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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"How profoundly analytic
Of his kith and kind
Is the second-rate critic
With his frustrate mind."
(E. Gorey, "Orbit")

Haha. Comme si Gorey avait le mauvais pressentiment qu'un jour il se fera "critiquer" par Lama. Tant pis...
Mais j'ai n'ai pas choisi ce petit album d'une douzaine de pages pour analyser la psyché particulière d'Edward Gorey (même si une psychanalyse un peu poussée de ses ouvrages ne serait certainement pas inintéressante !), mais pour vous parler de mon illustrateur préféré. Parler sans "critiquer", car j'aime plus que tout me perdre dans son univers irrévérencieux en noir et blanc...

Edward Gorey (mais aussi Ogdred Weary, D. Awdrey-Gore, Dewda Yorger, Mme Groeda Weyrd... selon l'anagramme du moment) est américain, mais ses dessins évoquent plutôt l'Angleterre puritaine du temps d'Edward ou de Victoria. Les manoirs (de préférence) hantés, les costumes d'époque, les regards cernés de noir comme au temps du cinéma expressionniste; le tout accompagné de textes courts à la fois monstrueusement morbides et irrésistiblement drôles. Cela ressemble à s'y méprendre à l'univers de Tim Burton; en tout cas, les deux partagent la même prédilection pour les hyperboles "gothiques".
Gorey se revendique du "nonsense" littéraire, de Lewis Carrol et d'Edward Lear, mais comme il considère leurs gentils limericks "ennuyeux", il nous propose sa version, aussi noire que l'encre de sa plume à la pointe fine.
Il illustre (évidemment) Poe, Lovecraft, Stoker... mais aussi Beckett, Wells, Updike, Eliot, et j'en passe. Il s'amuse à créer des livres miniatures comme des boîtes d'allumettes, il s'inspire du Tarot, des lettres de l'alphabet, de l'art topiaire... bref, tout ce qui lui tombe sous la main, pour créer des ouvrages inclassables. Adulte ? Enfant ? Satire ? Horreur ? Impossible de trancher...

Tout comme le reste, "L'invité douteux" (The Doubtful Guest, 1957) est difficile à mettre dans une boîte à une seule étiquette.
Imaginez un sombre manoir edwardien et ses nobles habitants. Y arrive un jour, sans être invité, une étrange créature :
"Than they saw something standing on top of an urn,
whose peculiar appearance gave them quite a turn."
Sa tête est mi-pingouin, mi-pommeau de canne, et ça porte une écharpe et des baskets en toile.
Ca s'incruste dans la vie de la pauvre famille d'abord sidérée et terrifiée, puis résignée. Ca mange à leur table, ça a des tendances cleptomanes, ça pique des crises en volant des serviettes dans la salle de bains. Ca a même détruit le gramophone et déchiré les livres, mais les années passent, et on vit toujours avec.
Les dessins sont excellents, le texte en alexandrins court, sec et marrant.

Poussée par une curiosité malsaine, j'ai fait un tour chez nos collègues de Goodreads, pour voir si quelqu'un aurait une idée quant à la genèse de ce pseudo-pingouin. Certains y voient un "Tanguy", incapable de quitter le giron familial, d'autres pensent que c'est un pari que Gorey a fait pour placer un tas de mots inhabituels.
Bref, ça ne m'a pas avancée, et je continue à penser que chaque famille à ses contraintes et ses secrets (son "skeleton in the closet", pour ainsi dire) et on apprend à vivre avec, qu'on le veuille ou pas.
Après tout, je vous laisse vous faire votre propre opinion, car l'album (en VO) est facilement accessible sur l'internet.
Cela permet de se faire une idée de cet étrange barbu aux tendances satirico-macabres.

Et quoi de mieux pour finir qu'une petite paraphrase de Waredo Dyrge (lui-même auteur de "The Awdrey-Gore Legacy Parody").
By Bar Abot al-Asthme :

"Each night Gorey fills me with dread
When he sits on the foot of my bed;
I'd not mind if he speaks
In gibbers and squeaks
But for twenty years he's been dead."

R.I.P., cher Wardore Edgy ! Toutes mes amitiés, Bob Latabay, Hamster.
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