Mon récit est simple et ne prétend pas, Devenir une fable ou tout comprendre, Je veux juste raconter ce que je vis. Le fleuve, dieu, la mort, le Surubi.
Je vis ton visage et tout ce que j'ai aimé
Et dans la lumière des saules je me suis échappé.
Peut-être voulais-je mourir, pas me tuer,
Dormir une année entière sans m'arrêter,
Peut-être voulais-je ne pas être, n'être pas né.
C'était un tigre d'eau, un dieu, un roi
Faisant chatoyer son mystérieux flanc.
Dans les eaux troubles, je le voyais
De manière confuse mais sereine,
Avec sa lenteur de torride baleine
Et les rayures vénéneuses d'une raie,
Argentée, submergée, moitié gothique,
Les ailettes dorsales épineuses,
Les barbilles bleues, visqueuses,
Sinueux, fragmentaire et hypnotique.
Le bateau était un grand robot-mixeur
Qui compactait de la pulpe de poisson,
Comme une brique blanche en congélation
Qui nourrissait la masse grise de bouffeurs,
Des grandes banlieues de la capitale.
La bouche de la famine subventionnée,
A défaut de la vache sacrée,
Puisque de viande en Argentine, il restait que dalle.
Et il ne me restait même plus les vestiges
De la faim de vivre, mes chiens pleins de miasmes
Mon jardin sur le balcon tout sec,
Mon bonheur froissé dans le panier...