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Critique de thedoc


On a comparé « Une femme simple et honnête » de Robert Goolrick à l'excellent « Jane Eyre » et au sublime « Hauts de Hurlevent ». Tout de même… cela me paraissait très élogieux pour un premier roman. J'avais déjà par ailleurs ma petite impression sur l'auteur dont j'ai lu le récit familial autobiographique « Féroces » il y a quelques temps. Impression positive mais au thème très éloigné des deux oeuvres magistrales précédemment citées. Alors, par curiosité, je me suis lancée dans l'histoire de cette femme simple et honnête.
Avant elle, nous découvrons Ralph Truitt, la cinquantaine, homme influent et riche d'une petite ville du Wisconsin en 1907. Ralph Truitt est un homme puissant, il emploie la majorité des habitants de la ville dans son usine de fonderie. Il connaît tous ses employés, leur famille, leur mode de vie. de même, eux connaissent tout de sa vie tout le respectant et le craignant. Exigeant avec lui-même, il est aussi impitoyable avec ceux qui travaillent pour lui. Depuis vingt ans, Ralph Truitt vit seul, dans l'austérité et la solitude. A une époque, oui, il a une femme et des enfants. Mais la vie lui a repris. « Ces choses-là arrivent ». Mais cet après-midi-là, sur le quai de la gare, il attend un train qui doit lui apporter une nouvelle chance de terminer sa vie de manière plus douce. Il ne supporte plus la solitude, le fait de se coucher seul le soir dans son grand lit impeccable. Alors il a publié une annonce pour trouver une épouse fiable, qui répondrait à ses exigences pratiques. Cette femme dans le train qui tarde à arriver, c'est Catherine Land, qui s'est présentée sous les traits d'une femme simple et honnête. Pour Catherine, c'est le début d'une nouvelle vie, une nouvelle chance d'obtenir ce après quoi elle court depuis des années : l'amour et l'argent. le train arrive en gare, enfin. Ralph est prêt et Catherine aussi. Pourtant, rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît. Surtout lorsqu'on dissimule la vérité.

C'est un récit totalement captivant que nous offre ici Robert Goolrick à travers le destin de trois personnages dont les vies vont s'entremêler sur la toile austère et envoûtante du Wisconsin de la fin du 19e siècle.
Ralph Truitt, Catherine Land et Antonio, les personnages principaux, sont décrits avec une analyse psychologique très fouillée. L'auteur ne nous raconte pas seulement leurs vies, il sonde leurs âmes : il nous fait partager leurs doutes et leurs craintes, leurs fêlures et leurs vices, et leur humanité finalement. D'ailleurs, certaines peurs obsessionnelles de Ralph Truitt ne sont pas sans rappeler celles de Robert Goolrick lui-même, dévoilées dans « Féroces ». Ralph Truitt, c'est beaucoup de lui et c'est sans doute par cette entremise que le personnage prend toute sa consistance.
L'attrait supplémentaire de ce roman est dans sa modernité. Nous retrouvons effectivement, comme dans « Jane Eyre » et les « Hauts de Hurlevent », une histoire d'amour, de passion, de haine, de vengeance et de rédemption, mais Robert Goolrick ajoute à cela une extrême sensualité, sans tabou... le désir charnel, le plaisir du sexe, est au centre de son roman. le sexe occupe une place primordiale dans la vie de chacun des trois personnages, de manière salutaire ou néfaste. Là encore, on retrouve un élément fondamental de la propre vie de l'auteur mais tout est raconté naturellement, sans tomber dans le voyeurisme et le nauséabond. C'est au contraire d'une écriture charnelle et délicate que Robert Goolrick nous décrit les émois du corps.
Enfin, le décor choisi à cette histoire, celui d'une petite ville du Wisconsin, perdue dans le froid glacial d'un hiver interminable, apporte une atmosphère envoûtante et sombre au récit. L'auteur décrit une Amérique pauvre, misérable, livrée à elle-même et à ses croyances religieuses. La ruralité en cette toute fin du 19e siècle recèle des âmes prêtes à basculer dans la folie à chaque instant sur fond d'un quotidien tranquille. Suicides, meurtres, dégénérescence, tout une multitude de malheurs est ainsi égrenée le soir par Ralph, lorsqu'il lit les nouvelles du journal à Catherine.

Sur fond d'un paysage hostile, c'est avant tout une belle histoire d'amour que Robert Goolrick nous raconte ici, celle d'âmes tourmentées qui finissent par se trouver, le tout dans une sensualité magnifique. J'ai tout simplement adoré ce livre.
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