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Critique de cedratier


« Un amant de fortune » Nadine Gordimer (Grasset, 343 pages)
Julie est jeune, indépendante, belle sans doute, blanche, fille d'une famille très aisée dont elle ne partage guère les valeurs et qu'elle a donc mise à distance. Abdou est jeune, beau sans doute, noir, de famille musulmane, certes diplômé dans son pays d'origine, mais immigré entré clandestinement dans ce pays riche, il fait le mécano sans papier. Ce pourrait être chez nous de nos jours, ça se passe en fait en Afrique du Sud, à la fin des années quatre-vingt-dix qui suivent la suppression légale ou formelle de l'apartheid. Autant dire que ces deux-là ne devaient pas se rencontrer. Ce pourrait être un roman à l'eau de rose, mais c'est Nadine Gordimer qui écrit, et qui évite ce piège. On prend la réalité de ce clandestin en pleine figure, les tentatives de régularisation désespérées, l'expulsion vers le très pauvre pays d'origine (la Namibie ?). Et l'amante le suit et l'épouse, et finit par trouver une place hésitante dans sa belle-famille pourtant si éloignée de ses racines. Et lui continue à faire des pieds et des mains pour trouver un eldorado qui le fasse sortir de son pays de misère.
Il y a une faiblesse gênante à la présentation du livre (qui tient peut-être à l'édition ?), c'est l'absence de guillemets et de tirets qui signalent les nombreux dialogues, d'autant que les choses sont présentées successivement du point de vue de la femme et de celui de l'homme, on s'y perd parfois lorsqu'on lit « je », il faut chercher pour comprendre qui parle.
Mais la force essentielle du livre tient à l'absence de manichéisme, à l'imprécision de la réalité des sentiments pourtant très intenses qui unissent les deux personnages, à l'ambiguïté maintenue ; car il y a du malentendu entre eux, né du fossé culturel et d'a priori différents sur les destinées possibles, et Nadine Gordimer se garde bien de trancher. Ce qui n'empêche pas une grande lucidité sur la complexité des rapports humains. Cette complexité des liens est très bien traduite par une écriture qui laisse ouverte des doutes, alors qu'elle se fait d'une précision quasi-chirurgicale lorsque l'auteur dépeint les milieux sociaux si différents dans lesquels évoluent les personnages.
Un roman fort, que j'ai avalé presque d'un traite.
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