Puisque l’économie fonctionne avec un volume toujours moindre de travail pour une production sans cesse croissante, la question se pose : aspirons-nous à une solution où tous peuvent gagner de mieux en mieux leur vie avec moins de travail – donc réduction générale du temps de travail et redistribution du travail nécessaire entre tous – ou autorisons-nous les multinationales et la « libre » économie de marcher à épuiser les plus productifs dans le travail nécessaire et à laisser sombrer les autres dans les jobs précaires, le chômage, une pauvreté et une exclusion croissantes ?
Il est impossible de croire au « progrès » en tant que résolution des contradictions, tout comme il est impossible de croire au progrès en tant que domination auto-instituée de la Raison.
La libération ne peut résulter que d’une technique. Elle ne peut être obtenue que par des acteurs sociaux dont elle est le but conscient. Il n’y a pas moyen de faire l’économie de la volonté politique.
L’idée de réconciliation de l’homme avec la nature n’est apparue, en Occident au moins, que dans une phase tardive de la modernité. Si on la prend au sérieux et qu’on en fait la base d’une éthique, on aboutit à l’hindouisme ou au bouddhisme, c’est-à-dire aux formes d’une ascèse qui interdit toute intervention dans la nature, y compris tout travail corporel. Pour que la société subsiste, il faut alors que le travail soit pris en charge par des parias qui y sont condamnés de naissance.
La question qui se pose à l’humanité est – et était déjà dans l’Antiquité – celle de l’autolimitation culturelle de ses besoins et de ses projets qui seule lui évitera de détruire les bases naturelles de sa vie. Dans les sociétés précapitalistes, cette autolimitation allait de soi. Elle était exigée par l’ordre social. La concurrence, la maximisation des profits et des rendements étaient prohibées par la loi jusqu’au début du XVIIIe siècle.
Le propre de l’homme est sa capacité illimitée d’apprendre. Il est non naturel par nature. Il ne devient homme que par sa socialisation. Sans elle il n’a pas de capacités naturelles, innées. Il n’est pas génétiquement programmé pour vivre en harmonie avec la nature environnante. Son mode de vie ne deviendra compatible avec l’intégrité de celle-ci que s’il s’interdit certaines interventions dans les cycles naturels dont – à la différences d’autres espèces – la nature elle-même ne lui a pas interdit la possibilité.