Voyage à pied

Fernando González Ochoa, philosophe colombien, a publié ce Voyage à pied en 1929. Condamné par l'archevêque de Medellin la même année, celui de Manizales décrète ce livre lecture interdite en 1930… L'auteur a donc rédigé bien plus qu'une évocation de ses promenades.
En fait, son principal crime est d'être un philosophe-promeneur radicalement nietzschéen doté d'un sens de l'humour averti.

Véritable hymne à la vitalité, l'auteur affiche dans cette oeuvre une manifestation vigoureuse du vitalisme biologique, revendiquant la vie comme réalité singulière en soi, le corps en étant la première réalité : surabondance de plénitude entre le corps et son environnement naturel, rôle primordial des instincts, de l'irrationnel, de la lutte pour la subsistance.
Ni pèlerinage ni randonnée, ce voyage est un exercice autant philosophique que physiologique : souplesse du jeune corps, air pur du matin, fraicheur du rythme de la marche pour mieux réfléchir et ressentir, ce qui déplût fort aux colombiens libéraux comme conservateurs, si pieux et affairés.

Cette extravagante déambulation colombienne ne décrit pas de paysages mais des sensations de joie intenses puis un flot de réflexions et d'analyses : situation politico-socio-religieuse de la Colombie des années 1920 et autant de bilans originaux et polémiques que l'auteur dresse autour de ses sensations physiques. Comme Nietzsche (que l'auteur appelle "prédicateur de l'énergie"), Fernando González Ochoa mesure la valeur de la métaphysique, de la théorie de la connaissance et de l'éthique à partir de l'affirmation même de la vie, sphère de la joie et de la douleur, et considère que le catholicisme fait de l'être humain un individu torturé de culpabilité, saturé de remords, gavé de mensonge et de morale, devenu triste animal épandeur de sa désolation.
D'où la crise d'urticaire des archevêques à l'encontre de cette philosophie gambadeuse qui se termine par un reproche acerbe et humoristique, sur le ton d'un sermon par Dieu le Père en personne, contre une société colombienne malade de son catholicisme.
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