorsqu'il doit lui-même faire quelque chose, l'angoisse de quitter sa flemme surgit.

Le personnage féminin central, celui d'Olga est admirable et tout en nuances, une jeune femme déjà mature dont la psychologie très fine oscille entre séduction, analyse et bienveillance, j'ai le sentiment que c'est le personnage le plus libre du roman en ce qu'il n'incarne pas un trait de caractère opposable à Oblomov. Nous ne sommes pas dans le rapport très comique Oblomov/Zakhar ou « 50 nuances de flemme » ni dans la « thèse antithèse et pas de synthèse » Oblomov/Stolz. Cela permet une certaine fraicheur, quelque chose d'inédit et d'imprévisible dans les rapports entre Olga et Oblomov, et leur relation, qui force Oblomov à sortir de son confort apathique, nous dévoile les ressorts de son atonie, entre égoïsme et désespoir fatal.

Oblomov est un roman psychologique et l'une des plus grandes satisfactions du lecteur réside dans les portraits désarmants des personnages et leurs interactions, notamment les dialogues, rien d'étonnant d'ailleurs à ce que le théâtre ait adopté Oblomov.

Les clichés restent à la porte de cet ouvrage et nous avons la vision dynamique d'un couple finalement très précurseur.
Si les personnages d'Oblomov et d'Agafia représentent des êtres figés, entre résilience et résignation, comme enracinés dans leur routine et comme les arbres finalement courbés par les vents violents de l'existence, les vies d'Olga et de Stolz naviguent sur les flots, en perpétuel mouvement, avides de nourritures terrestres.

On prouve que l'on a du caractère lorsqu'on parvient à vaincre le sien, mais cette victoire ne peut se faire que sur nous-même et pas dans la fuite (Henri Laborit me contredirait sûrement), autrement elle est artificielle, en témoigne l'illusoire et indolente rédemption passagère d'Oblomov dans l'amour.

Je lis ça et là qu'Oblomov est un éloge à la paresse, je ne le crois pas. Il n'y a qu'à voir les tourments psychiques et matériels dans lesquels le plonge son hégémonique inertie. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des leçons à tirer du personnage, notamment dans le fait de ralentir, de contempler davantage et de prendre un sacré recul sur les vaines agitations de nos existences facultatives. Mais il faut tout de même rappeler ici qu'Oblomov est un noble à une époque où la Russie n'a pas abolit le servage, et comme nous l'apprend le passage du « songe d'Oblomov », ce dernier est éduqué pour être d'une oisive nonchalance, et qui plus est, il peut se le permettre économiquement, aux frais des paysans de son domaine !

J'en viens à la langue d'Oblomov, je suis assez parano sur les traductions, et il faut signaler que s'agissant de notre ouvrage, il y a quelques raisons. Je conseille après enquête l'édition du Livre de Poche, qui est la plus récente traduction et je déconseille l'e-book du domaine public, toute première traduction française largement tronquée qui ne fait qu'une centaine de pages.

Dans l'ombre de « Guerre et Paix » et « Crimes et Châtiments », cette épopée de la paresse, véritable chef d'oeuvre national en Russie, procure des moments jubilatoires (vous aurez moultes occasions de méditer au détour d'une phrase) ainsi qu'une salutaire introspection car il est d'une actualité piquante à l'ère des procrastinateurs, du « bore-out » et du « burn-out » et le livre pose également la question de ce que l'on fait de sa vie, la douceur et la désarmante sensibilité d'Oblomov nous amène à reconsidérer nos perceptions, mieux vaut la quantité ou la qualité de la vie ? Peut-on choisir sa vie ? Et surtout, éthiquement, peut-on choisir cette vie ? Ruwen Ogien dirait oui mais vous, qu'en pensez-vous ?

Je vous souhaite en tout cas de passer avec Oblomov des moments aussi singuliers et denses que ceux que j'ai pu passer ces derniers mois.

Mais attention ! le texte de Gontcharov est une liqueur dense et riche dont les mots, pleins d'acuité, se lampent du bout des yeux et se digèrent lentement, alors gare à l'écoeurement. A Oblomovka rien ne presse, à lire paresseusement !
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Oblomov, trentenaire, profite des revenus de son domaine de 300 âmes situé à bonne distance de Saint Petersbourg et qu'il n'a pas visité depuis des lustres. Il préfère passer son temps entre le lit et le divan à refaire le monde - privilégiant la position allongée - la tenue de la maison laisse à désirer, - Zakhar, le serviteur est fidèle mais tout aussi fainéant que son maître.Et nous voilà invité dans l'intimité d'Oblomov, rencontrant quelques personnages hauts en couleur, (certains le bernant) et l'on participe à ses réflexions, ses doutes, son histoire d'amour naissante avec Olga et enfin l'amitié sincère de Stolz, ami d'enfance qui n'a de cesse de lui ouvrir des perspectives et des opportunités, souvent en vain.

Quel roman, et quelle peinture de la nature humaine. Avec humour et beaucoup d'esprit Gontcharov épingle, dans la première partie, une galerie de personnages qui constituent le cercle des relations d'Oblomov, offrant un échantillon de la société russe bourgeoise ou artistique, des amis pas toujours sincères ou désintéressés dans un style drôle et léger. Seul son ami d'enfance d'origine allemande Stolz, son opposé (dynamique entreprenant, optimiste), prend soin de lui, le protège et tente de le remettre dans une dynamique qu'Oblomov élude et refuse dans cesse.
Attachant par ses angoisses, exaspérant par ses atermoiements, Il se noie dans ses hésitations et ses réflexions qui le poussent invariablement à la procrastination. Une attitude qui passera dans le langage courant russe sous le terme d'oblomovisme, une sorte de léthargie constante, handicapante mais d'une lucidité incroyable.
Une lucidité telle, qu'il entrevoit toutes les éventualités de chaque situation les évaluant plus en terme de problèmes à venir que de bénéfices ou de joies qu'il pourrait vivre, et renonce ainsi à toute action et ce, dans tous les domaines.

Etude de moeurs, étude de caractères mais également étude sociale sur la petite aristocratie terrienne, exilée en ville qui se laisse vivre représentative d'une société russe en déliquescence.
Beaucoup d'humour une acuité d'analyse dans la psychologie et une cohérence dans les réactions des personnages font de ce roman une vraie réussite dans la lignée de Gogol pour l'humour surréaliste, Maupassant pour la peinture de moeurs et Balzac pour l'intrigue. Un écrivain du XIXème majeur et un roman, que Tolstoï considère comme une oeuvre capitale, c'est un grand roman sur la nature humaine.
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Edition L'Age d'Homme de 1986 - Traduction Luba Jurgenson

Il m'a fallu quelques jours pour rassembler mes esprits quant à cette critique; non que j'eusse été pris d'oblomovisme, mais pour bien essayer de saisir la portée de ce livre, qui à l'aune des débats de notre temps, prend une tournure encore différente de tout ce qu'il a déjà questionné depuis sa publication.
Délicat... Un tel livre, dont l'étude continue de nos jours, sûrement du fait que l'auteur lui-même ne semble pas vouloir en tirer une morale claire, mais de poser des questions, dont il aurait commencé à répondre plus tard dans son oeuvre "La Falaise" si je m'en réfère à certains l'ayant lu... Encore un autre livre à lire.
Tachons donc d'être personnel... Oblomov, héros de la décroissance ? Pas vraiment, il faut être clair sur ce point, dans le sens que cette apathie et cette propension au rêve et à l'inactivité, ce refus des passions et de la transformation de son environnement, ne s'accompagnent pas d'une réflexion sur une prétendue relativité des croyances de l'Homme; l"aquoibonnisme" ici n'est que paresse, plaisirs de la table et finalement de la chair, bien que cette dernière se fasse longuement et cruellement attendre, donnant au passage à voir la rigidité glaciale des convenances religieuses et bourgeoises des relations galantes.
En bref, l'envie de renverser la table d'Olga et de toute sa famille, assommant Oblomov avec un os de jarret, démontrant ainsi l'iniquité souffreteuse de cette hypocrisie enfermant le personnage probablement le plus doué de sensibilité de tout le livre, la merveilleuse Olga corsetée jusque dans son âme par la société noble, dont Gontcharov esquisse subtilement le portrait de l'inutilité, et de son acceptation forcée, comme état de Nature, fait de naissance, par les masses laborieuses — le fils d'Oblomov, né tout blanc et avec des membres de poupée, comme son père, n'est de tout de façon pas apte à quelques travaux que ce soit, reconnait Agafia Matvéevna — tout en insistant sur cette bonté originelle, ramenant peut-être au mythe de la pomme de la connaissance...
Donc oui, Oblomov aurait pu être "L'Idiot", et Dostoïevski aurait plutôt nommé le sien "Le Blond"....
Zakhar, crétin parfait, dont le mariage avec la futée Anissia, insiste sa fonction de bouffon de l'histoire, de l'aveuglement des hommes (avec une minuscule) à déconsidérer les femmes (alors que ces sociétés slaves sont loin d'être les pires de ce côté là...). Il amène toute la partie burlesque, celle qui fait des premiers chapitres du livre une farce de boulevard, avant que l'on ne plonge dans cette longue partie onirique qu'est le Rêve d'Oblomov, permettant d'ancrer l'oblomovisme comme atavisme familiale, narrant cette douce et molle vie à la campagne, que seul l'étincelle de la jeunesse viendrait troubler, donnant au lecteur la vision d'une forme d'Eden, opposé à la modernité de la connaissance et de l'internationalisme.
Stolz incarne bien-sûr cette engeance. Lui seul arrive à sortir Oblomov de ses vapeurs coussineuses. Son rôle, globalement positif, est habilement teinté d'arrogance pour que la question reste ouverte: doit-on aller contre la volonté de quelqu'un, "dans son intérêt" ? Et puis, au fond, n'est-ce pas là une forme de satisfaction égoïste pour lui ? Celle qui parfois l'aveugle temporairement : la machination de Tarantiev et Moukhoïarov étant dès le début évidente, eux fuyant le repas de la Saint-Elie sitôt son arrivée...
Ces deux réjouissantes crapules sont des personnages inoubliables. Je ne boirais plus jamais de rhum de la Jamaïque de la même façon.
Buvons donc.
Buvons aux chefs-d'oeuvre, même si celui-ci m'aura par moment bien agacé, il est une saine et indispensable lecture en ces temps de confinement.
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Oblomov est une oeuvre littéraire de l 'écrivain russe , Ivan Gontcharov .Ce dernier est estimé par ses pairs de l 'époque tels Dostoïevski ,Tourgueniev ,
Tolstoï pour ne citer que les plus illustres .D 'ailleurs Tolstoï disait de cette oeuvre :"Oblomov est une oeuvre capitale ".Il s 'agit d 'un grand écrivain mais peu connu jus qu 'à une certaine époque .Tourgueniev l 'estimait et ce malgré leur rivalité littéraire . Ce roman est considéré comme une satire où l'auteur caricature l 'aristocratie de son époque et critique le règne du tsar Nicolas .
Je vais transcrire l 'étude faite sur l 'auteur par son éditeur parisien :
"Gontcharov ( 1812-1891 ) avait trente-quatre lors que vers 1846 ,il aborda la littérature .Dans son premier roman, intitulé Une Histoire ordinaire , il mit en scène un rêveur qui ,en regrettant sa jeunesse perdue , vit dans les nuages et se repaît de chimères .Il y dépeignit la profonde langueur ,intellectuelle et morale , où le règne de Nicolas avait plongé la Russie .
La main sur le pouls du malade , Gontcharov raconta , calme et impassible,les souffrances de la société . Il ne prit pas la peine de rechercher les sources du mal : chacun les connaissait trop bien . Son livre fit événement : ce fut à la fois une vengeance et un triomphe .
L'écrivain garda ensuite le silence durant douze ans . On disait vaguement que , par une note secrète , la censure impériale lui avait prescrit d 'observer désormais plus de circonspection . Il reparut enfin avec Oblomov , une nouvelle étude aussi cruellement vraie et tracée d 'une main plus ferme encore .
Dans Une Histoire ordinaire , il avait montré comment
s 'est opérée la désorganisation sociale , dans Oblomov il peignait la société telle que l' avait faite le règne précédent . Adonieff , le héros d 'Une Histoire ordinaire , est
un moribond qui lutte contre l 'agonie .Oblomov est un mort qu 'on galvanise .
Sans caractère ,sans énergie ,sans initiative , il nous représente le produit extrême d 'un despotisme qui a fait son temps .
La figure d 'Oblomov est complétée par celle de son domestique-serf Zakhare . Ce dernier appartient à deux époques : de la première il a retenu un dévouement sans bornes pour la famille des Oblomov ,la deuxième a raffiné ses moeurs et élargi sa conscience . Il adore son maître et le calomnie il lui prêche l 'économie et s ' enivre à ses dépens . Il est avec lui familier ,bourru ,grossier, mais il
l 'aime comme un chien aime son chenil . Rien de plus franchement comique ni qui ait une saveur plus étrange que les dialogues entre Oblomov et ce Scapin sauvage ".Etude sur l' auteur par Charles Deulin ( Paris 1877 )
On doit aussi évoquer l 'amour de la belle Olga qui a fait de son mieux pour faire revenir Elie à une nouvelle vie où il connaîtra l 'amour .Mais malheureusement son entreprise fut vaine .
On ne doit pas oublier l 'amitié solide et désintéressée de Stolz qui a tout tenté pour faire sortir son ami ,Oblomov de sa torpeur mais ce dernier est arrivé à découragé toute les bonnes volontés .
Oblomov est une grande oeuvre .Cette dernière est considérée comme un classique de la littérature russe du 19 e Siècle .
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Oblomov m'a fait prendre conscience que l'état d'esprit dans lequel nous sommes, lors de la lecture d'un livre, influence grandement la manière d' accueillir ce livre. Une première lecture d'Oblomov alors que j'étais au début de ma maladie m'a laissé perplexe et m'avait agacée puisque je ne comprenais pas comment une personne pouvait se complaire dans une grande apathie.
J'avais vraiment envie de le secouer pour qu'il reprenne ses esprits.
Je pressentais que je devais lui laisser une chance. Il m'était malgré tout très attachant.
Lors de ma deuxième lecture, ma maladie m'avait terrassée et là j'ai compris l'état d'esprit d'Oblomov, sa désillusion est devenue la mienne.
Tout comme lui j'ai découvert la vacuité de l'existence, et il faut soit un accident de la vie soit la sagesse du grand âge pour en prendre conscience.
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Je n'ai pas en tête d'autre exemple de grand roman où le nom du personnage éclipse à ce point celui de l'écrivain. Pour l'histoire, Gontcharov est l'homme d'un seul livre (ce qui n'est pas tout à fait vrai) et s'efface devant sa création : Oblomov, le Platon en robe de chambre ; nom propre d'un archétype, nom commun du paresseux, partisan de la position allongée, décliné en fantasme paradisiaque (l'Oblomovka), en philosophie qui ne s'en donnerait pas la peine ou douce maladie de l'âme (Oblomovtchina), et autres oblomovisme et oblomovien qu'on trouvera cuisinés à différentes sauces l'histoire contemporaine.
En vis à vis de l'auguste Oblomov on trouve l'ami Stolz, le clown blanc, et entre les deux la belle Olga. Mais on aurait tort de réduire le roman à sa dimension clownesque, en particulier à sa première partie dominée par le duo joué avec le valet Zakhar.
Le personnage positif, celui qui agit, raisonne, aime, c'est bien sûr l'industrieux Stolz, "l'homme debout". Mais cette débauche de positivité (voire de positivisme, religion du progrès qui nous mène droit dans le mur) est épuisante.
Gontcharov revenant de longs mois de voyage s'interrogeait : "A quoi bon ?" Oblomov renonce. "I would prefer not to", renonce aussi le Bartleby de Melville. Oblomov renonce et trouve le bonheur. Un bien piètre bonheur ! selon les hamsters dans leur roue. Mais que savent-ils de la poésie ?
"Perdu, mort pour rien", estime Stolz. Au contraire, à l'heure de s'éteindre, la molle et fidèle Agafia "savait [elle] pourquoi elle avait vécu, et estimait n'avoir pas vaincu en vain."
Et c'est surtout avec l'angoisse d'Olga, pourtant comblée, que nous laisse Gontcharov : "Est-ce là tout le bonheur, toute la vie ?"
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lya Ilitch Oblomov, habitant de Saint-Pétersbourg est atteint d'un grand mal, la paresse. Ce trait de caractère largement poussé a l'extrême tout au long du roman, va le mener a une mort prématurée. Et dès le début du récit le portrait du paresseux est brossé, avec un personnage en robe de chambre, affalé sur une banquette, un objet quasi anthropomorphique tant les deux ne font qu'un. Tout le roman sera centré sur cette quête contre une léthargie extrême, ses amis se succéderont pour le faire sortir de chez lui, le poussant à côtoyer la vie mondaine de Saint- Pétersbourg. Même l'amour véritable qu'il portera à Olga, une jeune russe, ne pourra le guérir en vain de sa paresse, un temps éloignée mais jamais véritablement évincée.

Et si Oblomov était un héros de l'inaction ? Parce qu'anti-héros donne à voir une connotation négative, Ilya Ilitch porte bien des valeurs, certes pas toujours acceptables dans notre société mais tout de même louables. En effet dans son inaction il dénonce la vanité de l'action, le caractère vain, inutile et dérisoire du fait de s'agiter. Si pour certaines personnes la vie s'identifie au travail et à la dépense d'énergie vitale, pour Oblomov la vie s'identifie au repos et à la rêverie, à une vie plus intérieure. Et c'est bien là la force de ce roman, cette articulation autour des deux versants du caractère d'Oblomov : l'oblomovtchina dénoncée par Stolz (son meilleur ami) comme une maladie de la paresse qui l'empêchera de mener une vie normale et l'oblomovisme, versant plus poétique et sensible d'une vie intérieure. Une lecture qui ne laissera pas insensible, nous invitant longuement à réfléchir à nos actions et répercussions, car si Oblomov ne renonce pas à la vie mais en envisage une différente, en décidant de ne rien choisir et de procrastiner, il s'impose de lui-même un destin (funeste) tout tracé.

Au-delà du roman et de la fiction, le personnage d'Oblomov représente une critique de la société russe de l'époque, une Russie très traditionnelle qui est sur le point de se transformer. La Russie industrialisée elle est représentée par son meilleur ami Stolz, qui au contraire est actif, travailleur et mondain. Deux hommes dont tout oppose mais un seul survivant... Ce qui ne n'empêche pas de conserver une tendre pensée pour ce cher Oblomov !
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Lu pendant ma convalescence après une opération qui m'a immobilisé 2 mois, j'ai pu mesurer l'énergie, l'effort que demande une vie oisive ! Oblomov passe sa vie à se demander comment il va pouvoir éviter toutes les contraintes de sa vie de rentier, et la force de ce roman, qui m'a marqué compte tenu du contexte, est de nous mettre dans la peau de ce personnage qui devient sympathique au fur et à mesure que l'histoire se déroule. C'est, pour cette époque, très bien analysé, et très juste.
C'est d'autre part une immersion dans une classe sociale assez importante en ce 19eme siècle en Europe, avec une superbe description de ce microcosme. C'est écrit lentement, danss yn style fluide et particulièrement agréable à lire. Il y a même un peu de suspens.
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Je viens de passer une semaine en très bonne compagnie, avec Oblomov, un personnage mythique de la littérature russe. Il tend à la rêverie, il est incapable de prendre des décisions et il a une aversion profonde pour toute forme d’effort, oui mais comme le définit très bien son ami Stolz "Oblomov à cette qualité plus précieuse que la plus fine intelligence : son cœur honnête et fidèle ! Ce trésor qu'il a sauvegardé tout au long de la vie. A chaque coup encaissé il tombait, se refroidissait, s'endormait, enfin, abattu et désenchanté, il a perdu les forces vitales, mais non son honnêteté et sa fidélité. Son cœur n'a pas émis une seule fausse note, il ne s'est pas couvert de boue...Son âme demeurera toujours aussi pure, limpide, et honnête... C'est une âme transparente, cristalline ; des gens comme ça se rencontrent rarement, ils sont des perles dans la foule ! On ne saurait acheter son cœur" je vous l'avais bien dit que c'était un être exceptionnel.
C'est aussi un roman qui n'est pas dépourvu d'humour surtout entre Oblomov et son domestique Zakhar.
C'est un roman qui nous fait réfléchir sur l'idée du bonheur, de la vie, de la place du travail, de l'oisiveté, sur qui a été heureux, malheureux ....
C'est un grand roman de la littérature qui a pour vocation de nous interroger, de nous faire rêver, et j'ose, rire parfois, alors n'hésitez plus, lisez ce roman.
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Si vous rendez visite à Oblomov, il y a de grandes chances que vous le trouviez couché en robe de chambre, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Enfin, pas la nuit, il dort. Et sans doute pas le matin, il dort également. Et s'il se sent un peu indisposé, il doit certainement se reposer aussi et éviter les visites. Mais si vous venez un après-midi où il ne sent pas trop mal, il devrait vous recevoir, couché en robe de chambre, pour vous expliquer à quel point il est submergé par les ennuis et n'a pas une minute à lui.

Oblomov est certainement un anti-héros ultime, mais qui provoque tellement de sentiments contradictoires !

Tout d'abord, il est la parfaite incarnation de la peur de « passer à côté de sa vie ». Car contrairement à ce qu'on pourrait penser au premier abord, Oblomov n'est pas vraiment paresseux : il a des projets, des envies, des angoisses. Mais toute son énergie est dépensée dans son imagination : à échafauder des plans, prévoir les possibles embûches, imaginer des solutions à des problèmes qui ne se posent pas encore, … L'anticipation de ces problèmes futurs, le travail mental de lister tout ce qu'il a encore à faire, le laisse tellement épuisé qu'il décide, en toute bonne foi, de reporter l'écriture de cette lettre, ou le trajet jusqu'au centre-ville, véritable étape 0 de son projet de départ, au lendemain, puisque maintenant le chemin est tout tracé. Malheureusement, un nouvel imprévu viendra contrarier ses plans de la veille, et l'obligera à tout recommencer. Oblomov passe son temps à ne rien faire, en ayant le sentiment de travailler d'arrache-pied.

Mais après cette première impression, et la peur de lui ressembler un jour, vient une deuxième interrogation plus profonde : c'est quoi, finalement, « passer à côté de sa vie » ? Oblomov défend un mode de vie paisible, où on dort, on mange, on se promène entouré de sa famille, dans un climat toujours doux. Une routine parfaite, reproductible tous les jours, dans laquelle tout ce qui peut faire battre le coeur un peu plus vite n'a pas sa place. de nombreuses personnes tentent de tirer Oblomov de sa léthargie, voulant l'attirer dans des dîners, des spectacles de théâtre, des voyages, des histoires d'amour même… et notre héros de répondre : « À quoi bon ? ». Et, oui, finalement, à quoi bon ? On observe ces autres personnages s'agiter, se tourmenter, se battre, crier, se ronger les sangs… et se retrouver finalement au même point que lui, qui a juste attendu que ça passe sur le côté.

Alors finalement, que faire de sa vie ? Laisser enfin tomber les petits tracas du quotidien pour se reconnecter aux premières ambitions de notre jeunesse ? Ou arrêter de vouloir voyager aux quatre coins du monde, apprendre 5 langues, et terminer notre pile à lire (oups) pour profiter des petits plaisirs qui s'offrent à nous ?

J'ai trouvé le personnage d'Oblomov profondément marquant. À tel point que j'ai longtemps pensé à cette critique, à ce qu'il fallait ou ne fallait pas écrire, mais en repoussant toujours le moment d'écrire les premiers mots… Et je ne sais pas si c'est le meilleur ou le pire hommage à faire à cette oeuvre !
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