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Macha Zonina (Traducteur)Jean-Pierre Thibaudat (Traducteur)
EAN : 9782267012309
137 pages
Christian Bourgois Editeur (01/01/1994)
3.79/5   12 notes
Résumé :
Nous ? C'est moi, c'est vous, c'est lui, lui, nous tous. Oui, oui... nous tous ici — les enfants de petits artisans, des enfants de gens pauvres... Nous, je le dis, nous avons eu très faim, nous nous sommes beaucoup agités du temps qu'on était jeunes... Nous voulons manger et nous reposer, arrivés à l'âge mûr — voilà notre psychologie. Elle ne vous plaît pas, Maria Lvovna, mais elle est parfaitement naturelle, et il ne peut pas y en avoir d'autre ! Avant tout, l'êtr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
On croirait dur comme fer, avec cette pièce de Maxime Gorki, lire du Tchékhov, tellement cela semble proche, tant dans la forme que dans le propos. Il faut dire que Les Estivants a été écrite en 1904, la même année que l'une des pièces les plus fameuses de Tchékhov (la dernière d'ailleurs), La Cerisaie. Ajoutons à cela que les deux hommes se connaissaient, se fréquentaient et s'estimaient mutuellement, et l'on aura une partie de l'explication à cette forte similitude théâtrale.

Comme dans tout le théâtre de Tchékhov, vous avez ici chez Gorki une association de couples ou de familles de la classe moyenne supérieure, voire, proche de l'aristocratie, à tout le moins, appartenant à intelligentzia russe d'avant révolution et qui se côtoient régulièrement depuis des années, se connaissant jusque dans leurs moindres travers.

Comme chez Tchékhov, il règne dans ces dîners à la campagne une véritable ambiance de plomb. Tout le monde pense du mal de tout le monde mais le garde pour soi tant bien que mal en rongeant son frein jusqu'à l'étincelle — inéluctable — qui fera vider son sac à chacun et en mettre plein les dents à l'autre ou à tous les autres pour pas un rond.

Comme chez Tchékhov, l'auteur fustige cette classe soi-disant éduquée, moderne, pensante, aisée et qui finalement n'use de ses atouts que pour se vautrer dans l'oisiveté, les plaisirs faciles, les beaux discours creux. Bref, la définition d'une classe sociale inutile et, à certains égards, parasite.

Gorki n'est pas tendre avec le milieu littéraire ou artistique, un peu comme Tchékhov dans La Mouette, où les êtres sont tellement narcissiques qu'ils en oublient d'être créatifs ou d'être les porte-voix véritables de leur époque. Des néants plastronnants et jet-seteux à la Beigbed... euh, non, non, non, je n'ai rien dit, effacez ça.

Gorki s'en prend aussi à l'hypocrisie généralisée qu'on rencontre dans ces manières de salons mondains de la petite bourgeoisie. Des parvenus, des cocons, — des chrysalides, tout au mieux —. Était-ce bien la peine de s'élever socialement, de s'extraire du Tiers-état, pour s'arrêter à cet échelon fade, creux, vide de signification et de réalisations concrètes ?

C'est la question que pose Maxime Gorki, sans pour autant fustiger dans leur ensemble ces gens qui en ont bavé pour jouir d'une place au soleil et qui se fichent désormais que de gros nuages chapeautent la tête des autres.

C'est une préoccupation commune à beaucoup d'auteurs russes de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, qui percevaient la béance, le hiatus créé par l'abolition du servage en 1861 et la non redéfinition sociétale qui aurait dû s'ensuivre et qui aboutira, comme on sait, à la révolution que l'on sait en 1917.

En somme, une pièce intéressante sur le fond, assez agréable sur la forme et qui, comme les Bas-Fonds, gagne sans doute énormément à être vue jouée sur scène qu'à être lue. (C'est un éternel débat en ce qui concerne le théâtre. Moi qui en lit tout de même beaucoup, c'est finalement assez rarement que j'éprouve le besoin de voir la pièce jouée. SI je le signale ici pour Gorki, c'est que cela m'apparaît plus flagrant ici qu'avec nombre d'autres auteurs ou d'autres pièces).

Mais de tout cela, vous autres qui n'êtes pas, loin s'en faut, des estivants, c'est à vous d'en décider avec vos propres sensibilités, car tout ceci, bien sûr, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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J'adore les auteurs russes et là j'en ai eu deux pour le prix d'un !
Si "Les estivants" est bien une pièce de théâtre de Maxime Gorki, elle ressemble étrangement à celles d'Anton Tchékhov.
Comme dans "Oncle Vania" la pièce est composée de quatre actes, sans aucun découpage en scènes. Elle se passe aussi en été et raconte les échanges tourmentés d'amis qui passent du temps dans leurs Datcha. On retrouve exactement la même ambiance dans les deux pièces et je ne suis pas surprise d'avoir lu que Gorki félicita Tchékhov pour sa pièce dont le succès s'est fait tardivement.
Les estivants sont des russes en villégiature et si le drame n'est pas familial il montre le mal être des plus jeunes qui veulent donner un sens à leur vie. Varvara est le personnage principal. Elle aimerait partir et supporte de moins en moins son mari avocat et ses amis ingénieur, médecin et écrivain, bourgeois revendiqués que l'oisiveté bien arrosé ne gêne pas.
Dans cette pièce de 1904 créée à la Comédie Française en 1983 et traduite par Michel Vinaver je n'ai pas eu de mal à repérer les nombreux personnages alors que je n'ai pas vu la pièce. Ce n'est pas toujours le cas avec les noms russes qui sont parfois difficiles à retenir.
Gorki ne se prive pas de montrer l'importance de la culture dans l'évolution de la société, notamment du théâtre et de la littérature et ça j'apprécie.
J'aime aussi beaucoup les rôles de femmes, discrètes ou excentriques mais qui ont toujours leurs mots à dire.
On est à la veille de la révolution russe dont Gorki ne parle pas mais on y pense forcément.


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Clair obscur et demie teinte se succèdent.
De rencontres en dialogues les idées se font et s'échangent.
Société et idéaux s'affrontent, les caractères se dévoilent, les dialogues s'établissent.
Saisons d'âmes à découvrir avec intérêts.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
OLGA ALEXÉÏÉVNA : Bien sûr, ça vous fait rire d'entendre tout ça… ça vous ennuie… je comprends ! Mais quoi ! Tout le monde voit midi à sa porte… Les enfants… quand je pense à eux, dans la poitrine, c'est comme un tocsin qui sonne… les enfants ! c'est dur avec eux, Varia, c'est tellement dur, si tu savais !
VARVARA MIKHAÏLOVNA : Excuse-moi, j'ai toujours l'impression que tu exagères…
OLGA ALEXÉÏÉVNA : Non ! ne dis pas ça ! Tu ne peux pas juger… Tu ne peux pas ! Tu ne sais pas ce que ça peut être, ce sentiment pesant, oppressant — la responsabilité devant les enfants ! Ils vont me demander comment est-ce qu'il faut vivre… Qu'est-ce que je leur dirai ?
VLAS : Pourquoi vous vous inquiétez toujours à l'avance ? Peut-être qu'ils ne demanderont rien ? Peut-être qu'ils verront ça tout seuls, comment il faut vivre…

Acte I.
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IOULIA FILIPOVNA : Mes pauvres sœurs, les femmes, comme on vit mal !
VARVARA MIKHAÏLOVNA : Oui, mal… Et nous ne savons pas comment faire pour vivre mieux. ma mère a travaillé toute sa vie… comme elle était gentille… comme elle était gaie ! Tout le monde l'aimait. C'est elle qui m'a permis de m'instruire… Comme elle était heureuse quand j'ai fini le lycée ! À ce moment-là, elle ne pouvait déjà plus marcher — elle avait ses rhumatismes… Elle est morte sereine… et elle me disait : " Ne pleure pas, Varia, ça ne fait rien ! J'ai fait mon temps… j'ai vécu, j'ai travaillé, c'est bon ! " Sa vie avait plus de sens que la mienne. Et moi, je me sens gênée de vivre… J'ai l'impression que je me suis égarée dans un pays étranger, chez des gens étrangers, et que je ne comprends pas leur vie !… Je ne la comprends pas, cette vie que nous menons, la vie des gens cultivés. Elle me paraît instable, friable, faite pour un temps de bric et de broc, comme on fait des tréteaux dans les foires… Cette vie, c'est comme de la glace sur le courant d'une rivière : elle est solide, elle brille, mais cette saleté qu'il y a dedans… ces choses honteuses… mauvaises… Quand je lis des livres honnêtes, audacieux, j'ai l'impression de voir monter le soleil chaud de la vérité… la glace fond, en dénudant la saleté qu'elle cache, et les vagues de la rivière auront tôt fait de la briser, de la fracasser, de l'emporter on ne sait où…

Acte III.
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RIOUMINE : Je suis juste contre ces... dévoilements… ces tentatives stupides et inutiles d'arracher à la vie ces beaux habits de poésie qui cachent souvent ses formes grossières et laides… La vie, il faut la rendre belle ! Il faut lui préparer des habits nouveaux, avant de lui arracher les vieux…
MARIA LVOVNA : De quoi est-ce que vous parlez ? Je ne comprends pas !…
RIOUMINE : Du droit que nous avons de vouloir qu'on nous trompe !… Vous dites souvent — la vie ! Qu'est-ce que c'est la vie ? Quand vous parlez d'elle, elle se dresse devant moi comme un monstre gigantesque, sans forme, qui demanderait toujours des offrandes, des sacrifices humains ! De jour en jour, elle dévore le cerveau et les muscles des hommes, elle a soif de leur sang. À quoi bon tout ça ? Je ne vois pas de sens en ça, mais, ce que je sais, c'est que plus l'homme vit, plus il voit de saleté autour de lui, de vulgarité, de choses grossières et dégoûtantes… et plus il cherche des choses belles, claires, pures !… Il ne peut pas anéantir les contradictions de la vie, il n'a pas la force d'en chasser le mal et la saleté — au moins ne lui enlevez pas le droit de ne pas voir ce qui tue son âme ! Accordez-lui le droit de se détourner vers les phénomènes qui le blessent ! L'homme recherche l'oubli, le repos… l'homme, c'est la paix qu'il recherche !
MARIA LVOVNA : Il a fait faillite, votre homme ? C'est très dommage…

Acte I.
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OLGA ALEXÉÏÉVNA : Comment est-ce qu'on y arrive ?
MARIA LVOVNA : À quoi ?
OLGA ALEXÉÏÉVNA : À être l'amie de ses enfants.
MARIA LVOVNA : Mais c'est très simple : il faut être sincère avec les enfants, ne pas leur cacher la vérité… ne pas les tromper.
RIOUMINE : Ça, vous savez, c'est risqué ! La vérité, elle est grossière et froide, et, toujours, secrètement, à un degré ou à un autre, elle est empoisonnée par le scepticisme. Vous pouvez empoisonner votre enfant d'un seul coup, en lui dévoilant le visage terrible de la vérité.
MARIA LVOVNA : Parce que vous, vous préférez l'empoisonner petite à petit ?… Pour ne pas remarquer vous-même que vous défigurez un être humain ?

Acte I.
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SOUSLOV : Je veux vous dire que si nous ne vivons pas comme vous voulez, très honorable Maria Lvovna, nous avons nos raisons ! Nous avons eu notre dose d'agitation et de famine dans la jeunesse ; c'est naturel qu'arrivés à l'âge mûr nous ayons envie de manger beaucoup et bien, de boire, que nous ayons envie de nous reposer… en général, de nous dédommager pour cette vie agitée et affamée de notre jeunesse, avec les intérêts en plus… […] Oui, oui… nous tous ici — les enfants de petits artisans, des enfants de gens pauvres… Nous, je le dis, nous avons eu très faim, nous nous sommes beaucoup agités du temps qu'on était jeunes… Nous voulons manger et nous reposer, arrivés à l'âge mûr — voilà notre psychologie. Elle ne vous plaît pas, Maria Lvovna, mais elle est parfaitement naturelle, et il ne peut pas y en avoir d'autre ! Avant tout, l'être humain, très honorable Maria Lvovna, et, après, toutes les autres bêtises… Et donc, fichez-nous la paix ! Ce n'est pas parce que vous allez nous injurier, et pousser les autres à nous injurier, ce n'est pas parce que vous allez nous traiter de lâches et de fainéants que l'un d'entre nous se jettera dans l'activité sociale… Non ! Personne ! […] Je ne suis plus un jeune homme ! Moi, Maria Lvovna, ça ne sert plus à rien de me faire la leçon ! Je suis un adulte, et un Russe banal, un petit-bourgeois russe ! Je suis un petit-bourgeois, et rien de plus ! Voilà mon plan de vie. Ça me plaît, d'être un petit-bourgeois… Je vivrai comme je veux ! Et, pour finir, je n'en ai rien à braire de vos racontars… de vos appels… de vos idées !

Acte IV.
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Videos de Maxime Gorki (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maxime Gorki
Gorki et ses fils, correspondance (1901-1934) , traduit du russe et préfacé par Jean-Baptiste Godon, est paru aux éditions des Syrtes.
Près de dix mille lettres de la main de Maxime Gorki sont conservées par les archives de l'Institut de la littérature mondiale de Moscou. La présente correspondance inédite entre l'écrivain et ses fils représente 216 lettres échangées entre 1901 et 1934.
Plus d'info sur https://editions-syrtes.com/produit/gorkietsesfils/
Nos remerciements à la Bibliothèque russe Tourguenev à Paris pour avoir gracieusement accueilli le tournage.
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