AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782012657465
290 pages
Hachette Livre BNF (01/05/2012)
5/5   1 notes
Résumé :
Président des Hydropathes, puis des Hirsutes, cercles littéraires et artistiques de la fin du siècle dernier, Emile Goudeau laissa ses mémoires en 1888. Inédit depuis cette date, ce volume reste l'un grands classiques de la vie littéraire des années 1875 - 1885. Du quartier latin au cabaret le Chat Noir, entre poésie et fumisme, Parnasse et symbolisme, ce livre rapporte aussi l'histoire d'une génération perdue, partagée entre le rire et le désespoir.
Que lire après Dix ans de bohême (Éd.1888)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le nom d'Hydropathe vous dit-il quelque chose ? Il fut à l'origine d'une fabuleuse aventure littéraire et artistique à laquelle se joignirent les grands noms De Maupassant, Sarah Bernhardt ou encore Villiers de L'Isle-Adam. A leur tête, un personnage moins connu, Emile Goudeau, jeune poète Périgourdin lancé à la conquête de Paris.

Si vous aimez les ambiances fin XIXe, sa jeunesse rebelle et scandaleuse, nul doute que vous vous régalerez de ce témoignage riche en anecdotes et teinté d'humour. Si, à l'inverse, le XIXe ne vous évoque plus qu'un long et pesant cours de français sur l'Assommoir, jetez-y un coup d'oeil sans hésiter car on savait s'amuser à l'époque (oui oui !). Goudeau nous raconte avec un large sourire les vils coups montés de leur charmante société. Chez les hydropathes, les farces ne sont pas tendres : feindre une dispute et un duel à mort ? Faire croire au décès de son compagnon à la presse, l'insulter durant la veillée funèbre au mépris de toutes conventions ? Aucun souci ! Il y a là de quoi faire passer pour de petits joueurs les adeptes de l'humour noir contemporain.

Après la Commune, la nouvelle génération se sent d'humeur révolutionnaire : « On criait à la mort de l'opérette, au renouveau du drame, à la renaissance d'une poésie, d'une poésie plus vivante, moins renfermée en des tabernacles par les mains pieuses des servants de la rime riche ; on voulait ranimer l'impassible muse, lui rendre les muscles et les nerfs, et la voir marcher, moins divine, plus humaine, parmi les foules devenues souveraines. ». Dix ans de bohème nous plonge dans la frénésie d'une jeunesse conquérante, en rupture avec les ancêtres. Chaque chapitre apporte de nouvelles aventures, de la création des hydropathes à des soirées de plus en plus peuplées, de plus en plus folles. On y déclamait des vers, on y buvait allègrement de l'absinthe en poussant la chansonnette. Bref, on riait bien. On s'amusait pour ignorer le malheur d'une « génération qui avait tant raison d'être pessimiste luttait par la gaieté contre les ennuis et les jaunisses. » Revenant sur les romantiques, Goudeau l'affirme encore : « mieux vaut être demeuré vivant grâce à l'insouciance, que d'être mort stoïquement de misère, en se drapant du manteau de héros byronnien. »
Au travers de ces pages, nous découvrons en même temps l'incroyable activité de la presse, les journaux littéraires qui, sur cette courte période, naissaient pour mourir en quelques numéros. D'autres anecdotes délicieuses font effet de véritables témoignages socio-historiques. Goudeau raconte ainsi comment la présence des femmes a pu être imposée aux réunions, alors que les lois voulaient les exclure. Nul doute que les choses changent profondément à la fin des années 1870. Hommes et femmes ne veulent plus rester à la place imposée par un monde trop cadré auquel ils ne croient plus.

Puis, vient la création du célèbre Chat Noir, un petit bar à l'origine, un simple couloir qui ne pouvait contenir qu'une vingtaine de personnes. Hélas, ils étaient bien une centaine à se presser à l'intérieur, au point de briser le mur de l'horloger dès côté pour investir les lieux !
Et que de beau monde verra-t-on naître autour de ce bar ! Décadents, symbolistes, parnassiens s'accordent avec le Chat noir – dit cabaret Louis XIII – et sa décoration quelque peu morbide (on y trouvait de vrais crânes !). Verlaine et Mallarmée entrent en scène, place à une nouvelle génération. La folle aventure des hydropathes rejoint les souvenirs. Emile Goudeau en tire ce constat qui a la nostalgie est bons moments finis :
« Il faut que les bohèmes se succèdent et ne se ressemblent pas ; une génération a la bohème joviale, la suivante l'a triste ; j'ai comme une idée que les jeunes bohèmes futurs seront de plus en plus tristes : ils ont peut-être raison. Mais nous avons bien ri, je vous jure. »

Après avoir pénétré avec un réel enthousiasme dans le petit monde des années 80, rencontré une foule de personnages aujourd'hui oubliés, ri de leurs facéties, on se sent un peu nostalgique aussi parce que cette mémoire est véritablement belle et vivante.
Lien : http://unityeiden.fr.nf/dix-..
Commenter  J’apprécie          30
Quand on a beaucoup rêvé, comme moi, sur la bohème des temps héroïques, fin du dix-neuvième siècle au Quartier Latin et à Montmartre, ce témoignage d'un de ses acteurs est passionnant. Emile Goudeau était un employé administratif qui ne s'épanouissait pas vraiment dans son travail, monté à Paris pour devenir poète, il galère ; mais la désillusion n'entame pas sa bonhomie et avec quelques camarades de buverie il fonde la Société des hydropathes, qu'on peut considérer comme les ancêtres des slameurs, « simples diseurs de vers » qui récitent leurs oeuvres dans des cabarets.
Ce n'est pas trop bizarre de faire ce rapprochement. Voilà le programme de Goudeau : « faire dire par les poètes eux-mêmes leurs propres oeuvres ; trouver une scène quelconque, et jeter en face du public les chanteurs de rimes, avec leur accent normand ou gascon, leurs gestes incohérents ou leur gaucherie d'allure ; mais avec cette chose particulière, cette saveur de l'auteur produisant lui-même au jour l'expression de sa pensée.» Et quand je lis ces vers de Richepin : « Venez à moi, claquepatins, Loqueteux, joueurs de musettes, Clampins, loupeurs, voyous, catins, Et marmousets et marmousettes, Tas de traîne-cul-les housettes. Race d'indépendants fougueux ! Je suis du pays dont vous êtes : le poète est le Roi des Gueux », je me dis qu'on est tout à fait dans un certain esprit populaire qui resurgit de temps en temps avec la même fraîcheur, pour disparaître avec la même naïveté. Et je passe sur la petite anecdote où l'on apprend au passage que ces poètes de la bohème et leurs amis mangeaient déjà des « sisquebah » dans un grec de la rue Monsieur-Le-Prince. le dandy Paul Bourget en train de manger des kebabs, ça ne s'invente pas !
Bien qu'il fût timide par nature et plutôt taciturne Emile Goudeau était visiblement quelqu'un de sympathique et de jovial, il aimait tout le monde, les poètes des revues comme les chansonniers. Et la bohème rassemblait tout ce petit monde de débutants dans la joie et la bonne humeur. Dans ce livre il a reproduit quelques-uns de leurs textes et il raconte leurs blagues d'étudiants attardés. Il explique aussi la manière alambiquée par laquelle il voulait que ce mot d'hydropathe suggère la démocratie (un colosse aux pieds de verre), et c'est cela qui caractérisait la bohème, une grande foire sans distinction et rigolarde.
Commenter  J’apprécie          32

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Quitte le restaurant discret, où vous soupâtes,
Niniche et toi, bourgeois vide et prétentieux ;
Profitant du lorgnon que le vin sur tes yeux
Pose, viens avec moi t’asseoir aux hydropathes.

Pourtant avant d’entrer, un mot : – que tu t’épates
Ou non, garde-toi bien des mots sentencieux
Devant ce défilé de profils curieux ;
L’endroit est sans façon, on n’y fait point d’épates.

Certes ne t’attends pas à trouver un goût d’eau
Au parlement criard que préside Goudeau ;
Laisse à ton nez poilu monter l’encens des pipes ;

Et – moins sot que Louis, aux canons bien égaux,
Foudroyant les Téniers et leurs drôles de types –
Du Cercle Hydropathesque admire les magots.

[Sonnet de Jules Jouy]
Commenter  J’apprécie          30
On criait à la mort de l’opérette, au renouveau du drame, à la renaissance d’une poésie, d’une poésie plus vivante, moins renfermée en des tabernacles par les mains pieuses des servants de la rime riche ; on voulait ranimer l’impassible muse, lui rendre les muscles et les nerfs, et la voir marcher, moins divine, plus humaine, parmi les foules devenues souveraines.
Commenter  J’apprécie          50
Mieux vaut être demeuré vivant grâce à l’insouciance, que d’être mort stoïquement de misère, en se drapant du manteau de héros byronnien
Commenter  J’apprécie          40
Le pessimisme le plus noir ombre aujourd’hui les fronts et les cœurs de vingt ans.
Commenter  J’apprécie          40
Si le « moi » des autres est haïssable, son propre « moi » est délicieux.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Émile Goudeau (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Émile Goudeau
Lutte parisienne - Émile Goudeau lu par Yvon Jean
autres livres classés : classiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11088 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}