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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les histoires de René Goscinny, que cela soit pour Astérix ou Lucky Luke, sont généralement découpées en trois moments distincts. Une phase introductive, sorte de mini-histoire qui va induire ou provoquer la seconde phase, la principale, celle que l'on pourrait qualifier de développement. Vient ensuite une dernière phase, par exemple pour les Astérix, il s'agit souvent du retour au village après des aventures à l'extérieur, laquelle phase vient conclure et fait souvent écho à la première.

Ici, dans le Bouclier Arverne, la construction est plus élaborée encore car l'aventure s'ouvre sur des événements lointains, à savoir la reddition de Vercingétorix matérialisée par l'abandon de ses armes à son vainqueur Jules César et le devenir de ces armes, lesquels événements trouveront leur éclaircissement et leur importance au cours du développement.

L'introduction véritable ne commence qu'ensuite, avec l'effroyable crise de foie d'Abraracourcix due à des excès alimentaires en tout genre. Celle-ci se soldera par un diagnostique assassin et sans appel de Panoramix : il faut qu'Abraracourcix aille faire une cure d'amaigrissement dans une ville d'eaux thermales. Ce sera Aquae Calidae, c'est à dire Vichy, prétexte à un nouveau périple, cette fois en pays arverne, pour le chef du village et ses deux fidèles anges gardiens Astérix et Obélix.

Le problème c'est qu'évidemment, dès lors qu'Astérix et Obélix posent le pied quelque part, les Romains décollent allègrement les leurs à vitesse grand V au prix de l'abandon de leurs sandales. Inutile de vous préciser que lorsque le grand vainqueur d'Alésia voit débarquer son envoyé spécial dans la province Tullius Fanfrelus avec un oeil au beurre noir et quelques autres contusions, Jules César lui-même en prend ombrage et décide sur-le-champ d'exhiber sa force et sa domination.

Il veut mater les derniers élans de patriotisme gaulois en se faisant porter en triomphe sur le propre bouclier de Vercingétorix. Mais où peut-il bien être ce fameux bouclier ? Pas moyen de remettre la main dessus. Il n'a pourtant pas pu se volatiliser, alors il faut chercher et c'est ce que vont faire les Romains d'un côté et les deux irréductibles gaulois du leur. Qui gagnera cette chasse au bouclier haletante ? C'est ce que je m'interdis de dire.

Nombreux sont ceux, et j'en fais partie, qui considèrent qu'il n'y a pas d'Astérix ni de Lucky Luke en dehors de René Goscinny. L'époque pendant laquelle le fameux scénariste a collaboré à ces aventures est généralement appelée « âge d'or ». Mais, au sein de cet âge d'or, on peut tout de même distinguer différentes périodes et, selon moi, la « période d'or » de René Goscinny se situe dans la deuxième moitié de la décennie des années 1960 où, de 1965 à 1969, je trouve que quasiment tout est exceptionnel.

L'album sortit originellement en 1968 et ne déroge pas à la règle. Album de très haut vol, très subtil, avec un gros paquet d'humour et une cohorte de répliques à double niveau d'entente.

D'un côté, Goscinny brosse très fort notre fibre patriotique et notre chauvinisme bon marché tout en n'oubliant pas au passage ce qu'il s'est passé vingt-cinq ans plus tôt. Ce n'est évidemment pas un hasard si la ville thermale choisie est Vichy et l'archétype du collabo délateur est incarné par le gros homme d'affaire Lucius Coquelus, qui a fait fortune dans le commerce de roues à Clermont-Ferrand. Avec ce clin d'oeil même pas masqué à Michelin, je pense que Goscinny ne souhaitait pas épingler cette firme en particulier mais plutôt des constructeurs comme Renault ou Berliet, plus directement impliqués dans l'effort de collaboration.

Bien évidemment, Goscinny s'amuse à fond des gros clichés sur l'accent chuintant auvergnat et sur la « tradition » de commerce de vin & charbon, notamment dans la capitale au sortir de la seconde guerre mondiale. Bref, du bien bel ouvrage, un album solide, drôle et extrêmement bien construit, avec un Uderzo fidèle à sa grande dextérité jamais démentie. Si par bonheur vous ne connaissez pas encore cet album, vous pouvez y aller, ch'est du tout bon, du moins ch'est mon avis, ch'est-à-dire, pas grand-choge.
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Je continue le tour de mes origines avec cet album. César, qui veut faire un coup d'éclat, est à la recherche du bouclier que lui aurait remis à ses pieds Vercingétorix. de leur côté, nos gaulois partent en cure à Vichy. Pour Obélix ? Non mais quelle idée ! Pour Abraracourcix qui, ayant un peu abusé des festins, a un foie qui le fait souffrir. Mais Astérix et Obélix vont semer la zizanie dans le centre et le chef se verra obligé de leur demander de partir. Ils vont donc visiter la région et tombent, inévitablement, sur les romains. Ou plutôt, devrais-je dire avec l'accent arverne, « les romainches ».

Encore un grand moment !
Lien : https://promenadesculturelle..
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Alors que plus que jamais, notre société doit se débrouiller pour jongler entre histoire et mémoire (et par là-même l'historien également), René Goscinny et Albert Uderzo ont déjà apporté leur pierre à l'édifice depuis 1968 et la sortie du onzième tome des aventures d'Astérix le Gaulois : le Bouclier arverne.

Pour cause de troubles digestifs, Abraracourcix part en cure à Gergovie, escorté d'Astérix et Obélix. C'est là l'occasion, pour nos deux fiers guerriers rigolards, de partir en quête d'un objet mythique, le bouclier de Vercingétorix, qui est convoité par César lui-même en vue d'un défilé.
On retrouve avec grand plaisir Astérix, Obélix et Idéfix dans une aventure joviale et très bien menée. le dessin est vif, l'humour de même : des parties de cache-cache dans le charbon aux dialogues de sourds entre Obélix et Idéfix, les jeux de mots se multiplient encore et toujours ; on se demande comment Goscinny réussit à en caser autant en si peu de pages ! Des allusions aux oeuvres littéraires de Jules César, des connaissances populaires sur "Nos ancêtres, les Gaulois", mais aussi quelques aspects régionalistes chers à cette série (on se rappelle le Tour de Gaule) : bref, l'ensemble est ô combien riche de sens !

Plus qu'une aventure réussie, c'est aussi une réflexion sur le passé militaire français. En effet, nous sommes en 1968 et donc à un tournant de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale au sens du sens à donner à l'action des Français et du gouvernement français entre 1940 et 1945. Tels les Gaulois à propos d'Alésia, il y a longtemps eu un dénis complet de certains événements afin de mieux assurer un mythe résistancialiste toujours latent (merci ironique à Monsieur de Gaulle...). D'un autre côté, on sent la souvenir comme quelque chose à conserver. Les lois mémorielles de ces dernières années en sont la preuve encore aujourd'hui - à tort ou à raison. Nous soulevons là des enjeux bien tendancieux, même si l'humour décrispe les situations mises en lumière ici.

Toujours est-il qu'avec ses aspects de bande dessinée d'aventure historique, Astérix réussit encore à nous divertir tout en abordant des sujets capitaux de notre société, encore vrais aujourd'hui. N'est-ce pas là le secret d'une bande dessinée de qualité faite pour durer quasi éternellement ?
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Je le considère comme un des meilleurs albums de la série, les gags remplissent toutes les pages, les personnages secondaires ont de l'envergure... on est pas loin des sommets (pour moi, La Zizanie et le Domaine des Dieux). Si Astérix Légionnaire était déjà très bon, cet album marque un nouveau tournant dans la série, moins burlesque, un humour chargé de références, ces références plus judicieusement intégrées au scénario, une lecture à plusieurs niveaux, suivant l'âge du lecteur, avec quelques thématiques loin d'être légères, patriotisme, gloire militaire, collaboration... Pour moi, cela représente l'entrée dans la grande période d'Astérix, jusqu'à Astérix en Corse.

J'ai noté deux petits détails intriguants dans cet album :

Il y a tout d'abord cette étonnante faute d'orthographe qui a passé le filtre des correcteurs : “... le druide Diagnostix qui dirije l'établissement thermal…” qui me donne la fierté de posséder une édition originale.

Et il y a cette référence : “Mes gaulois sont dans la pleine” pour “Les gaulois sont dans la plaine” qui suscite bien des débats sur les réseaux sociaux, il s'agit sans doute une parodie de potache vraisemblablement très connue à l'époque et oubliée depuis, qui se chante sur la musique de la Marche Lorraine, y-a-t'il là une moquerie sur le patriotisme ? Toujours est-il que le jeu de mot saute aux yeux, mais les subtilités de cette référence un peu moins. Des fois, Goscinny va chercher très loin !

Autre détail qui m'amuse bien : les jeux de mots sur les noms des romains dans cet épisode ne fonctionnent qu'avec le supposés accent auvergnat où les “S” se prononcent “CH” : Coquelus, Perrus, Ballondebaudrus, Fanfrellus. Goscinny sait réinventer ses propres gags, ce n'est qu'un petit détail mais qui révèle bien son talent.

Et puis j'ai dit que le burlesque n'était plus, le seul moteur de l'humour, mais il est pourtant très très présent, et génialement servi par le graphisme d'Uderzo. Je ne sais pas quel gag je préfère, le rire des esclaves numides ou la révolte des curistes... fou rire à chaque relecture ! A noter que les scènes de bagarres sont rarement représentées, le duo d'auteurs sont des cracs de l'ellipse en bande dessinée, À part la première rencontre avec Tullius Fanfrellus, dans toutes les autres bagarre, on ne voit pas Obélix distribuer les baffes, et pourtant, il en met un paquet !

Bref, il y a plein d'inventions, d'humour, il y en a pour tout les goût, c'est un album très complet, très riche, du grand art.
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Un dessinateur au sommet de son art et un scénariste bien inspiré donnent des bijoux de la bande dessinée tels que ce bouclier Arverne.
Le foie d' Abraracourcix fait les frais du début de cet épisode... Ce qui démarre, pour le chef gaulois comme une virée gastronomique, se poursuit dans une cure au régime drastique... Et cette trouvaille scénaristique de génie (qui rend Abraracourcix méconnaissable mais pas pour tout le monde) prend toute sa valeur.

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La dynamique générale de ce tome, lu il y a fort longtemps, était claire dans mon esprit ainsi que sa finalité mais je ne me souvenais pas vraiment pas des détails.
Qu'est ce que j'ai aimé cette relecture!
Je ne sais plus exactement à quand remonte ma dernière lecture, avais je vraiment compris la subtilité des répliques? Je ne sais plus, mais qu'est ce que j'ai aimé re-découvrir des dialogues tels que :
-Ben oui, ô César...Nous n'avons pas de souvenirs de la Guerre des Gaules
- Sans commentaires.
Si le scénario, qui se présente comme un jeu de piste, n'a rien de très innovant, il est cependant très jouissif au niveau des trouvailles de Goscinny et Uderzo (à, le système de communication interne de l'entreprise Roue Coquelus).
Avant relecture, je ne sais pas si j'aurais cité ce tome si on m'avait demandé de nommé 5 tomes des aventures du fameux Gaulois mais c'est, maintenant pour moi, un incontournable.
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"Le Bouclier Arverne" est l'une des aventures d'Astérix que je préfère, surtout
parce que l'humour y est parfait : les personnages y sont tous parfaits dans leur rôle, drôle ; Goscinny invente des gags simples, mais universels. C'est rare, ces bandes dessinées qu'on peut lire à tous les âges, qu'on peut donner à presque tous les publics ( la seule exception étant, en l'occurrence, ceux qui n'aiment pas rire ) qui y trouveront tous un intérêt différent.
Une autre chose que j'apprécie beaucoup, c'est la légèreté ; car il s'agit d'une bande dessinée drôle et légère, agréablement légère. C'est toujours agréable de lire une bande dessinée légère, drôle et subtilement drôle pourtant.
Très agréable !
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le Bouclier Arverne est sans doute un des plus réussi (difficile de faire un choix), avec un scénario en flash-back (rare chez Goscinny) et un mystère à éclaircir qui, ajouté aux traits d'humours, en fait un des plus intéressant à re-re-relire.
Les particularités de l'accent auvergnat (ma grand mère avait gardé cette diction légèrement suintante) et les portraits d'auvergnats typés sont particulièrement bien utilisées pour ajouter à l'humour. Si, passé la première lecture (où je me souviens avoir franchement ri) on se contente de sourire, c'est quand même un de ceux dont les répliques cultes sont les plus marquantes.
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Je ne connaissais pas cette aventure de nos amis gaulois. Erreur réparée !
Cet épisode est un excellent cru je dois dire. Il nous entraîne à la découverte de l'Ardèche, son vin et son charbon. On met en déconfiture Jules César et ses troupes, Abraracourcix suit un régime (!), Obélix est susceptible, Astérix est malin... Un bon cru je vous dis.
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Deux mots clés sous-tendent en grande partie l'humour de cet album : vin et charbon. « Vins et Charbons », c'est justement la devise invariablement uniforme et le message subliminal que délivrent les enseignes des petits commerces de Gergovie (page 16). Ces derniers sont les transpositions carrément anachroniques des « Bougnats » ou cafés-charbons tenus par les « Auvergnats de Paris », arrivés dans la Capitale avec l'exode rural et reconvertis en vendeurs de boissons et de charbon au XIXe siècle.

Le thème du vin et de la picole est présent dès la première page avec l'apparition d'un centurion ivrogne qui prend possession du fameux bouclier et se révèlera plus tard être Ballondebaudrus, centurion en disgrâce vu son penchant pour la dive amphore (page 40). Ballondebaudrus deviendra le compagnon de beuverie de Caius Joligibus (page 43), ce dernier étant également un buveur invétéré (page 36) et par là même un piètre agent secret trop bavard sous l'emprise de l'alcool. Les Gaulois ne sont pas en reste, Abraracourcix, malgré ses problèmes de santé, n'hésite pas à revendiquer le dicton (page 9) « Un bon vin ne peux faire que du bien », tout en se servant copieusement à partir d'une amphore suspendue sur l'épaule, ce qui ne va pas arranger son cas.

Quant au charbon, il est à l'évidence à l'origine d'un gag récurrent et permet à tout un chacun de se cacher (sous un tas de charbon, dans une charrette de charbon, dans la cave à charbon…) et de ressortir aussi noir qu'un mineur de fond. C'est vrai pour Astérix et Obélix mais aussi pour une légion entière de Romains à la recherche du fameux bouclier. Vins et charbons seront les deux responsables de la déroute de la garnison romaine de Gergovie qui perdra ainsi la face devant Jules César (page 47) en montrant un pitoyable spectacle, les Romains étant soit saouls, soit maculés de charbon (donc noirs dans tous les cas).

Cet album, le 11e de la série, paru en 1967, poursuit avec le même niveau d'exigence l'âge d'or de la grande époque Goscinny-Uderzo, les gags sont légion (si j'ose dire), les références historiques et les jeux de mots abondent, y compris dans les patronymes des protagonistes, le comique de situation est omniprésent, le scénario déroule une véritable enquête, réservant même au lecteur quelques rebondissements, enfin, le trait de crayon d'Uderzo est définitivement irréprochable.

Je me suis un peu avancé, lors d'une précédente critique d'un album de la série, en indiquant que les références à la seconde guerre mondiale et à l'occupation étaient rares chez Astérix. Je me rends compte que tel n'est pas le cas. La seconde guerre mondiale est plus ou moins évoquée dans tous les albums avec pour toile de fond l'invasion romaine et l'occupation de la Gaule (sauf dans Les Goths et Les Normands où l'on observe un changement d'envahisseur de référence, mais les clins d'oeil persistent avec l'évocation d'un IIIe Reich belliqueux et conquérant et celle d'un Débarquement sur les plages de Normandie). On peut ajouter à cela l'allusion à la Résistance notamment lyonnaise dans le Tour de Gaule, la collaboration avec l'ennemi dans le Combat des Chefs et les quatre notes de l'indicatif de Radio Londres entendues Chez les Bretons. Dans le cas présent, au-delà de la Gaule occupée par les Romains, on rencontre dans le Bouclier arverne une allusion évidente au Régime de Vichy : nos héros partent en cure, sont à la diète, et se rendent dans la ville thermale d'Aquae Calidae (Vichy). Pour la Gaule occupée, la défaite est amère : si l'emplacement de Gergovie est encore connu de tous, beaucoup de personnages dans l'album semblent avoir totalement oublié où se trouve Alésia…

L'accent arverne (ou auvergnat) est l'un des ressorts comiques de l'album, les "zeu" se prononcent "jeu" et les "seu" prononcent "cheu" comme dans "Chéjar" (« et les "cheu", ils les font, ils les font, mais à la place des "seu", c'est des fadas, c'est des fadas… » aurait pu dire Galabru avant d'ajouter : « dur, dur, y'a que ceux qui sont dans le charbon qui vivent bien ! »). Ainsi, certains Romain peuvent disposer de patronymes en us mais d'un type nouveau grâce à cette prononciation locale : Tullius Fanfrelus (fanfreluche). Marcus Perrus (perruche), Ballondebaudrus (ballon de baudruche), Lucius Coquelus (coqueluche).

Parmi les jeux de mots notables issus de cet album, on peut citer : « – Abraracourcix, où sont tes Gaulois ? – Mes Gaulois sont dans la pleine » (réponse d'Abraracourcix à Diagnostix, en référence aux paroles de la Marche Lorraine et de ses parodies successives, page 12) ; « – Ben oui, ô César… Nous n'avons pas de souvenirs de la Guerre des Gaules – Sans commentaire » (réponse de Jules César à Tullius Fanfrelus, en référence au titre de son récit historique : Les « Commentaires sur la guerre des Gaules », page 18).

La description parodique de l'Entreprise Michelin constitue l'une des curiosités *** (vaut le voyage) du parcours. Goscinny et Uderzo nous font découvrir de l'intérieur le « monde de la grosse industrie » (page 29), avec son lot de bizarrerie : le culte de la personnalité du chef (le patron, Lucius « Coqueluche », est surnommé « le Maître » par sa secrétaire, page 28), la messagerie interne (pages 28 et suivantes), les open-spaces (page 29), la gestion documentaire des courriers anonymes et confidentiels (page 32).

La représentation des Noirs (dois-je dire Renoi ou Black ou… Numide pour ne pas choquer ? On ne sait plus trop…) est source d'un humour clairement daté des années 60 qu'il serait sans doute difficile de promouvoir de nos jours. Attention, je vais une fois de plus aborder un aspect que d'aucuns qualifieront sans doute de non politiquement correct ou de tabou. Les plus sensibles pourront s'ils le souhaitent sauter le paragraphe. Vous aurez noté que je prends des précautions plutôt deux fois qu'une. J'ai adressé une lettre à mon avocat, au cas où il m'arriverait quelque chose. Premier constat : les Noirs ont la lèvre charnue et l'accent prononcé. C'est habituellement le cas de Baba, vigie des pirates, qui n'apparaît pas ici, le déplacement se faisant à l'intérieur des terres. C'était le cas dans Astérix Gladiateur des porteurs numides du préfet Caligula Alavacomgetepus, du masseur numide des thermes de Rome et du gladiateur numide amateur de charades. D'autres porteurs numides apparaissent également dans Astérix et Cléopâtre et dans le Bouclier arverne. Tous ont une parure ridicule avec des plumes d'autruche sur la tête. C'est comme ça, tradition hollywoodienne oblige. Ceux du Bouclier arverne qui transportent Tullius Fanfrelus sont néanmoins plutôt sympathiques et, au fur et à mesure des déboires de leur maître, ont la mine de plus en plus réjouie voire franchement rigolarde (pages 14, 15, 20 et 21).

Dans le Bouclier arverne toujours, on rencontre un système de messagerie interne assez génial et loufoque qui consiste à faire circuler les messages par porteurs numides de petite taille enfermés dans les caissons des bureaux (pages 28 et suivantes). Deuxième constat : nous rions beaucoup de la mise en situation de ces Numides, qui ne sont ni plus ni moins que des esclaves noirs ordinaires, et de surcroît de petite taille…

La pensée woke et les sensitivity readers n'existant pas en 1967, il est encore possible de rire aujourd'hui de gags sortis de l'imagination débridée d'un Goscinny et magnifiés par le trait acéré d'un Uderzo en grande forme. Pas sûr que l'idéologie woke et la Cancel culture auraient eu l'heur de plaire aux deux auteurs… D'ailleurs, Anne Goscinny, fille de, s'est émue récemment dans un article du Parisien de l'opération de réécriture « non offensante » menée par les ayants-droits de Roald Dahl.

Bonemine apparaît ici pour la première fois en étant désignée par son nom (page 6). On se souvient d'une villageoise ressemblant à Bonemine et vouvoyant Abraracourcix (qui lui, la tutoie), lui ayant déjà prêté main forte pour ajuster sa tenue avant de rencontrer Aplusbégalix dans le Combat de Chefs. Bonemine dit-on, prendra plus tard les traits de Marthe Villalonga, cependant, ils sont encore peu perceptibles ici. Au rayon des caricatures, réelles ou supposées, notons encore l'apparition d'un personnage qui a les oreilles, le menton, les mains, les habits verts et l'allure générale de Gaston Lagaffe, mais malheureusement pas la forme arrondie de son visage. Caius Joligibus a un rôle important à jouer dans l'histoire, et il ne doit pas être assimilé au héros d'André Franquin. Cela le distingue du légionnaire ayant les traits d'Achille Talon qui apparait très furtivement dans l'album Chez les Bretons.

Enfin notons que, pour la troisième fois, après les albums Astérix le Gaulois (où la tradition n'était pas encore bien établie) et Les Normands (en récompense des services rendus), le barde Assurancetourix participe au banquet final sans être entravé. Assurancetourix a bien été tabassé au moins une fois par Cétautomatix, et ce, de façon ici purement gratuite (page 8), mais il n'a joué aucun rôle essentiel dans le scénario. de fait, il s'agit ici de mettre en relief l'absence exceptionnelle d'Abraracourcix qui a pourtant été l'un des protagonistes de premier plan. La raison : la suite de la querelle de couple qui l'oppose à Bonemine (page 8), celle-ci ne supportant pas de le voir participer à un banquet et de remettre ainsi sa santé en péril. Attention, les femmes de caractère débarquent dans la série à partir de cet album (mais elles sont encore et toujours absentes lors des banquets).

J'espère vous avoir convaincu que cet album est à lire ou à relire, je suis allé au charbon pour noircir ces quelques pages de ma critique, et in fine veritas, ne pas avoir fait chou blanc…
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