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EAN : 9791091476430
136 pages
Les Rêveurs (10/10/2013)
4/5   5 notes
Résumé :
Dans une Argentine affamée, de jeunes gens se font enrôler de force dans l’armée pour pêcher d’horribles poissons chats surubies afin d’assouvir la faim des habitants de Buenos Aires. Un Surubi géant, une sorte de Moby Dick devient la proie de ces pêcheurs par défaut qui survivent dans cet enfer militaire. Humiliation, terreur, survie, horreur, tant de thèmes qui sont évoqués dans ce texte à l’os par l’écrivain Pedro Mairal. Les illustrations de Jorge Gonzalez saisi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Comment en parler ? C'est toujours la question qui "flotte" quand le livre refermé, il faut trouver un peu de recul, de sérénité après une immersion dans une oeuvre qui a ému, arriver à ordonner touts les feux d'artifices, les connexions avec d'autres oeuvres qui ont affleurées, en tournant les pages...
Lu d'une traite, et, déjà, repris plusieurs fois.

Plongé dans un monde cauchemardesque, basculement cul par-dessus tête dans un monde dictatorial, sans issue, avec la peur la plus froide qui immerge dans ses eaux marécageuses et boueuses.

En premier visuel, le livre est beau, bien équilibré, format à l'italienne.
Six chapitres, en double-pages légères, aérées mettant en valeur et le texte et les dessins, scandant en douceur et fermeté le récit : une pleine page pour l'illustration, l'autre pour le texte et quelques graphismes.

Quant au texte, ce sont des sonnets de Pedro Mairal, toujours présentés sur le tiers gauche de la page, avec immédiatement en dessous, en italiques, le texte original. C'est une colonne, une colonne qui assoit le récit dans sa verticalité. Inconsciemment, le lecteur s'y appuie, y reprend souffle. Ou l'espace restant sur la page du texte est vide, ou, un ou deux petits dessins soulignent le récit. Souvent l'espace est libre et donne encore plus d'éclat et de force au dessin de la contre-page ; là, pas de marge, le dessin occupe tout l'espace et nous fait plonger dans son rêve cauchemardesque (celui de l'auteur et du dessinateur).

Je ne connais pas l'espagnol, mais j'ai apprécié la traduction de Thomas Dassance qui a su transmettre et le lyrisme et la cruauté du récit.

Pedro Mairal construit un récit sur une réalité noire de son pays : l'Argentine de la dictature militaire et de la famine et de la misère de la fin du vingtième siècle. Y a-t-il un fond de vérité ? Je pense que oui, sur la façon brutale de recruter des marins pour la chasse au grand Surubi .

C'est un récit mythique, et somptueux, comme « le vieil Homme et la mer », avec ce grand plus, de le situer à notre époque.
Etrangement, pour moi, il résonne avec la chanson de Charles Trenet « Je chante », comme le double enfantin et charmant de cette odyssée sans retour.

Quand Pedro Mairal écrit :
« Personne ne te sortirait de ce guêpier,
Y'avait pas de message ni d'ADSL,
Ni de demande à l'aide exceptionnelle,
Tu étais un entre tous, tu étais un poulet. »,
ce sont aussi tous ces otages raptés par quelques groupes armés, ceux qui font la une de nos journaux et dont il est difficile d'entrevoir l'isolement deshumanisant.

Bien sur, on pense à Hemingway, mais dans le « Vieil Homme et la mer » c'est un combat courageux et plein d'honneur tant pour la bête que pour l'homme. Ici, il n'y a pas d'honneur. Ce n'est même pas une lutte pour la survie. Ils sont enrôlés, entassés, humiliés, réduits à l'état de bêtes sauvages, et peut leur chaud qu'ils pêchent pour nourrir leurs concitoyens, les sauver de la famine. Celui-là qui s'en tirera, coupable et humilié, n'est pas mieux que les autres, aussi avili que ces compagnons, que ses gardes. Juste motivé par l'envie de sauver sa peau, ou plutôt d'éviter un enfermement encore pire que celui qu'il vit.

La beauté du texte est équilibré par la beauté du graphisme. Jorge Gonzales utilise des graffitis, ceux que l'on trouve maladroitement gribouillés sur un vieux mur couvert de salpetre, ceux d'une cellule, les tôles rouillées d'une épave, ou les parois métalliques d'un entrepôt plus ou moins désaffecté. Gribouillis qui évoquent la solitude et la douleur d'hommes utilisés, épuisés, désespérés.
Sa palette ce sont des bruns de rouille, des rouges de boue et du gris anthracite comme celui de l'acier. La majorité de l'action se passe sur un fleuve mais il n'y a pas de bleu et le vert clair apparaitra à la fin du récit. Et pas de ciel bleu ! Obscur est le jour.
Sur ces fond sombres se détachent des silhouettes d'hommes, presque toujours éclairés par de la lumière, qui réchauffe et humanise même les trognes des tortionnaires.
Jorge Gonzales nous plonge (presque au sens premier du terme) dans un monde étouffant et cauchemardesque, une ambiance misérable d'où va émerger une lumière. Celle apporter par la confiance en un autre, à un animal, à la nature qui va, au sortir de l'eau marécageuse va le revêtir de blanc " Et avec l'argile je me suis retrouvé tout blanc". Mais cette fausse blancheur ne trompera pas l'enfant pas encore femme, qui lui portera secour et lui fera croire à d'autres possibles.

Comment se fait-il qu'avec un tel récit, de tels graphismes, je garde un souvenir lumineux de cet ouvrage ? Et bien, tout de suite, je n'ai pas de réponse. C'est un peu …comme une magie, un délicieux envoutement.

Cet ouvrage est un véritable cadeau, de la Masse Critique de Babelio et de l'éditeur ; avec un merci tout particulier et joyeux à Nicolas pour la petite carte glissée dans le livre et m'en souhaitant bonne lecture. Ce fut une merveilleuse lecture.
Et puis, avec un tel nom d'édition : « Les Rêveurs » qui aurait pû mieux publier une si belle BD ?
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Jamon Paz rêve d'une vie qui ne serait pas la sienne. Une vie qui ne serait faite ni de désillusions, ni de tristesse. Par lâcheté ou par désespoir, il voudrait mourir sans le vouloir vraiment. Seuls, les moments qu'il passe avec ses amis à jouer au foot, le désintoxiquent de sa vie désespérée. Peu importe qu'il soit mauvais footballer, le plaisir de rigoler avec les copains compense les peines et les frustrations liés à ses déboires conjugaux. Jusqu'à ce fameux jour où il marque un but. Les flics débarquent en plein match et réquisitionnent toute l'équipe pour un sport bien différent : celui de la pêche au grand surubi. Ce jour de gloire éclipsé par la concrétisation du rêve prémonitoire de Ramon, marque le début d'une obscure odyssée : enrôlés de force par l'armée argentine, les jeunes gens doivent partir à la chasse du légendaire poisson-chat pour nourrir la population affamée de Buenos Aires. Lorsque Ramon est embrigadé pour la pêche au surubi, il se sent allégé mais son soulagement fait vite place à la surprise puis à la peur. Ne croyant qu'à moitié aux légendes qui circulent autour du géant marin, Ramon réalise soudain à la vue de l'oeil de la bête, qu'il s'agit bien d'un monstre dont la puissance doit être incroyable. La difficile partie de pêche qui s'engage ressemble plus à une âpre lutte entre les hommes et l'animal. A la différence du merveilleux combat de Santiago avec le merlin d'Ernest Hemingway (cf. le vieil homme et la mer, l'un des premiers livres qui m'aient donné le goût de la lecture), celui des argentins contre le grand surubi n'a rien d'une pêche même sportive. Il verse dans l'horreur lorsque les cheftains décident de changer d'appâts... Mettant sa poésie au service de ce beau et sombre récit, Pedro Mairal prête à son héros désabusé les mots suivants : "Mon récit est simple et ne prétend pas, Devenir une fable ou tout comprendre, Je veux juste raconter ce que je vis. le fleuve, dieu, la mort, le Surubi." Magnifié par les inquiétantes illustrations de Jorge Gonzales, El Gran Surubi convie le lecteur à une incroyable et sinistre partie de pêche... Un hallucinant voyage poétique et graphique qui confirme que les monstres à abattre ne sont pas toujours ceux que l'on croit...

Pour raconter l'histoire d'El gran surubi, Pedro Mairal a choisi de découper son récit en six chapitres composés chacun de dix sonnets (soit soixante sonnets au total). Cette technique narrative à laquelle je n'ai jamais eu l'occasion de me frotter à part pour L'Illiade et l'Odyssée d'Homère, est parfaitement maîtrisée par l'auteur argentin : en seulement quelques courts sonnets, il parvient avec brio à développer une intrigue romancée bien ficelée qui pique très vite la curiosité du lecteur. le travail d'illustration de Jorge Gonzales vient couronner le tout en apportant une dimension troublante par des dessins dont j'apprécie particulièrement le traitement sur le contraste des lumières et le travail sur les couleurs. En outre, si le récit d'El gran surubi peut parfaitement s'apprécier d'un point de vue purement textuel, la plus-value apportée par les illustrations de Jorge Gonzales et le superbe travail de mise en parge réalisé par les éditions Les Rêveurs, subliment cette fiction. Mais l'agréable surprise relative à la découverte de ce bel ouvrage illustré ne s'arrête pas là car pour les lecteurs hispanophones, notons que l'édition proposée est bilingue. Cette intention qui met intelligement en valeur le difficile travail du traducteur (en l'occurrence Thomas Dassance pour la présente traduction), méritait également d'être soulignée. Pour ces raisons, El gran surubi est assurément un livre peu conventionnel qui trouvera j'en suis sûr, une belle place sur vos étagères.

Enfin, je voudrais grandement remercier Babelio et les éditions Les Rêveurs qui m'ont témoigné leur confiance en m'offrant ce livre et en me confiant la rédaction de sa chronique (Opération Masse Critique).
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Merci à Babelio et aux éditions « Les Rêveurs » pour ce magnifique livre illustré, tant par sa qualité graphique que par sa qualité littéraire. Tout particulièrement merci à Nicolas pour la petite carte insérée au sein de « El Gran Surubi ».

J'ai reçu cet ouvrage dans le cadre de l'opération Masse Critique au mois de décembre, je l'ai lu directement… Mais une chronique sur un tel livre, si riche, m'a pris pas mal de temps. Un temps de réflexion pour en parler au mieux, pour décortiquer « El Gran Surubi », une histoire très étrange sur fond d'Amérique Latine.

Un homme, au sortir d'une relation amoureuse, se sent démuni face à cette vie qu'il ne considère plus comme la sienne puisque la femme qu'il aimait l'a quitté sans possibilité de retour en arrière. Les seuls moments de paix sont les parties de football avec ses amis. Il respire enfin le temps d'un match. Tout à coup, son unique moment de liberté et de fraîcheur prend fin lorsque des militaires viennent interrompre cette partie de plaisir afin d'enrôler tous les hommes présents dans une bataille : chasser le grand Surubi. Puis le récit s'obscurcit et laisse place à un univers de terreur. Cette pêche se transforme peu à peu en un embrigadement militaire. Les illustrations s'assombrissent et donnent à l'histoire un côté encore plus horrible. le lecteur se sent mal à l'aise, plongé dans un monde oppressant, à la limite du fantastique, face à la cruauté de l'Humanité. Les hommes deviennent des appâts vivants pour attraper ce mythique poisson des eaux latino américaines, qui peut mesurer jusqu'à un mètre soixante-dix et peser jusqu'à cinquante kilos.

Je suis réellement restée muette à la fin. Que penser d'un tel livre ? D'un livre qui fait appel à tellement d'émotions, rempli de symboles… J'ai toujours apprécié la littérature latino américaine, elle est, pour moi, toujours poétique et a cette petite pointe de réalisme magique que l'on peut retrouver chez certains auteurs comme Gabriel Garcia Marquez ou encore Carlos Fuentes. C'est une des plus belles littératures au monde. Ici, Pedro Mairal, romancier et poète argentin, descend tout droit de cette tradition littéraire en insérant un élément extraordinaire, surnaturel, dans un monde complètement réaliste : un gigantesque poisson supposé mangeur d'hommes est chassé dans une Argentine en pleine famine, les hommes deviennent des leurres, le lecteur est à la limite de plonger dans un autre univers. Un univers cruel et sombre, magnifiquement rendu par les illustrations de Jorge Gonzalez, avec une palette de couleurs toujours en adéquation avec le texte, toujours aussi poétique que le texte.

Le lecteur est plongé dans un monde de cauchemars mais toujours poétique. le texte est composé de soixante sonnets, découpé en chapitres, qui m'ont transportée d'une émotion à une autre. La beauté des mots m'a beaucoup touchée, j'ai vraiment été sensible à cette alliance de mots, de rimes, de sonorités. « El Gran Surubi » est une version bilingue, par conséquent, j'ai pu apprécier la version originale en espagnol, aux sons différents. A noter que la traduction a su rendre parfaitement toute la poésie du texte de Mairal.

Cet ouvrage est plein de références historiques et littéraires. L'histoire de l'Argentine, de la crise, de la dictature est omniprésente. Une histoire torturée. La tension politique est palpable, le pouvoir oppressant et opprimant. Comment ne pas penser également à Ernest Hemingway avec « le vieil homme et la mer » et son combat courageux, à Melville et son « Moby Dick ».

« El Gran Surubi » est un très beau livre avec un texte d'une grande qualité littéraire et aux illustrations soignées. Un livre ciselé avec finesse. L'avantage des opérations Masse Critique est d'avoir accès à des livres à côté desquels nous serions peut-être passés. Pour cela, merci encore, car j'ai passé un grand moment de lecture plaisir.
Lien : http://bibobook.over-blog.co..
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Je vous propose de nous plonger dans un livre d'images, format paysage, concocté par Pedro Mairal et Jorge González. L'histoire ? Une terrible fable, où ce poisson titanesque revêt bien des rôles... La suite de cette chronique à découvrir sur mon blog :
Lien : https://notesvagabondes.word..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Mon récit est simple et ne prétend pas, Devenir une fable ou tout comprendre, Je veux juste raconter ce que je vis. Le fleuve, dieu, la mort, le Surubi.
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C'était un tigre d'eau, un dieu, un roi
Faisant chatoyer son mystérieux flanc.
Dans les eaux troubles, je le voyais
De manière confuse mais sereine,
Avec sa lenteur de torride baleine
Et les rayures vénéneuses d'une raie,
Argentée, submergée, moitié gothique,
Les ailettes dorsales épineuses,
Les barbilles bleues, visqueuses,
Sinueux, fragmentaire et hypnotique.
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Le bateau était un grand robot-mixeur
Qui compactait de la pulpe de poisson,
Comme une brique blanche en congélation
Qui nourrissait la masse grise de bouffeurs,
Des grandes banlieues de la capitale.
La bouche de la famine subventionnée,
A défaut de la vache sacrée,
Puisque de viande en Argentine, il restait que dalle.
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Peut-être voulais-je mourir, pas me tuer,
Dormir une année entière sans m'arrêter,
Peut-être voulais-je ne pas être, n'être pas né.
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Je vis ton visage et tout ce que j'ai aimé
Et dans la lumière des saules je me suis échappé.
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