Dans un contexte médiatique saturé d'attentats et de revendications terroristes en tous genres, écrire un roman sur une poseuse de bombe est un sacré défi, et un pari plus que risqué. Pourtant,
Clarisse Gorokhoff s'en sort haut la main, et son premier roman est une véritable petite "bombe" littéraire, pourrait-on dire en jouant sur la polysémie du titre.
Dès les premières lignes, l'écriture puissante, ciselée et originale de
Clarisse Gorokhoff nous emmène dans le sillage d'Ophélie, cette écorchée vive aux motivations obscures, qui se dévoilera au fil des pages, en évoquant par bribes ses souvenirs récents ou lointains. Personnage complexe, dont les actes et les réflexions déconcertent par moments le lecteur, Ophélie se révèle finalement attachante, voire touchante par ses nombreuses failles, vestiges d'une enfance difficile où elle a été totalement délaissée par sa mère, ce qui explique son dévouement pour Sinan, cet amant qu'elle idolâtre et qu'elle déteste à la fois, qui l'humilie mais qu'elle n'arrive pas à quitter pour se protéger. Et c'est peut-être le tour de force majeur de roman : réussir à nous faire prendre parti pour une jeune femme a priori détestable, puisqu'elle n'hésite pas à faire périr des innocents dans un attentat injuste.
Si le caractère de l'héroïne est particulièrement bien travaillé, les personnages secondaires sont tout aussi intéressants, voire fascinants, en particulier la sulfureuse Derya, une sublime servante kurde, et Orta, à la personnalité haute en couleurs, et qui vient apporter à l'intrigue un souffle de légèreté et d'humour. Seul Sinan, évoqué du seul point de vue des autres personnages, manque peut-être un peu à la fois de consistance et de subtilité.
L'intrigue, quant à elle, est fort bien menée, maîtrisée de bout en bout, alternant savamment entre gravité et rocambolesque, entre sérieux et dérision. On regretterait presque qu'elle ne se poursuive pas davantage, tant l'écriture de
Clarisse Gorokhoff est envoûtante. Ce serait bien le seul reproche que l'on pourrait adresser à ce roman : que sa longueur réduite le conduise à occulter la dimension politique amenée par la question kurde, qui est finalement à peine évoquée.
Voici donc un premier roman brillamment réussi, qui a su allier une intrigue puissante et rythmée à un style remarquable, ce qui laisse présager une belle carrière littéraire pour la jeune
Clarisse Gorokhoff.
Ouvrage reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique. Un grand merci à Babelio et aux éditions Gallimard.
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